Hello darkness my old friend
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Fontainebleau, 16 Juin 1544.Ma chère Nelly,
Que je regrette que tu ne sois pas là avec nous ! La France est un pays superbe, et chaque minute passée ici avec notre oncle Barnaby est source d’émerveillement. Voilà maintenant un mois que nous sommes à Fontainebleau à la cour du roi François Ier, et nous y avons été très amicalement accueillis malgré les sempiternels conflits qui agitent nos deux royaumes depuis des siècles. L’Histoire est une drôle de chose, tu ne trouves pas ?
Tu te plairais ici, la cour du roi de France est belle, luxueuse, moderne. On y trouve toutes les personnes les plus intéressantes d’Europe, et j’apprends plus en une journée ici qu’en deux ans avec notre précepteur à Londres ! Oncle Barnaby connaît toutes les personnes importantes et a su s’en faire des amis, nous rencontrons donc beaucoup d’auteurs, de penseurs, de scientifiques et des théologiens. J’ai beau n’avoir que quinze ans, je vois que l’on me prend déjà au sérieux, et malgré mon jeune âge on me traite comme un homme. Je suppose que c’est cela que Père voulait dire par voyage d’apprentissage : ici, j’apprends à devenir l’homme que Père et Mère désirent que je sois, et j’ai à cœur de leur faire honneur dans toute la mesure de mes compétences. Pour l’instant, je ne crois pas me débrouiller trop mal, mais si tu savais comme je crains de dire quelque chose qui froisserait quelqu’un ! Je m’enterrerais sous le château et n’en ressortirais plus jamais.
Nelly, savais-tu que l’illustre Léonard de Vinci avait été accueilli par le roi François ? Savoir qu’un aussi grand homme a cheminé dans ces couloirs m’émeut beaucoup, et heureusement messire de Breteuil, qui l’a lui aussi connu, est assez aimable pour répondre à ma multitude de questions. Tu sais que j’ai toujours aimé dessiner et fabriquer des choses, des jouets pour vous mes chères sœurs, des petits objets insignifiants, dessiner des cartes, des plans… Père m’a toujours encouragé à développer ces petits ‘talents’, et ici aussi, on me dit de les cultiver pour peut-être un jour devenir le De Vinci anglais. Imagines-tu, Nelly ? Mon cœur bat rien qu’à cette pensée. Malheureusement, je n’ai pas la moitié du quart du talent du Maître. Je me contenterai donc d’admirer ses œuvres, essayer à ma manière de les imiter, apprendre au mieux de son héritage, et si je n’atteins qu’un centième de ce qu’il a apporté à ce monde, je serais déjà le plus heureux des hommes.
Quelles sont les nouvelles à Londres ? Jane et Abigail sont-elles toujours aussi agitées ? Dis-leur de ne pas rendre Mère folle, la pauvre a bien assez à faire comme ça avec Père. Si elles sont sages, je leur ramènerai un souvenir de France lorsque nous rentrerons dans quelques mois.
Bien à toi,
Ton frère Lawrence."
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Londres, 17 septembre 1544.Mon très cher frère,
Oui, mille fois oui, promis nous serons sages, te promettent Abi et Jane, à la seule condition que tu leur ramène de ces dentelles françaises dont on vante tant les mérites. Maintenant que j’ai rempli mon office de messagère et qu’elles sont retournées étudier (oui, comme je les en suspecte, fouiner dans la cuisine à la recherche de pains aux raisins), à nous deux ! Je suis très heureuse de savoir que la France te plaît tant et qu’oncle Barnaby s’occupe si bien de toi. Toi qui as toujours été un rêveur, toujours prêt à inventer toutes sortes d’histoires et de drôles de curiosités en bois pour amuser tes cadettes béates d’admiration, tu dois êtes au paradis. Je t’envie un peu. La vie à Londres suit son cours, sans peine mais sans grande excitation non plus. Que j’aurais aimé partir à l’aventure avec toi notre oncle. Je suis sûre que je me plairais beaucoup en France aussi. Emmène-moi avec toi la prochaine fois, je me ferai toute petite dans tes bagages ! Père travaille toujours beaucoup avec son nouveau partenaire commercial, Luke Silvester. A eux deux, ils ont pu presque doubler les chiffres d’affaires, sans compter qu’ils s’entendent à merveille. Master Silvester a un fils de ton âge, je pense que vous vous entendriez bien. Mère se porte bien aussi, les petites la font tourner en bourrique mais tu la connais, au font elle adore ça. Elle s’ennuierait si elle n’avait pas quatre enfants intenables sur les bras.
Je t’embrasse tendrement,
Ta petite Helen."
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3 Octobre 1549, Florence.Ma chère Nelly,
Je viens de recevoir et de lire, alarmé, les dernières nouvelles dans la lettre de Jane. Je comprends que l’arrivée de Lord Dudley au pouvoir a contrarié Père, lui qui s’est toujours intéressé à la politique et a toujours désapprouvé ces politiciens qui s’accaparent le pouvoir pour régner en lieu et place du roi. Que se passe-t-il exactement ? Père est agité depuis la mort du roi Henry, et toute l’Angleterre avec lui, et je crains pour sa sûreté pour la vôtre. Donne –moi des nouvelles, je t’en prie.
Lawrence."
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4 Novembre 1549, Londres.Mon cher grand frère,
Rassure-toi, le plus dur est passé. Comme tu le sais, Père n’a jamais été un partisan de Dudley, ayant toujours été plus proche de Somerset qui a de bons liens avec notre famille. Hélas, Somerset a été évincé du pouvoir tout juste quelques jours avant ta dernière lettre, et est maintenant en exil au château de Windsor. Père a été inquiété lui aussi, et s’est donc retiré de la vie publique pour un temps. Néanmoins, je le sens bouillir, et je crains qu’il ne fasse quelque chose de stupide. Heureusement, Mère le connaît assez pour le ramener à la raison et lui rappeler que sa famille est sa priorité, au-delà de ses différends politiques avec Dudley. Tout devrait rentrer dans l’ordre maintenant. Les Silvester nous ont été d’un soutien précieux, Master Luke a beaucoup accompagné Père et le raisonne lui aussi. Il a le tempérament calme et mesuré qu’il faut pour contrebalancer les élans de passion de notre père. Quant à son fils, Hugh, il demande très souvent de tes nouvelles et se plaint que tu ne lui écris jamais et que tu n’es qu’un ami ingrat. Hugh est quelqu’un de très bon, il a passé beaucoup de temps avec nous pendant que Père avait ses problèmes. Je crois que Mère, Père, et Luke envisage de nous marier. J’espère que cette perspective te fait autant plaisir qu’à moi, car je sais comme vous deux êtes devenus proches quand tu es revenu de France avant de repartir, deux ans plus tard, pour les Flandres et l’Italie. Père sait que les affaires ne sont pas trop ta tasse de thé, me faire épouser Hugh lui permettrait donc de vous partager la gérance entre vous deux. Il aime Hugh comme son deuxième fils, et il sait que vous êtes comme deux frères et que son héritage serait en de bonnes mains.
Tu nous manques, Lawrence. Jane a maintenant treize ans et ressemble de plus en plus à une femme. Elle grandit si vite, et je crois qu’elle veut grandir très vite aussi ! C’est le portrait craché de Mère, et Père en rit souvent. Quant à Abigail, elle est toujours aussi pétillante et souriante du haut de ses dix ans, l’âge de l’innocence. Puisse Dieu préserver ce cocon et la protéger de la méchanceté du monde.
Bien à toi,
Ton Helen."
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14 Mai 1550, Londres.Mon cher Hugh,
Si tu savais comme je suis heureux que tu aies emmené Nelly loin de Londres, notre père est intenable en ce moment. Malgré la libération de Seymour de la Tour de Londres, il ne décolère pas contre Dudley qui profite pleinement de sa position nouvelle à la cour. Penses-tu, maintenant qu’il a notre jeune roi sous sa tutelle, plus rien ne l’empêche de diriger le royaume comme bon lui semble, et Père comme Seymour en sont fous de rage. Même ton père, d’habitude si calme et mesuré, a manifesté quelque signe d’agacement lorsque Dudley est venu parader dans les rues lors d’une procession avec Sa Majesté. Notre famille n’est plus exactement la bienvenue à la cour, comme tu peux t’en douter. C’est malheureux, mais à vrai dire, je préfère me tenir éloigné de ce nid à vipères. Au moins, dans notre manoir, j’ai toute latitude pour faire mes recherches sans être dérangé par les mondanités habituelles de la vie à la cour.
Te souviens-tu de nos longues promenades dans le parc du manoir avec Nelly ? A l’époque où vous n’étiez même pas encore fiancés ? J’ai toujours su qu’il finirait par se passer quelque chose entre vous. Amour ou non, vous étiez fait l’un pour l’autre ; des âmes sœurs, j’oserais même dire. Et à nous trois, nous étions un joli trio. Nous allons jusqu’à l’étang au bout du parc, et nous restions là à discuter pendant des heures des dernières lectures de Nelly, de tes dernières prouesses de joaillier, pendant que je dessinais vos portraits. Maintenant que vous vous êtes mariés et que vous êtes partis vous établir ailleurs, je me sens terriblement seul, malgré les efforts de Jane et d’Abigail pour me faire sourire. Mes recherches patinent, mon ami. J’ai l’impression de tourner en rond, de ne pas savoir où regarder, ni même que chercher. Je me décourage, j’ai l’impression de poursuivre une chimère en vain. Il faut bien me rendre à l’évidence, je ne serai jamais un De Vinci, ni même qui que ce soit d’autre, mais si seulement je pouvais seulement m’approcher, un tant soit peu, de leur génie… quel homme comblé je serais ! J’ai vingt-et-un ans, et pourtant déjà, je me sens si vieux et inutile… Je fabrique des bricoles, des petits moulins à vent, des automates sans intérêt pour amuser les filles, j’étudie la météo, les mouvements de l’eau, la matière, je dessine en permanence, mais rien, rien ne me vient. Je désespère. Quand reviendrez-vous à Londres ? Je crois que c’est votre présence à tous deux qui m’inspire, me donne des ailes, et redonne foi en mes capacités. Sans vous, je ne suis plus qu’un triste épouvantail tout juste bon à brasser du vent.
Je vous souhaite tous mes vœux de bonheur et vous adresse toutes mes pensées les plus sincères.
Votre Lawrence, qui se désespère de ses deux plus chers amis."
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23 Juin 1550, Bath.Mon très cher et très idiot Lawrence,
Que lis-je, l’inspiration t’a quittée ? Balivernes, je n’en crois pas un mot une seule seconde : comme d’habitude, tu as besoin d’une bonne poussée dans le dos pour repartir du bon pied, c’est tout. Et bonne nouvelle : Helen et moi rentrons à Londres le mois prochain ! Es-tu heureux, cher beau-frère et ami ? Je crois qu’il est temps pour nous de retrouver la vie citadine : Nelly ne tient plus en place depuis ta dernière lettre, et ton père me presse de venir au plus vite l’aider dans ses ventes et ses expertises. Le commerce de la pierre précieuse n’attend pas, comme tu peux t’en douter. Tu nous reverras donc très bientôt, et nous pourrons comme au bon vieux temps retourner nous promener près de l’étang et bavarder pendant des heures pendant que tu nous croqueras avec ta mine de charbon. Tu devrais faire notre portrait d’ailleurs, Nelly et moi en avons discuté, et nous avons décidé que tu serais la meilleure personne pour faire le tableau de nos noces. Je sais que tu n’as pas peint depuis un certain temps, mais ces choses-là ne s’oublient pas, pas vrai ?
Plus sérieusement, je ne m’inquiète pas pour toi, mon brave Lawrence. Tu as toujours été comme ça, intelligent, doué, curieux, mais terriblement peu confiant en tes propres capacités. Ta propension à douter de toi-même m’étonnera toujours. J’ignore si tu as le génie d’un de Vinci, mais je ne doute pas une seule seconde que tu sauras apporter ta pierre à l’édifice, à ta manière. Il n’y a pas de savoir idiot, et je suis sûr que tes automates et tes dessins seront un jour utile à la science, ou te mèneront vers quelque découverte fabuleuse. Continue de regarder le monde avec cette même ouverture d’esprit, cet émerveillement enfantin qui te caractérise tant, et cesse de te tourmenter avec tes doutes et tes moments de découragement. Et trouve-toi donc une épouse digne de ce nom ! Une femme bien, qui saura supporter tes hauts et tes bas, et te tirera vers le haut comme Nelly et moi le faisons à l’heure actuelle. Je sais que c’est beaucoup demander car nous sommes des héros, il est bien vrai, mais enfin, nous ne sommes sûrement pas les seuls dans ce monde à pouvoir accomplir cet exploit. Ne t’en fais pas, Nelly s’est fait un tas de nouvelles amies, et a déjà commencé à rédiger la liste de celles qui correspondraient parfaitement à son grand anxieux de grand frère.
Nous en reparlerons dès notre retour. En attendant, reprends du poil de la bête, et remets-toi au travail ! Je compte sur toi !
Affectueusement,
Ton beau-frère et ami préféré, Hugh."
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27 Février 1552, Londres.Mon bien aimé,
Je suis terriblement inquiète pour Lawrence. Voilà maintenant huit jours qu’il s’est enfermé dans sa chambre, répondant à peine quand on entre pour lui parler, touchant à peine à la nourriture qu’on lui apporte. La mort de Père l’a bouleversé, et je crois que la douleur est telle qu’elle est à peine supportable. Vous savez qu’il a toujours eu les nerfs fragiles, toujours prêt à s’inquiéter d’un rien, à s’émouvoir de banalités. L’arrestation de Père juste après celle de Seymour l’avait déjà ébranlé, même s’il s’est efforcé de n’en rien montrer pour ne pas inquiéter Mère ou les filles, mais vous savez que je le connais bien et qu’il ne peut rien me cacher. Quelques semaines plus tard, nous apprenions que Père était condamné à mort… quel jour horrible ! Je frémis rien que d’y repenser. Mère s’est écroulée en larmes sur un fauteuil, Jane avait pris Abigail dans ses bras et toutes deux pleuraient silencieusement… Et Lawrence se tenait droit comme un i, blême comme la mort. Je me souviens encore de la froideur cadavérique de sa main lorsque je la lui ai prise pour le réconforter, lui qui a toujours eu les mains si chaudes et rassurantes…
Quelques jours plus tard, nous étions là, dans la foule, au milieu d’inconnus qui scandaient le nom des Seymour et le nôtre pour cracher dessus, méprisant un homme dont ils ignoraient tout et dont les enfants et l’épouse se tenaient avec eux, assistant impuissants au terrible spectacle. Père nous a vus, je l’ai vu dans son regard, ce soulagement de nous savoir auprès de lui couplé à la douleur de savoir que nous allions assister à une si atroce vision. Il a prononcé ses dernières paroles, implorant sa famille et la foule de lui accorder son pardon. Il n’a récolté que des huées, comme tant d’autres avant lui… Puis il s’est agenouillé, et le bourreau a levé sa hache. Par réflexe, j’ai pris Abi et Jane dans mes bras pour leur épargner cette horreur. J’ai entendu ma mère crier, et j’ai vu la tête de mon père rouler sur l’estrade. Oh Hugh, quelle abomination ! Je suis désolée de vous infliger encore une fois ce récit, mais vous savez à quel point j’en suis encore horrifiée. Et Lawrence n’arrive même pas à sortir de cette torpeur dans laquelle le choc l’a plongée. Je ne sais plus quoi faire. Il a besoin de vous, Hugh. Vous êtes son ami le plus cher, vous pourrez certainement le ramener à la raison. Et moi aussi, j’ai besoin de vous. Plus que jamais.
Dans l’attente fébrile de votre retour, je vous adresse toutes mes pensées et mon affection.
Votre Helen."
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20 Juillet 1554.Ma chère Nelly,
Ca y est, le grand jour arrive enfin ! Toute la cour est en ébullition pour les noces de la reine et du roi d’Espagne, l’agitation est à peine croyable. Quel dommage que toi et Hugh ayez dû partir, mais ta santé et celle du bébé passent avant tout. Je vous raconterai tout, je vous le promets. En attendant, tout Londres semble prête à célébrer les noces, malgré les protestations des uns et des autres qui ne veulent pas d’un espagnol comme roi. Pour ma part, je fais confiance à notre reine Mary. C’est une femme de tête, raisonnée, elle saura prendre les bonnes décisions, y compris pour son mariage. Vive la reine !
Pour ma part, tout va pour le mieux. Depuis que Jane Grey a été évincée, et les Dudley disgraciés, notre famille est de nouveau la bienvenue à la cour, et j’ose même croire que mes travaux commencent à être appréciés par les gentilshommes au service de la reine ! On m’invite régulièrement à des salons, à des dîners, à discuter avec tel ou tel personnage haut placé. Le surintendant des loisirs m’a même accordé des fonds pour retravailler les fontaines du parc ! La cour espagnole semble s’intéresser à moi également. Plusieurs de ces messieurs-dames m’ont déjà approché, disant dans leur accent chantant qu’ils avaient entendu parler de mes travaux et souhaiteraient en savoir davantage. Figure-toi que l’un des officiers haut-placés de Philippe de Habsbourg m’a même fait une proposition après avoir vu mes plans pour un modèle de canon plus léger pour les bateaux, ce qui leur permettrait de gagner en vitesse sans perdre en puissance de feu. Comme tu t’en doutes, je suis extrêmement flatté, surtout que c’est une opportunité en or de réellement m’établir comme ingénieur à la cour et de laisser définitivement les affaires de joaillerie à Hugh. Pourtant, quelque chose me chiffonne : ces plans de canon n’était qu’une chose pour m’amuser, auquel je n’avais pas pensé sérieusement jusqu’à aujourd’hui. Je n’avais pas dans l’idée de devenir ingénieur militaire, à vrai dire la guerre ne m’attire guère et je préfèrerais de loin aider à améliorer les installations dans les villes, inventer des machins pour améliorer la vie quotidienne, ou même étudier plus avant la botanique ou la météorologie. Je doute, Nelly. Tes bons conseils et ceux de Hugh me seront précieux quand vous rentrerez, en attendant, je vais continuer de discuter avec les espagnols et voir comment tout cela s’annonce.
Et non, je ne suis toujours pas fiancé ! J’ai tellement de travail, que ça n’est pas une vraie priorité, malgré les insistances de Mère, Abi et Jane qui rêvent de me voir enfin établi avec une famille ! Elles cherchent d’ailleurs activement un bon parti pour moi, ce qui est assez embarrassant lorsque je suis là et qu’elles demandent à une de leurs amies si elles ne connaîtraient pas une charmante demoiselle encore célibataire. Je ne suis même pas sûr d’être si bon parti que ça : certes, j’ai ma part de la fortune de Père et des affaires auxquelles Hugh me laisse associé, mais je ne suis ni très beau ni très intéressant pour une jeune femme mondaine. Je m’intéresse trop aux oiseaux, au vent, et aux machines pour être un parti raisonnable ! Certes, tu répètes souvent que j’ai du charisme, mais j’ai bien peur que ça ne soit pas suffisant après quelques années de mariage…
Merci pour la lotion que tu m’as fait parvenir. Je l’ai essayée la nuit dernière, et je pense effectivement avoir un peu mieux dormi, même si ces affreux cauchemars sont encore revenus me hanter. C’est ainsi depuis l’exécution de Père, comme tu le sais. Impossible de passer une nuit sans avoir ces terribles visions, et je me réveille en pleine nuit la peur au ventre, persuadé que c’est ma tête qu’on vient de couper. Après ça, impossible de fermer l’œil jusqu’aux aurores. Abi se plaint que je ressemble à un vieil homme malade avec mes cernes sous les yeux et que j’ai perdu du poids ; la pauvre s’inquiète beaucoup, et Jane passe son temps à me sermonner. Je ne veux pas les inquiéter, mais malheureusement je ne peux pas faire grand-chose à l’heure actuelle…
Hugh et toi me manquez, revenez vite. Je vous raconterai le mariage de long en large et en travers, et vous me raconterez comment s’est passé votre voyage en Ecosse.
Avec toute mon affection,
Votre Lawrence, plus impatient que jamais de vous retrouver."