Once Upon a Time... Really, Dearie ?
L’histoire de Margaret pourrait s’apparenter à un conte de fée, tout du moins, c’est que l’intéressée a voulu croire pendant quelques années avant d’être cruellement désillusionnée.
Au moment de sa naissance, le 5 mai 1535, ses parents sont le comte et la comtesse Armstrong, des membres de la Cour d’Ecosse. Si Lord James Armstrong a un petit rôle d’écuyer auprès d’un parent du Roi Jacques V, Lady Cecily Armstrong est quant à elle, dame d’honneur de Marguerite Tudor, la sœur d’Henry VIII d’Angleterre et la mère de Jacques V d’Ecosse. Le couple n’en est pas à leur premier enfant : en effet, un an auparavant est née Jane. Suite à la naissance de Margaret, le père de famille a décidé de quitter la Cour pour profiter pleinement de cette nouvelle naissance et pour permettre également à la jeune mère d’une vingtaine d’années de se remettre de ses couches.
Cependant, la petite fille n’a pas réellement connu d’amour de la part de James Armstrong, qui la traite avec mépris et ne cache pas sa préférence pour son aînée, Jeanne. Le père de famille n’hésite donc pas à encourager sa fille ainée à mépriser cette cadette au grand damne de leur mère qui ne peut qu’assister impuissance au comportement de son mari.
Ainsi, si elle n’a pas manqué de nourriture ou de jouet, Margaret a passé son enfance le plus souvent seul et en a développé une forte timidité comme une sorte de rempart contre les méchancetés de sa sœur et de son père. Sa mère, quant à elle, a bien trop été prise par ses funestes nombreuses couches pour consoler sa benjamine aussi souvent que celle-ci l’aurait voulu. Son cœur martyrisé par la solitude, Margaret a alors fini par trouver un certain réconfort auprès de ses poupées puis des livres dès qu’on a jugé que les poupées n’étaient plus de son âge. En quelques années, Margaret a lu bon nombres d’auteurs de son temps comme Rabelais ou Erasme. Nulle n’aurait pu alors douter de l’excellente éducation de cette autodidacte.
Néanmoins, malgré ses études studieuses, la jeune fille n’a pu, à l’occasion, s’empêcher d’écouter aux portes lorsque son père et sa mère se disputer. Après tout, la curiosité de Margaret a été éveillée lorsque sa mère n’a cessé de répéter après la naissance d’un énième enfant mort-né, que c’est Dieu qui la punissait de son effroyable péché.
Tout a alors basculé en 1540. Margaret a alors cinq ans. Ce jour-là, le roi Jacques V, de retour d’une chasse, a décidé de s’arrêter dans le domaine Armstrong pour profiter de leur hospitalité. Bien que crispé par cette soudaine apparition, Lady et Lord Armstrong n’ont pu faire autrement que d’accepter la venue du souverain en leur demeure.
Loin de ces considérations, l’excitation a gagné Margaret qui n’a cessé d’importuner les servantes pour qu’elle l’aide à se parer convenablement pour accueillir ce si grand souverain pour la petite fille haute comme trois pommes. La petite fille rousse n’a d’ailleurs pas pu s’empêcher de constater que le souverain est présent pour son anniversaire et fabulé sur le fait qu’il était venu pour elle, malgré les nombreuses réprimandes des servantes.
Cependant lors du repas servi en l’honneur de Jacques V et de sa suite, la petite fille n’a pas été capable de prendre l’initiative d’une conversation avec les rares enfants de son âge. Néanmoins, malgré sa timidité, Margaret n’a pas hésité trop de temps pour se glisser hors de son lit pour apercevoir une minute de plus le Roi, quand bien même elle sait qu’elle risque de faire gronder.
Toutefois, sur le chemin, elle est attirée par des bruits de conversations chuchotées et parvient sans peine à reconnaître les voix des domestiques. Inconscient que leur conversation soit épiée, l’un des serviteurs déclare être surpris par la ressemblance entre Sa Majesté le Roi et la petite Margaret. Avec une certaine raillerie, son interlocuteur lui demande de se souvenir de l’ordre qu’ils ont reçu plusieurs années auparavant, à savoir de taire que le véritable père de la petite Margaret est Jacques V d’Ecosse. D’ailleurs, a alors ajouté celui-ci, la petite a eu l’immense honneur de se voir légitimée il y a quelques jours afin d’être, en quelque sorte, un argument pour empêcher l’entrée de Lady Cecily au couvent.
Secouée par cette révélation, la fillette est remontée sans bruit dans sa chambre, oublieuse de sa véritable destination. Margaret est trop petite pour comprendre réellement ce que sa naissance implique au sein du couple Armstrong. Cependant, son cœur n’a pas cessé de bondir d’appréhension. Si le Roi était son père, cela veut dire dans l’esprit de Margaret qu’il était venu pour la sauver de ce méchant beau-père, comme les princes de ses histoires ?
Forte de cette idée, Margaret n’a que peu dormir cette nuit et s’est réveillée fort tôt pour être la plus belle possible si elle venait à croiser à nouveau le Roi. Toutefois, la petite fille a été déçue. Même si le Roi a passé outre la volonté des Armstrong en faisant introduire Margaret dans un entretien pendant quelques minutes pour l’informer personnellement de sa paternité et la complimenter sur ses lectures précoces, Jacques V a laissé sa fille à la garde de sa mère non sans promettre une rente importante pour assurer son éducation.
Après cet interlude enchanté aux yeux de Margaret, sa routine a repris son cours quasiment à l’identique si ce n’est qu’elle avait désormais des précepteurs renommés pour lui apprendre les lettres et les langues. De temps à autre, la jeune fille recevait une lettre de ce père absent accompagnant un présent en différentes occasions.
Par ces différents présents, Margaret en est venu à idéaliser le Roi qui, malgré qu’elle ne soit pas son enfant légitime, se soucie d’elle. Aussi lorsque la nouvelle de sa mort parvient à la maison des Armstrong en décembre 1542, Margaret n’a pu s’empêcher de pleurer à chaudes larmes ce père si proche et pourtant si loin de lui.
Aussi, alors qu’au mois de janvier 1543, Lady Cecily entre dans les ordres car Dieu aurait voulu lui transmettre un message avec la mort de son ancien amant, Margaret se promet de faire la fierté par ses connaissances ce père se trouvant en compagnie des autres anges.
Forte de cette résolution, les années ont passé pour Margaret et la petite fille rousse a perdu les rondeurs de l’enfance pour faire place à une ravissante adolescente cultivée à l’éducation digne des plus grands souverains. Toutefois, si son éducation religieuse n’a pas été négligée non plus, la jeune Margaret, au vu de son ascendance, n’a pu s’empêcher d’être critique à l’égard des travers de Rome même si elle n’a pas contesté ouvertement son autorité.
Un matin de juin 1551, une lettre parvient au domaine des Armstrong pour Margaret. La jeune femme qui venait de fêter ses seize ans a été surprise de l’origine de la lettre. Celle-ci vient en effet de la Cour d’Ecosse et aucune lettre n’était venue de ce lieu depuis la mort de Jacques V, quasiment dix ans auparavant. La joie de Margaret a été immense lorsqu’elle apprit qu’on la demandait à la Cour. Contrairement à son habitude, la jeune Stuart ne s’est pas gênée pour fanfaronner en préparant ses affaires, prenant ainsi sa revanche sur sa sœur Jeanne, contrainte à rester dans le domaine de son père.
Plein de rêve de faste et de solitude brisée en tête, Margaret arrive à la Cour début juillet 1551 et est rapidement présentée à la Reine douanière, Marie de Guise. Cependant, la rencontre ne se passe aussi bien que prévue pour la jeune Stuart. Voulant bien faire, la jeune femme a appris par cœur le protocole de la Cour d’Ecosse pour ne pas commettre d’impairs. Seulement, cela n’a pas été suffisant pour éviter de se faire moquer devant toute la Cour par Marie de Guise.
Honteuse au possible, il a fallu toute l’intelligence des servantes mise à sa disposition par la Reine pour ne pas qu’elle s’enfuit à toutes hâtes. Depuis ce jour, Margaret tente autant que possible de se faire discrète en compagnie de sa Belle-Mère pour éviter une nouvelle humiliation dans cette Cour remplie d’ennemis qu’elle avait idéalisée. La seule présence réconfortante pour Margaret est sa demi-sœur, Jane Stuart. Très proche en âge, elles ont rapidement sympathisé.
Toutefois, malgré toutes ses bonnes volontés pour que la Reine Marie lui apporte un peu d’affection, Margaret a vécu comme une véritable trahison la découverte que ses servantes étaient toutes à la solde de la Reine. Elle en a été fort agacée : était-elle si peu digne de confiance pour qu’on l’entrave autant de ses mouvements ? Que voulais-t-on faire d’elle ?
Ses dernières illusions se sont envolées lorsqu’elle a compris au moment de la prise de pouvoir de Marie Tudor en Angleterre que Marie de Guise la considère comme un pion dans son échiquier et que son bonheur lui importe peu si ça sert ses intérêts. Cela a été également le destin de Jane et cela la révolte profondément. Margaret va alors tout faire pour trouver, à défaut d’un prince charmant, un mari plaisant au cours de ses voyages aux côtés de la Reine Marie et ferait tout pour servir dignement sa demi-sœur, la Reine Marie, comme l’aurait voulu ce père désormais aux côtés des anges…