Loyauté et Patience
Il existe très peu de mariage d'amour en Angleterre, mais quand Henry rencontra Margareth, il sut instantanément qu'elle allait devenir sa femme et lui donner le plus grand bonheur qu'un homme puisse avoir en ce bas monde. Ne nous trompons pas, cet amour fut tout ce qu'il y a de plus convenable et fut consacré à l'église dans la pure tradition catholique. Margareth ne pouvait rêver mieux que d'épouser un soldat de la garde royale, un Earnshaw. Ce nom reflétait une loyauté à toute épreuve et était l'assurance d'un mariage heureux. Car quel mariage ne peut être heureux dés lors où il est conforté par la fidélité et l'honneur ?
Ensemble ils eurent six enfants, trois garçons. Henry, du nom de son père, Edmond et Mark. Les trois fils furent élevés avec sévérité et rigueur afin de poursuivre le but des Earnshaw : intégrer la garde royale. Henry et Edmond étaient assidus, sérieux et rigoureux. Ils ne contredisaient jamais leur père ni leur instructeur et progressaient chaque jour un peu plus. Mark, dés ses premiers apprentissages, se montra déjà quelque peu... différent de ses frères. Il aimait malmener son instructeur, s'amusait des épreuves et exercices réglementaires et taquinait ses frères. L'instructeur lui pardonnait ses écarts, Mark était brillant et paraissait réussir avec aisance là où ses frères plus vaillants qu'intelligents avaient besoin de plus de travail. Si Edmond était plus clément envers son cadet, Henry Jr. préférait le sermonner et prenait déjà plus la place d'un père. Il n’appréciait pas voir grandir ce petit frère qui un jour lui volerait sa place non pas d'aîné mais de favoris de la couronne. Cette jalousie fut secrète et le resta, le père ordonnait une harmonie parfaite. Ils étaient plus que des individus, ils étaient une famille. Un Earnshaw sera toujours là pour un Earnshaw. Il n'était pas question de guerre interne...
L'attitude rebelle du petit Mark ne retint pas l'attention du père. Un petit garçon peut être turbulent tant qu'il se calme en grandissant et apprend de ses erreurs. Puis, Mr. Earnshaw était occupé et passait plus de temps à protéger la famille royale que sa propre famille. Mrs. Earnshaw, en revanche, trouvait l'évolution de son fils plus dangereuse et savait que l'absence d'un père, aussi honorable soit-elle, avait une mauvaise influence sur le cadet. Ses craintes furent bientôt exaucées et alors qu'à l'âge où on attend d'un garçon qu'il devienne un homme, Mark adopta une attitude... scandaleuse. Son frère aîné, Henry, qu'il respectait affectueusement, s'en alla à la guerre, suivi de près par Edmond. Mark se retrouva seul.
Pendant quelques années, il partagea la couche de gourgandines et bu dans les tavernes au lieu d'aider sa mère et d'honorer son père. Il y fit la rencontre de personnages cocasses, se retrouva mêler à des histoires de bagarres et se lia d'amitié avec des gens peu recommandables. Pourtant, il existe un code de l'honneur, discutable évidemment, entre les bandits. Sa rebellion prit fin subitement le jour où un coursier vint annoncer la terrible nouvelle... Sa mère fut la première à l'apprendre et ne voulant pas attendre le retour de Mark pour le lui annoncer, elle demanda au coursier d'aller le lui apprendre où qu'il fut. Mince affaire que de retrouver Mark, il avait des habitudes et se trouvait alors au lit avec une péronnelle au nom étranger. Le coursier entra sans crier gare et annonça la mort de Henry Jr. à son petit frère sans cérémonie. Ce dernier hurla, brisa le mobilier de la chambre louée, courut à en perdre haleine jusqu'à chez lui où il dévalisa l'armurerie et se mit en tête d'aller venger son frère mort à la guerre. Mr. Earnshaw mit quelques heures à contenir cette rage et réussit à lui faire prendre conscience qu'une telle colère était bénéfique. Elle l'était à condition de l'utiliser convenablement. Mon fils, lui dit-il, vous avez maintenant bien assez gâché vos dons naturels. Je vous ordonne d'honorer la mémoire de votre frère en reprenant vos exercices plus ardemment. Je serais votre instructeur et ferais de vous le plus grand guerrier que l'Angleterre ait connu.
Les dires de son père se confirmèrent. Mark Earnshaw était doué dans le maniement des armes. L'alcool et les femmes restèrent toutefois son péché. Mais Mr. Earnshaw lui pardonna, en bon catholique qu'il était certes, mais surtout parce que son fils combla ses espoirs.
A 20 ans, Mark entra dans la garde royale au service de Henri VIII. Il n'avait alors qu'un poste loin de la cour et ne voyait ni le Roi ni ses sujets. Ses talents furent remarqués et récompensés : il intégra bien vite la garde rapprochée. A la mort du Roi, Mark s'engagea auprès de la princesse Mary Tudor jusqu'à la mort d'Edouard VI, en 1553, où à à peine 30 ans il combattit avec la princesse pour renverser le gouvernement de Jane Grey. Son entière dévotion et son arme lui vale la confiance absolue de la Reine Mary et ce compliment le rend d'autant plus fier de pouvoir la servir et la protéger. Ses quelques dix années auprès de roi et reine lui firent goûter la délicieuse vie de la cour. Il n'abandonna pas les bordels et les tavernes, au contraire, car ses nouvelles fréquentations lui permettaient d'approcher des femmes plus belles encore et réservée à la haute société.
Avec lui dans la garde royale se trouve un autre homme : Jasper Riddle. Mark ne portait pas sur lui des intentions douteuses et n'avait aucune arrière pensée lorsqu'un jour où la garnison buvait un coup dans une des tavernes les plus proches du bordel préféré des messieurs, il harangua le dit Jasper et se moqua de lui ouvertement. Son côté taquin ne laisse pas indifférent et son intelligence le rend quelque peu pince-sans-rire. Imaginez donc la réaction de ce Mr. Riddle lorsqu'il fut sous le joug verbal de notre protagoniste ! Il n'essaya pas d'agir en bon anglais et de laisser couler, au contraire, il se jeta sur son épée et le provoqua en duel. Si leur chef n'avait pas été là, ils se seraient certainement battu jusqu'à la mort. Mais sa présence d'esprit fut de les séparer et de demander à leurs supérieurs de leur trouver un position des plus distanciée. Ils se croisent de temps à autres certes, et évitent de s'échanger les mots d'usage. Mark s'amuse et froisse quelques fois Jasper qui essaie de s'en sortir en gentleman.
Son immoralité concernant les femmes chagrina beaucoup ses parents qui souhaitaient le voir s'établir au plus vite avec une femme honorable qui lui ferait de nombreux enfants. Ils lui présentèrent des femmes de toutes horizons, catholiques évidemment, qui étaient toutes plus jolies les unes que les autres, avec parfois une dot considérable. Mark n'en avait cure. Son train de vie lui convenait amplement et il ne voyait pas l'intérêt de s'emprisonner dans un ménage. Le modèle de ses parents y était peut être pour quelque chose : devait-il être question d'amour ? Il est difficile de croire que Mark avait une once de romantisme en lui. C'est grâce à sa patience qu'il vint à bout des incessantes présentations que lui organisaient ses parents.
Un beau jour, la Reine Mary Tudor lui offrit une mission particulière : surveiller sa jeune sœur, la princesse Elizabeth, que Mary soupçonne d'être une traîtresse. Au début, Mark fut ravie de se voir confier une telle tâche, cela marquait la confiance inébranlable qu'avait la Reine en lui mais aussi, et surtout, la princesse se révéla être une beauté pure. Elle avait la fraîcheur de son jeune âge et la grâce de son sang. Malheureusement pour lui, ses espoirs furent anéantis, elle se révéla être une vraie plaie. Elle fuyait, se cachait et le livrait en proie à des sentiments les plus violents. Il aurait aimé pouvoir lui donner une bonne correction mais gifler une princesse, même si celle-ci pouvait être une traîtresse, était proscrit. Il usa alors de sa splendide patience et supporta en silence les jeux de l'enfant. Ses difficultés avec sa pensionnaire lui firent approcher la jeune Bess, qui travaille dans le bordel luxueux qu'il connaît bien. Loin de lui offrir les mêmes compliments qu'aux autres, il aime converser avec elle de temps à autres. Sa rousseur lui rappelle l'autre...
Son affection dépasser parfois le juste devoir. Alors qu'il le croisait souvent à la cour et bien qu'il ne lui fut jamais officiellement présenté (on ne présente pas les gardes royaux), un certain Simon Renard vint s'enquérir de sa jeune protégée. Ses questions furent banales, un peu trop. Pour ne pas éveiller de soupçons sur son léger trouble et pour faire honneur à sa loyauté (après tout, sa reine a choisi un espagnol), il y répondit en toute franchise. Malheureusement ses informations ne suffirent pas à étancher la soif de l'espagnol et il lui fit promettre de se revoir, pour toute autre chose, mais Mark n'est pas dupe. Il ne sait cependant pas comment réagir. Ces espagnoles sont-ils des amis de sa souveraine ? Plus encore, sa petite princesse court-elle un danger ? Ou l'est-elle, ce danger que tous redoute ?
Loin des ennuis de la cour, il oublie un temps sa fonction et profite, comme toujours, d'une vie d'homme libre. Pourtant, sa situation ambiguë peine son cœur loyal... Devra t-il un jour dénoncer sa princesse qu'il commence à apprécier ? Des ennemis rôdent. La cour est un théâtre où tous jouent un rôle.