Lucrezia Vaughn

"On est souvent trompé en amour, souvent blessé et souvent malheureux, mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière ; et on se dit : j'ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j'ai aimé. C'est moi qui ai vécu, et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui." TON PERSONNAGE PRÉNOM & NOM ♦ Lucrezia Fernandes, épouse Vaughn. AGE ♦ 27 ans. DATE DE NAISSANCE ♦ Le 18 décembre 1526. ORIGINE ♦ Espagnole. SITUATION FAMILIALE ♦ Veuve sans enfants. MÉTIER ♦ Profiter de cette nouvelle forme de liberté ! GROUPE ♦ Étrangers. CRÉDITS ♦ Izzy & Tumblr. LE JOUEUR PSEUDO ♦ Jaz'. AGE ♦ 18 ans. OU AS-TU CONNU LE FORUM? ♦ En faisant des recherches sur le XVIème siècle anglais. TON AVATAR ♦ Freida Pinto la magnifique. VOTRE PERSONNAGE EST-IL HISTORIQUE OU FICTIF? ♦ Tel quel fictif, mais qui sait... VOULEZ-VOUS ÊTRE PARRAINÉ? ♦ Non merci.

▬ QUELLE EST VOTRE RELIGION ET QUE PENSEZ-VOUS DES CHANGEMENTS RELIGIEUX DU PAYS? ♦ Les bouleversements qui agitent la vie de l'église d'Angleterre sont de bien mauvaise augure pour le peuple, pour le monde de demain. Protestants contre catholiques, maintenant catholiques contre protestants, à croire que quand ils estiment en avoir fini avec les juifs et les musulmans, ils se battent entre eux. Est-ce le devoir chrétien qu'ils prêchent, ces prélats, ces prêtres, ces pasteurs ? J'en doute. Leur intolérance ne fait que raviver leur haine de l'inconnu, et une fois encore, cela se soldera par des flots de sang, des bûchés ravivés, des centaines de morts. J'ai cela en horreur depuis ma toute petite enfance, et même si pour l'heure, ma naissance espagnole et mon apparent catholicisme me protègent, mais jusqu'à quand ? Lorsque quelqu'un, quel qu'il soit, remontera à mes origines, à ma naissance, il verra. Ma fidélité à Rome n'est qu'une façade, mon cœur ne s'incline qu'en direction de la Mecque, la seule foi qui court dans mes veines est celle de l'islam, et ce en dépit des persécutions, des efforts du pouvoir pour me faire plier. Où cela va-t-il me mener ?

▬ QUE PENSEZ-VOUS DE LA NOUVELLE REINE D'ANGLETERRE? ♦ Elle ne me connait pas, mais moi, je la connais. Elle est ma cousine, mais si elle n'en sait rien, moi je le sais. Petite fille de Ferdinand d'Aragon au même titre que moi, je doute fort cependant qu'avoir une cousine musulmane et descendante du dernier émir de Grenade la réjouisse. J'ai du respect pour elle, pas parce-qu'elle est ma cousine, mais parce-qu'elle est la fille de Catherine d'Aragon, et vis-à-vis de feu mon mari, Arthur, je ne puis cracher sur l'unique enfant de celle qui nous a permis, à Arthur et moi, d'avoir une vie décente. Cependant... Les faits sont là : ses grands-pères étaient rois comme l'étaient les miens, elle a une couronne, elle a un trône, et moi, je n'ai rien. Sentiments ambigus, vous dîtes ? Pour ce qui est de son rôle de souveraine, son intolérance me déplaît, et quelque chose me dit qu'elle ne sera sans doute pas apte à me considérer comme sa cousine, mais bien comme une pestiférée, à l'instar des autres. Une catholique à l'image de ceux qui ont détruit la lignée de mon grand-père, Az-Zughbî.

▬ QUE PENSEZ-VOUS DE JANE GREY? ♦ La première victime de ma cousine, de son intolérance, de sa fidélité aveugle à Sa soi-disant Sainteté le Pape. Une bien innocente jeune fille, naïve sans doute, pantin entre les mains de son père et son beau-père, malheureux pion sur l'échiquier bien sombre du pouvoir, elle n'a pas mérité son sort, pas plus que son mari Dudley, ni même que son père, le Duc de Suffolk. Peut-être ce dernier étaient-il le moins innocent des trois, mais aucun être ne mérite de mourir de telle façon, pas même le pire des criminels. La peine de mort est le symbole de la plus ultime des barbaries, a fortiori lorsqu'elle est appliquée sur une demoiselle de seize ans, à peine sortie du domaine familial. Il est inutile de plaindre Jane Grey désormais, elle marche dans les étoiles d'un autre monde, mais de tout cœur je plains sa famille. Je prie pour eux tous, dans l'espoir de jours meilleurs pour eux et l'Angleterre.

▬ AGISSEZ-VOUS DANS L'OMBRE POUR VOTRE CAUSE OU VOTRE FOI, SI OUI QUE SERIEZ-VOUS PRÊT A FAIRE ? ♦ L'ombre et moi, ça ne fait qu'un, depuis toujours : c'est dans l'ombre que je suis née, dans l'ombre que j'ai grandi, dans l'ombre que j'ai prié ce Dieu qui est le mien, et qui n'est guère différent de celui des chrétiens. Oui, j'agis dans l'ombre, c'est le seul moyen pour moi d'être honnête envers moi-même : je n'ai de comptes à rendre qu'à Allah, et il lit dans les cœurs, il sait quelle est l'inclination du mien. Cela ne me réjouit pas, mais tant que l'intolérance et l'amour du pouvoir domineront le monde, je n'aurais d'autre choix que d'agir dans l'ombre. Je compte bien, cependant, que cela ne dure pas : être reniée commence vraiment à me sortir par les yeux, et j'ai la ferme intention de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour que cela n'arrive plus. Je mérite une place dans le monde, celle que tous me retirent à cause de mon teint basané et de mes yeux noirs. Et je compte bien l'avoir.

El amor en los tiempos de cholera

La plus fougueuse, la plus fière de toutes les enfants de l'Andalousie. La plus secrète, aussi. La plus brune, celle qui avait la peau la plus ambrée, les yeux les plus noirs, celle qui restait toujours dans l'ombre malgré elle, celle qui rêvait de briller mais qui ne le pourrait jamais. Celle qui avait le teint si mat, les cheveux si sombres, les yeux d'un ébène tel que les autres enfants l'évitaient comme une pestiférée. Je n'avais jamais quitté Grenade, et la grande bâtisse andalouse à moitié en ruines dans laquelle j'avais vu le jour. De loin, on aurait pu croire que ma famille était de noblesse désargentée, mais comme tout ce qui concernait ma famille, les apparences étaient trompeuses. Elles se contentaient de nous protéger de l'Extérieur.

L'Extérieur, c'était le monde derrière les portes de cette demeure qui était celle des Fernandes, ce monde qui s'était imposé au nôtre et à cause duquel nous devons nous cacher. Je haïssais l'Extérieur autant qu'il me fascinait. Des heures durant, je me perchais à la fenêtre de ma chambre, et je regardais Grenade s'étaler sous mes yeux d'onyx, comme si j'en était encore la princesse. Les odeurs des patios, le bruit des fontaines, les dorures du palais de l'Alhambra qui dominait la ville depuis sa falaise, jamais je ne me lassais d'admirer ce paysage, de m'en imprégner comme si je voulais ne faire qu'un avec lui. Mon père m'avait dit que si le monde avait tourné différemment, il serait le souverain de tout cela, et moi l'héritière de son trône.

Mon père avait l'allure et le sang du plus grand des rois, et je l'admirais plus que quiconque sur Terre, exception faite de ma mère. Miguel Fernandes, chevalier de Grenade, fils bâtard de Ferdinand d'Aragon et de la fille du dernier émir nasride de Grenade, Aixa, rebaptisée Isabel au moment de la Reconquista. C'est l'histoire qui a bercé mon enfance, celle qui coule dans mes veines, celle qui ne fait qu'un avec ma chair. 1492, la prise de Grenade, la chute du dernier bastion musulman en Europe face aux armées d'Isabelle de Castille et de Ferdinand d'Aragon. Et Az-Zughbî, contraint de remettre aux Rois Catholiques les clefs de la ville, à l’Aragonais sa fille Aixa, de qui naîtra bientôt mon père. Celui que l'Histoire nomme désormais Boabdil ne garda finalement que ses larmes, pour pleurer comme une femme ce qu'il n'avait pu défendre comme un homme.

C'était mon père qui me contait ces histoires, pour s'assurer que je saurais quelle était mon histoire, quel était mon héritage. Si j'aimais écouter ses récits, ils m'emplissaient de terreur et de rancœur, et me donnaient envie de rentrer comme une furie dans les couloirs de l'Alhambra pour hurler à tous ses grands d'Espagne que j'étais ici chez moi bien plus qu'eux tous réunis, et que mes parents et moi méritions infiniment mieux que les ruines de notre domaine. Ma mère disait souvent que si je n'étais pas aussi fière, je ne souffrirais pas. Elle, elle souffrait finalement bien peu. C'était une femme douce, pieuse, avec une voix magnifique. Lorsqu'elle chantait, c'était un nouveau monde qui s'ouvrait sous mes pieds, et j'oubliais tous les malheurs de la réalité. Elle s'appelait Khadija, mais aux yeux de l'Extérieur, son prénom était Maria. La femme du Prophète contre la mère du Christ. Une des très nombreuses choses dont l'Extérieur n'avait aucune connaissance, et ne devait jamais en avoir.

C'était devenu un jeu, à force, un double monde auquel je finis par m'habituer, n'ayant d'autre choix. Il y avait l'Extérieur, et il y avait nous, deux mondes étanches qui ne devaient jamais entrer en collision, de peur de provoquer un cataclysme. Nous allions à l'église tous les dimanches matins, nous glissions à nous cous des croix d'or, mais une fois entre nos murs de pierres, c'était différent. Mes parents m'apprirent les gestes à suivre : prier le front et les paumes contre le sol, tournés vers le sud-est, se laver les mains en suivant un rite particulier, suivre les préceptes dictés dans le livre interdit, écrit de droite à gauche, qui changeait souvent de cachettes. Et il y avait ces périodes de l'année où tant que le soleil dardait ses rayons sur la chaude Andalousie, ni nourriture ni boisson ne franchissait le seuil de nos lèvres. Double monde et double jeu, double vie aussi.

Quel avenir serait le mien dans cette Espagne toujours plus catholique, qui ne voulais pas de nous ? Lorsque je naquis, par une froide nuit de décembre, mes parents refusèrent tout prénom musulman pour moi, par sécurité. Ils préférèrent un prénom espagnol, Lucrezia, littéralement "la gagnante." Qu'avais-je à gagner, mon royaume ? Je le désirais ardemment, et dans mon esprit d'enfant, je le reprendrais tôt où tard. Je rêvais d'une couronne en or et d'une robe d'argent, d'une pluie d'honneurs, d'une liberté absolue. Je passais devant les églises et je fermais les yeux, persuadée que lorsque je les ouvrirais, elles seraient redevenues les mosquées qu'elles étaient jadis. Je commençais alors tout juste à apprendre à monter à cheval, sous le regard vigilant de mon père, et bientôt je pus galoper à satiété sur les hauteurs de Grenade en posant sur la ville un regard conquérant.

J'avais sept ans, et je croyais que j'aurais la force de renverser le monde encore une fois, de reprendre la place qui avait jadis été la nôtre. J'étais convaincue de mon invincibilité, et du fait qu'un jour le monde m'appartiendrait, et que tous ceux qui me regardaient de haut comme une pestiférée mordraient bientôt la poussière comme les miens l'avaient mordue. Ma mère et ma grand-mère Isabel, à qui je rendais régulièrement visite au couvent, désapprouvaient mes discours véhéments, mais mon père voyait là la fierté d'une souveraine. Mes rêves de gloire et de grandeur ne servaient en fait qu'à masquer tant bien que mal la dure réalité de mon quotidien. Contrainte au secret et à l'ombre, traitée comme une moins-que-rien alors que j'aurais dû être princesse, j'avais sept ans et en dépit de tout, j'étais une exclue.


Une jeune femme, déjà. Toujours aussi brune, la peau toujours sombres, les yeux plus noirs que jamais. Mais avec quelque chose de plus : à mon annuaire gauche était glissé un anneau en argent. Une alliance. Elle brillait la depuis quatre ans alors, et Lucrezia Fernandes n'était plus. Lucrezia Vaughn avait pris sa place.


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Coucou

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