Le passé appartient au passé.
Cette robe je m'en rappellerais toute ma vie. Elle était rouge avec des broderies dorées et des pierres précieuses au niveau du décolleté déjà bien rempli que j'avais à vingt ans. Vingt ans, le bel âge pour trouver un mari convenable. Celui que l'on disait convenable dans ma famille s'appelait Pier Luigi Farnese, grand et fort, mais surtout fils de cardinal. Descendant moi-même d'un pape, je ne pouvais qu'épouser un fils de cardinal. A cette époque, sa famille faisait briller tout le royaume à coup de fêtes étincelantes. C'est comme ça que ma mère me dit un jour :
J'aimerais bien que tu rencontres ce garçon. Je suis sûr que vous feriez un mariage formidable. Je ne comprenais pas encore toutes les décisions rapides et importantes qu'obligeait le mariage mais je répondais innocemment que je souhaitais le rencontrer. C'est comme ça que ma mère fit tout pour se faire inviter à un de leur bal et sachant le caractère de ma mère je ne veux même pas savoir ce qu'elle a fait pour avoir la fameuse invitation.
La robe rouge est celle que j'ai portée le jour où j'ai rencontré celui qui allait être mon futur mari. Elle avait été faite à Milan et on l'avait fait venir spécialement pour ce jour. Je ne l'avais jamais porté avant et rien que le fait de la revêtir me paraissait être un déguisement. Ma servante avait réalisé une belle coiffure, bien relevée, un chignon tressé que j'avais eu du mal à enlever une fois le bal fini. Je me sentais princesse d'une nuit. Me regardant dans la glace, je commençai à comprendre ce que l'on pouvait trouver à une femme comme moi et je me décidai à donner le meilleur de moi-même pour séduire ce tout jeune homme qu'était Pier. La route pour arriver à sa demeure me parut longue. Le carrosse tanguait et je me soulevais à chaque obstacle sur la chaussée. Pour cette nuit un peu spéciale, cette nuit où j'allais être présentée au grand monde italien, j'étais accompagné de toute ma famille : mon père, ma mère et mon grand frère. J'avais alors le sentiment d'être bien protégée et de savoir sur qui compter en cas de problème majeur. En arrivant, je me pavanais devant l'architecture du somptueux manoir. Cet endroit me changeait bien de mon petit chez moi. Le temps d'entrer arriva et c'est là que je le vis de loin. Pier, les cheveux longs et bruns au vent, le torse bombé, la poitrine décorée de pierres précieuses et l’épée à la main, serrait les mains de tous ces invités. Je n'osais m'approcher à cause de ma timidité enfantine mais cet homme me plaisait physiquement. Cela ne m'aurait pas étonné qu'il est une intelligence et une vivacité d'esprit attrayante. Ne pouvant avancer plus, je me dirigeais vers un buffet de gourmandises adressées aux invités.
Je ne souhaitais pas manger tellement mon ventre était noué. Je voulais surtout me mettre à une fenêtre et contempler la nuit au loin. Quelle belle lune nous avons ce soir ! Le vent retentissait dans mes oreilles et je me laissais bercer à son allure. C'est alors que j'aperçue à côté de moi une femme du même âge, plongée surement dans les mêmes pensées. Alors que je n'osais parler à Pier, je me mis à parler à la jeune femme.
Vous aimez regarder la lune vous aussi ? Elle veille sur nous ce soir.Pensant que j'avais été un peu trop direct. Je préférais me taire quelques minutes au lieu de dire des paroles nauséabondes et surtout immatures pour mon âge. C'est alors qu'elle me répondit. Je ne m'attendais pas à une réponse alors je fus surprise et très heureuse que cette personne s'intéresse à moi, la petite Gerolama sans intérêt.
Est-ce votre premier bal ici ? Moi c'est le premier et je n'ose pas m'approcher de la piste. J'ai trop peur qu'on me regarde et qu'on me juge.Je lui glissais un sourire sachant que ce sourire forcé mènerait surement à un autre moins crispé plus tard dans la soirée.
© Grey WIND.