¡ Rápido ! ¡ Rápido ! criait-on dans les couloirs du palais à Madrid. Alors qu'on entendait le son des cloches résonner dans toute la ville, la Cour espagnole se presse vers les appartements de la Reine Isabelle du Portugal. En ce jour d'été, durant le mois de Juin 1535, la petite princesse royale vint le jour. Elle fut la dernière fille de Charles Quint, le célèbre Empereur. L'accouchement fut long et laborieux, mais après plusieurs heures, Jeanne de Habsbourg fut mise au monde, Juana dans sa langue maternelle. Un grand soulagement et l'allégresse se firent sentir au palais royal à Madrid quand on l'apprit en bonne santé; et le peuple clamait la nouvelle. ¡ Que es hermosa ! s'exclama Isabelle qui contemplait de manière attendrissante le doux et innocent visage sa jeune fille, sous le regard de Marie, la grande soeur de la princesse qui venait de voir le jour. En effet, on vantait rapidement la beauté de Jeanne, et rien ne changea depuis. Quelques jours plus tard, on avait alors organisé un grande fête, comme à leur habitude, en l'honneur de Jeanne qui était en bonne santé et qui venait tout juste d'être baptisée au nom de Jésus Christ. En effet, malheureusement avant la naissance de la princesse Jeanne, deux des enfants du couple royal sont morts jeunes, bien trop jeunes, et affecta douloureusement la Reine Isabelle. Tolède, deux ans plus tard, on la vit avec un ventre bien rond. Elle portait un enfant, mais lors de l'accouchement, rien ne se passa comme prévu. On apprit alors que le nouveau né n'avait pas survécu et que la Reine Isabelle était très affaiblie. Pendant plusieurs jours elle souffrit des suites de son dernier accouchement. Les trois enfants Philippe, Marie et Jeanne qui était bien trop jeune, attendirent au dehors des appartements de leur mère, voyant les médecins passer, courir dans tous les sens. Philippe et Marie s'inquiétaient mais ne dit rien, surtout en présence de leur petite soeur Jeanne. Le silence était pesant et quelques heures plus tard, des cloches sonnaient mais pas pour les mêmes raisons. Un requiem se fit entendre dans les couloirs du palais. Jeanne n'avait que deux ans et n'avait aucune idée de ce qu'il se passait. Elle entendit Marie qui avait seulement onze ans prononcer des mots en latin dont elle ne comprit pas le sens. Missa pro defunctis, requiem aeternam donna eis. Domine, et lux perpetua luceat eis. C'est en l'absence de sa chère mère que la princesse grandit, aux côtés de son grand-frère et de sa grande-soeur. Jeanne resta tout de même forte, ne laissant paraître ses émotions. Dans son enfance, elle eut une excellente éducation, ce qui n'étonna pas lorsqu'on nait fille d'un empereur de l'une des plus grandes puissances du monde. Elle ne manqua de rien, sauf de la présence de son père Charles Quint dont l'absence se fit remarquer de plus en plus. Elle passa beaucoup de temps avec son frère notamment à qui la fonction de régent lui revenait de droit. En grandissant, Jeanne l'admirait et adorer passer du temps avec lui, en dehors de tous les tracas politiques dont ils faisaient face. Il fallait s'y attendre en tant qu'enfants du puissant empereur Charles Quint. Lorsque Jeanne eut six ans, Philippe en eut seize et son mariage était prévu avec Marie-Manuelle du Portugal, du même âge. La princesse espagnole le voyant heureux avec elle, n'en était pas moins. Neuf ans plus tard, c'était au tour de Jeanne de se marier, elle avait seulement dix-sept ans quand on lui présenta sans qu'elle ne s'y opposa, son mari Jean Manuel du Portugal. De cette union naquit deux ans plus tard, un garçon qu'ils baptisèrent Sébastien qui ne connut pas son père. En effet, Jean Manuel décéda quelques jours avant la naissance. Alors qu'elle n'a que dix-neuf ans, Jeanne est désormais veuve, et pourtant aucune larme n'apparurent sur son visage. Beaucoup furent surpris du caractère fort de la jeune Jeanne qui venait de perdre son mari. Elle eut une réputation de femme austère après ça, malgré son apparence innocente et un visage doux. Elle a traversé des épreuves difficiles, mais le veuvage ainsi que le pouvoir paternel étaient des choses bien connus de Philippe et Jeanne. Cette dernière n'en finit pas surtout quand il s'agissait de son fils. Elle montrait un caractère d'une lionne face à sa belle-mère et tante, Catherine d'Espagne. Une grande rivalité caractérisait leur relation et la jeune princesse espagnole réclama la régence au nom de son fils, sans grand succès et pour cause, Charles Quint, frère de Catherine, avait trancher en faveur de cette dernière. Elle ne pouvait alors compter sur l'aide de son autre tante Éléonore de Habsbourg qui déteste tout autant Catherine qu'elles aiment appeler la sorcière.

La cheminée allumée, on pouvait entendre les crépitements des braises. Jeanne, qui lisait un ouvrage jésuite, se trouvait dans ses appartements à Castille en Espagne, en compagnie de sa grande amie Luisa. Il est vrai que depuis la mort de son mari, la jeune femme était de plus en plus attirée par cette vie spirituelle avec l'aide de François Borgia. Il était bientôt l'heure de déjeuner et Luisa allait mettre en oeuvre ses talents de goûteuse. En effet, ces deux jeunes filles ne se séparèrent jamais, et pour cause, cette dernière se trouvait être la goûteuse de la princesse espagnole. Jeanne n'avait en réalité pas de choix que d'accepter, son père Charles Quint lui avait imposé cette situation et sa fille ne pouvait y répondre quoique ce soit. Au début ce ne fut pas facile du tout, Jeanne était assez distante, surtout quand elle eut ouï-dire de la fameuse affaire Del Carmen qui concernait les accusations d'empoisonnement portées sur l'oncle de Luisa. Pourtant la confiance s'installa entre les deux jeunes femmes, tant bien que même elles se rapprochèrent de plus en plus jusqu'à se tutoyer mutuellement. Jeanne remet sa vie entre les mains de Luisa à chaque repas, et a donc une confiance aveugle envers elle. Jamais elle ne pouvait mettre en cause le talent de la jeune Del Carmen, cela est certain. La jeune femme pensait tout de même qu'il fallait être fou pour faire ce genre de chose, mais petit à petit, elle commençait à beaucoup l'apprécier. Mais à quoi tout cela rimait-il se demandèrent certains. Seraient-elles amantes d'autres chuchotaient même. Des rumeurs courraient dans les couloirs surtout, et Jeanne se trouvait vexée alors elle prit ses distances avec Luisa. Le comportement de Jeanne devint de plus en plus professionnel, passant moins de temps avec la jeune goûteuse à cause de ces simples rumeurs. Disons qu'elle ne préférait pas rire de ses rumeurs déshonorantes. Lors de la même année, on annonçait une seconde noce pour son frère Philippe avec nouvelle Reine d'Angleterre Mary Tudor, d'origine espagnole elle aussi. Elle réfléchissait. Les affaires pouvaient reprendre dans sa lutte contre la sorcière Catherine. Elle ne comptait pas abandonner. Jeanne décida de partir avec le convoi royal jusqu'à Londres en Angleterre à la rencontre forte intéressante avec sa belle soeur. En effet, Jeanne savait que l'Angleterre était une allié de la France, cette dernière étant la première grande rivale de l'Espagne. Jeanne comptait ne pas en rester là et profiter de cette union pour contrer sa tante Catherine. En effet, elle savait qu'elle pouvait compter sur le soutien de la Reine d'Angleterre. Ce fut une stratégie de poids à laquelle pensait la princesse. Enfin arrivée à Londres, dont l'accueil se fit en grandes pompes, Jeanne découvrit la Cour anglaise. Elle préférait largement la Cour dans son pays natal qu'elle pensait beaucoup plus civilisée. Ceci dit, il n'était pas le temps pour elle de se reposer. Elle entendit rapidement que des révoltes ont eu lieu de la part de plusieurs hérétiques protestants. Pour Jeanne cela signifiait que l'Angleterre était un pays faible. Mais elle ne comptait pas se désolidariser de sa nouvelle belle soeur Mary dans sa chasse aux hérétiques. De plus, un homme qui passe beaucoup de temps avec sa chère Luisa pourrait bien lui être utile. En effet, ce dernier étant chasseur de prime, elle le paie gracieusement pour aller chercher des protestants pour les livrer à Sa Majesté Mary pour s'attirer ses faveurs et pleinement en profiter. C'est à ce moment-là qu'elle compte jouer de son image de fille naïve et est prête à tout pour arriver à ses fins. Ceci dit, elle se méfie de ce Richard qui lui amène les protestants tant convoités. En effet, elle lui a fait savoir qu'elle est prête à chasser l'hérésie en sa compagnie pour juger de son efficacité. Jeanne n'en a donc pas fini avec ses affaires en Angleterre.