Partir, quitter Londres, rien que pour une seule journée. Se souvenir. Respirer. Elle n’avait que quelques heures devant elle pour rejoindre la campagne. Sa maîtresse Héléna Sheridan lui avait permis de prendre un cheval, lui permettant d’aller plus vite qu’à pied et surtout de ne pas abimer sa robe. Annabeth était belle dans sa tenue bleue. Vêtue simplement, elle ressemblait à n’importe quelle bourgeoise, mais jamais la jeune femme n’avait oublié ses origines. Revenir en arrière, cela avait été une longue décision de sa part, mais pour quelques temps, elle avait envie de revoir sa famille adoptive, lui dire qu’elle allait bien, lui dire qu’elle était heureuse, même si cela n’était pas vrai. Elle voulait faire croire à ses parents adoptifs qu’elle avait trouvé un fiancé, elle voulait qu’ils soient heureux. Le scénario avait été bien orchestré dans sa tête, elle savait exactement quoi faire. Annabeth était une jeune femme intelligente, mais voilà longtemps qu’elle avait appris à masquer ses émotions, ou bien à mentir, sauf à sa maîtresse.
Quitter Londres n’avait pas été difficile pour la belle courtisane, ce fut le chemin de Londres à Landscape qui lui parut difficile. Annabeth ne savait pas comment elle allait être accueillie par ses proches, elle craignait aussi que les rumeurs sur son compte aient traversé les remparts de la ville. Les champs commençaient à voir pointer les brins de blés. Les bêtes étaient dans les pâturages. Cette nature raviva en la jolie brune des souvenirs profonds et joyeux, ces moments qu’elle avait passés à la ferme. Avec ses frères et sœurs d’adoption, elle gardait les animaux, tout en jouant joyeusement dans les prés. Cette vie était parfaite et Anna aurait adoré devenir une fermière, épouser un homme et avoir pleins de beaux enfants. Cependant, la vie en a décidé autrement, elle n’avait pas eu le choix, sa mère était revenue auprès d’elle, pour lui faire vivre un Enfer. Si seulement, elle avait pu partir, elle aurait pu tout abandonner et vivre avec ses parents adoptifs, mais sa génitrice avait voulu autrement. Prostituée aux plus offrants, voilà le destin d’Annabeth avait vécu.
Son cheval avançait sur les chemins et après quelques temps, la jeune femme voulut s’arrêter pour faire boire l’animal et aussi pour se reposer les jambes. Elle n’avait pas l’habitude de monter à cheval, elle apprenait seulement depuis quelques mois et cette promenade était sa première, qui serait aussi longue. La jeune femme craignait une catastrophe, que le cheval s’emballe à cause du passage d’un animal, ou encore qu’elle se perde, mais pour le moment tout se passait bien. La belle courtisane trouva un lac pour laisser boire son cheval et s’avança jusqu’à lui. Elle ne fit pas attention aux alentours, si bien qu’elle prit peur, quand elle vit un homme non loin de là. Annabeth eut un mouvement de recul et chercha dans son sac, le poignard que sa maîtresse lui avait donné. La jeune femme le cacha derrière son dos et continua à reculer.

« N’approchez pas ! » Disait-elle d’une voix forte et tremblante. Depuis sa mésaventure dans les rues de Londres, où elle avait failli mourir, la brune se méfiait de tous les hommes qu’elle pouvait rencontre seule, sur son passage. En boucle, elle se repassait que les hommes étaient fourbes, mauvais et tueurs, si bien qu’elle était parvenue par le croire et que maintenant, dès qu’elle sortait, elle prenait une arme pour se protéger. D’ailleurs, l’homme qui lui faisait face lui était familier, mais Annabeth ne préféra pas se poser de questions, elle préférait avant tout se protéger, plutôt que de prendre le risque de se faire tuer violemment.

Annabeth était très méfiante depuis son attaque dans les rues de Londres, elle ne s’attendait donc pas à voir un homme dans l’eau et non plus à ce qu’il sorte pour aller à sa rencontre. La belle courtisane, qui ne sortait plus jamais sans une arme, sortie alors un poignard et le brandit face à l’homme, tout en le menaçant de ne pas approcher. Elle ne le connaissait pas, il pouvait être n’importe qui et surtout, il pouvait être une menace pour elle. Annabeth n’aurait jamais imaginé que revenir à Landscape aurait pu lui causer de tels dommages. Elle n’aurait jamais dû l’oublier, les hommes étaient des êtres méprisables, des violeurs, des personnes avec une cruauté incroyable. Pour le prouver, il suffisait de voir le nombre de jeunes femmes qui se faisaient violer, battre et tuer chaque jour et malheureusement, pour les survivantes, peu d’entre elles parvenaient à parler, par peur. Les femmes n’avaient pas le choix, elle devait subir, puisque tel était le droit de leur époque. C’est pour cette raison, que jamais Annabeth voudrait se marier, elle avait trop subi à cause des hommes et de la cruauté de sa mère, aujourd’hui, elle veut donc rester tranquille et couler des jours heureux en compagnie de la comtesse de Lancastre.

Tout en brandissant son poignard la jeune femme criait à l’homme de ne pas s’approcher, tandis qu’elle faisait ça, elle fit peur à son cheval, qui finit par s’enfuir. Annabeth tenta de le rattraper, tout comme l’inconnu, mais en vain, l’animal alla trop loin, pour qu’ils puissent faire quelque chose, même les appels de la jeune femme ne purent rien faire. Son cheval absent, elle était désormais vulnérable face à cet inconnu. Elle marqua à nouveau la distance avec lui et pointa son poignard, pour qu’il ne s’approche pas d’elle. Annabeth était désemparée, sans cheval, elle ne pourrait sûrement pas rentrer chez elle avant la tombée de la nuit, ni aller à Landscape. Sa promenade et ses retrouvailles étaient donc fichues. Et en plus, l’homme lui reprochait de ne pas avoir attaché son cheval.

« Ce n’était pas prévu que je lâche mon cheval et si vous faites un pas vers moi je vous jure que j’utiliserai cette arme. » Prévenait la jeune femme tout en regardant autour d’elle. L’homme s’approcha, pour lui demander si elle était d’ici. Elle recula de plusieurs pas. « Non je ne suis pas d’ici. Je vous en pose des questions moi ? » Répondit-elle abruptement. « Maintenant, vous allez me laisser, je vais retourner à pied jusqu’à Londres. » Disait-elle tout en marchant vers le chemin du retour.