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Nous nous situons aux alentours de mai 1558. Il fait de plus en plus chaud les gens prennent plaisir à sortir dans les jardins.
Si vous souhaitez jouer un étranger, privilégiez les Espagnols et les Ecossais. N'hésitez pas à regarder les PV et scénarii en priorité. |
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| ❝ Invité ❞ | Sujet: figures maternelles } ft. Antanasya Cavendish Mer 8 Juin - 14:43 | | | ‘Bess, mon aimée, pensez-vous que ce soit bien prudent de faire voyager nos filles si tôt après leur naissance ? - Oh, à peu-près aussi prudent que de me faire voyager enceinte de huit mois, mon amour.’
William leva les yeux au ciel, et j’eus un petit rire. ‘M’en reparlerez-vous encore longtemps ? Vous-même avez convenu que c’était la meilleure chose à faire pour montrer notre soutien à la reine. - C’était la meilleure chose à faire, William. Mais cela ne signifie pas que le voyage ait été agréable, et encore moins que je ne vous en reparlerez plus. - Vous allez me manquer, Bess. - Rejoignez-nous vite, dans ce cas. Je ne m’attarderais pas des jours dans le Devonshire, je veux revoir mes enfants au plus tôt. - Prenez soin de vous, Bessie. Et des filles, elles sont fragiles. - Ne vous inquiétez pas pour elles, elles sont en parfaite sécurité avec moi.’
Un baiser, un étreinte brève, puis William embrassa tour à tour sa fille Ann, notre Frances et le petit Charles qui avait été du voyage. Puis vint le tour de nos deux poupons, Mary et Lucrece, nées à la mi-janvier.
Un rituel quelque peu galvaudé, mais qui avait quelque chose de rassurant.
Je fus la première à m’installer dans le carrosse. Puis une suivante me fit passer tour à tour Lucrece, fragile et grelottante, et Mary, plus vigoureuse. Alors que Charles montait, aidé par Frances, puis qu’Ann nous rejoignait, je resserrais la couverture de lainage doux autour du corps frêle de ma petite dernière. Le souvenir de Temperance, mon bébé rappelé à Dieu dans sa première année, ne cessait de revenir à mon esprit. Lucrece était de la même constitution faible et presque maladive.
A tout prix, il fallait que je préserve ma fille de la mort.
Mais en étais-je seulement capable ?
N’avais-je pas déjà échoué une fois, avec ma seconde née ?
Qu’est-ce qui me préservait de la perte d’un autre de mes enfants ?
Rien du tout, et c’était précisément cela qui m’angoissait.
J’avais voulu voir dans ma grossesse et dans cette double naissance le signe que Dieu était de notre côté. Que mes enfants étaient une preuve parmi d’autres que le protestantisme survivrait malgré tout. Mais à quoi rimait ce don de Dieu qu’avaient été chacun de mes bébés, de Frances à Lucrece, si ils étaient rappelés au Ciel avant d’avoir eu le temps de vivre ?
Tout pouvait leur arriver : la première année, je le savais, était la plus dangereuse. Mais ensuite… Ensuite ! Ils pouvaient faire une chute de cheval, boire de l’eau croupie, contracter Dieu savait quelle épidémie de passage. Sans compter sur le bon sang espagnol de notre souveraine et sa tendance à faire flamber des bûchers à tout bout de champ. Serait-elle pour autant capable de condamner mes enfants ?
Non, sans doute pas. Ils étaient jeunes, encore malléables.
Mais rien n’empêchait mon imagination de courir en tous sens, à mon grand dam.
Moi qui n’avait jamais réellement démontré d’amour pour mon entourage familial, à l’exception de mon frère que j’avais fini par apprécier à sa juste valeur, je me trouvais quelque peu prise au piège de la cercle familial que j’aspirais tant à créer. J’avais désiré ardemment le mariage et la maternité, point pour une question de contes de fées, cela je n’y avais jamais cru, mais bien parce que le mariage et la maternité étaient pour une femme les meilleurs tremplins vers la puissance.
Aujourd’hui, j’étais piégée.
J’aimais mes enfants, j’aimais mon mari, et je ne m’en serais jamais crue capable.
Jamais à ce point.
Et le pire, c’est que je ne le regrettais même pas.
Assise dans le carrosse qui filait à vive allure en direction du Devonshire, je berçais tantôt Mary, tantôt Lucrece, soutenue par ma fille et ma belle-fille, pendant que Charles s’était assoupi et laissait échapper, parfois, un mot, une phrase dénuée de sens, pris dans son rêve. Mary ouvrait déjà les yeux : elle les avait bruns et en amande, comme moi. De toute ma progéniture, elle était la seule à avoir mes yeux, les autres avaient ceux, grands et clairs, de William.
Quant à Lucrece, elle ne parvenait pour l’heure qu’à battre un instant des paupières. Elle se nourrissait bien trop peu, bien trop sporadiquement.
Dire que ma fille me faisait souci était un euphémisme.
Des soucis, pourtant, j’en avais d’autres, et à la pelle ! William et sa santé déclinante, Mary Tudor et sa folie des fournaises, Dieu merci l’espagnol s’en était retourné vers ses terres et nous laisserait, un temps du moins, en paix. Quoique, son départ ne ferait qu’aggraver la folie de la reine… Mais au moins, nous n’aurions pas à devoir souffrir sa présence continuellement sur notre sol.
Quel dommage qu’il n’ait pas emmené sa détestable épouse avec lui sur le continent ! Une tempête était si vite arrivée !
Sans doute devait-il être trop heureux de s’en débarrasser pour au moins un temps.
1556 avait démarré en beauté à bien des aspects : la naissance de mes filles, celle, à l’hiver dernier, du fils d’Antanasya, ma cousine par alliance. Par bien d’autres aspects, l’année s’annonçait sombre. Qui savait quelles nouvelles exactions, savamment orchestrées par la prétendue souveraine et sa joyeuse bande de prélats ridicules, ces vassaux de Rome, ces papistes venus des Enfers, s’abattraient sur nous autres protestants ? Qui savait quels ronds de jambes, quels mensonges, et combien de sourires factices il nous faudrait encore débiter pour espérer gagner quelques jours de vie ?
Trop de gens étaient morts déjà par la faute de cette prétendue reine.
Et trop encore étaient sur le fil du rasoir.
Quand je songeais qu’il m’avait fallu baptiser Charles, Elizabeth, Mary et Lucrece en catholiques !
C’était là une chose qu’il me faudrait voir avec Anya, songeais-je alors que les paysages défilaient derrière la vitre, n’écoutant que distraitement les babillages de mes enfants et ma belle-fille. Le baptême clandestin de Mary et Lucrece. Hors de question que la communauté réformée du pays ne sache pas que si la mort venait à faucher mes bébés, ceux-ci monteraient à Dieu en luthériennes ! J’ignorais si la duchesse de Devonshire me suivrait ou non, mais je savais que je pourrais toujours lui en parler. Je comptais sur elle, elle sur moi.
Confiance mutuelle, n’était-ce pas, quelque part, le but des familles ?
L’esprit tout occupé à mes histoires d’enfants, d’offices secrets et d’investissements financiers (non, je ne pouvais m’empêcher d’y penser, c’était presque devenu une seconde nature), le voyage passa finalement assez vite. Il nous fallut changer de chevaux deux fois, nous arrêter assez fréquemment pour faire boire les bêtes et permettre aux enfants de se dégourdir les jambes et de se restaurer, nous qui étions partis aux petites heures du matin, nous étions arrivés à Devonshire’s House dans la soirée. En posant le pied face à l’immense demeure des ducs de Devonshire, j’étais pleinement satisfaite : non seulement le voyage s’était déroulé sans anicroche, mais en plus j’étais sincèrement heureuse de revoir Antanasya. Elle était l’une des rares personnes en ce bas-monde que je considérais comme une amie, et point une simple complice. Lorsque, notre arrivée ayant été préalablement annoncée, elle descendit à notre rencontre, je ne pus retenir un large sourire : ‘duchesse, c’est une joie de vous revoir. Whitehall était bien vide sans vous ! J’espère que vous avez passé un agréable mois de janvier, malgré le froid… Les enfants, allez saluer la duchesse !’
Et alors que Frances, Charles et la jeune Ann s’inclinaient selon l’usage, ma suivante me fit passer mes jumelles, l’une puis l’autre : ‘vous avez sans doute eu vent de l’événement, en voici les preuves : mes filles Mary et Lucrece,’ dis-je en désignant tour à tour mes dernières-nées. ‘Et comment va votre petit Thomas ? Henry ? Et vos filles ?’
Au fond, tout ce petit monde était devenu, quelque part, ma famille.
Et autant je n’avais jamais trouvé reluisante celle où Dieu avait choisi de me faire naître, autant j’étais particulièrement fière ce celle que j’avais créée, mais aussi de celle que j’avais intégrée.
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| | | ❝ Antanasya L. Cavendish ❞ Admin ❧ « Duchesse de vos coeurs. » ♕ Métier : Duchesse ♕ Age : 30 ans ♕ Religion : Protestante ♕ L'avatar a été fait par : fassophy ♕ Mon nombre de messages est : 2572 ♕ Mon nombre de Livres Sterling : 0 ♕ Je suis arrivé(e) sur TGA le : 06/10/2012 ♕ Mon pseudo web est : Mari-Jane ♕ Mes autres visages : Elizabeth - Constance - Edward
| Sujet: Re: figures maternelles } ft. Antanasya Cavendish Mar 28 Juin - 19:15 | | | Elizabeth ∞ Antanasya Hildegarde de Bingen écrivait que « la femme est faible, elle voit en l’homme ce qui peut lui donner force, de même que la lune reçoit sa force du soleil. C’est pourquoi elle est soumise à l’homme, et doit toujours se tenir prête à le servir ». Ces écrits du XIIe siècle avaient le don d’agacer la belle Antanasya qui même en étant croyante ne parvenait pas à admettre que la femme devait rester cantonnée à un simple rôle d’épouse, de mère et de servante. Bien sûr, elle obéissait à son époux, elle l’écoutait, mais à côté de cela, elle appréciait son rôle au sein de la résistance réformée et elle ne voulait pas croire qu’une femme n’était pas courageuse, ni forte. Il y avait eu beaucoup d’auteurs par le passé qui mettaient en avant la faiblesse des femmes, encore aujourd’hui, des hommes comme John Knox en Ecosse n’admettait pas qu’une femme puisse être sur le trône. Pourtant, l’Ecosse et l’Angleterre avaient tous les deux des reines sur leurs trônes, même si les situations étaient très différentes, cela montrait qu’une femme pouvait accéder au pouvoir et le tenir. Mary Tudor était peut être une mauvaise reine, mais elle était arrivée sur le trône en tant que femme, elle avait fait une avancée immense et Anya espérait maintenant que cela soit une autre femme, Elizabeth, la sœur de la reine, qui accède au trône. Elle n’était pas la seule à avoir ce souhait et elle espérait bien pouvoir réunir de nombreux proches, pour pouvoir atteindre ce but.
Elle était à peine remise de ses couches difficiles que la duchesse de Devonshire était de nouveau sur tous les fronts, voulant combattre le mal, voulant destituer une reine, tout en désirant en mettre une autre sur le trône. Son petit Thomas était encore tout petit, dormant dans son petit lit, surveillé constamment par une nourrice, qu’elle, elle se voyait déjà révolutionnaire, prête à mettre en marche une œuvre plus important que la révolte Wyatt. Après le bonheur, la guerre faisait de nouveau place dans son esprit et seule la pensée de ses enfants parvenait à la restreindre.
On se situait en 1556, la nouvelle année était passée et le mois de janvier commençait à s’écouler petit à petit. Les enfants restaient tous bien au chaud à l’intérieur du château, étudiant et jouant ensemble en parfaite harmonie. Antanasya était fière de sa famille, mais depuis la fin de l’année, sa sœur Héléna avec qui elle s’était réconciliée lui manquait. Après la mort de son mari, Héléna était partie à l’étranger et la duchesse de Devonshire avait que quelques lettres et ne savait jamais comment joindre sa sœur. Elle s’inquiétait pour son ainée et elle se demandait si cette dernière parviendrait à se reconstruire avec le temps. Remise de ses couches, Antanasya avait repris ses activités de duchesse recevant les doléances des plus pauvres des plus pauvres et s’occupant de la gestion du domaine avec l’aide de son gestionnaire.
Aujourd’hui, la jeune femme avait fait préparer plusieurs chambres pour accueillir les cousins Cavendish qui venaient rendre visite à la famille. Elizabeth Hardwick allait arriver avec sa propre famille et ses nouvelles nées, ce qui rendait Anya folle de joie. Elle attendait avec impatience leur venue pour pouvoir parler tranquillement avec son amie et complice en ce qui concernait les questions protestantes. Elizabeth était comme elle une protestante confirmée et entre quelques conversations autour de leurs nouveaux nés, elle espérait bien pouvoir parler de sujets plus sérieux. Alors qu’elle surveillait son petit Thomas, une servante vint lui annoncer la venue de tout ce beau monde. La duchesse de Devonshire en bonne hôtesse se dépêcha d’aller les accueillir montrant sa joie sur son visage.
« Ma chère cousine, quelle joie de vous recevoir à nouveau dans cette demeure. Oui, il y a bien longtemps que je n’ai pu rejoindre Londres, mais je dois dire que le calme de la campagne m’a fait le plus grand bien. » Répondit-elle dans un sourire joyeux.
Puis, Elizabeth lui présenta ses nouvelles nées, deux charmantes petites filles qui s’appelaient Lucrèce et Mary. Antanasya se pencha sur les deux bébés, constatant une petite ressemblance avec Thomas qui n’était guère plus vieux que ces deux petites poupées. « Elles sont magnifiques, je suis certaine qu’elle vous comble de bonheur. Quant à moi tout le monde se porte bien, ils font toujours autant de sottises, mais cela doit être l’âge. » Elle riait et se pencha ensuite vers une servante et lui demanda de conduire la nourrice des jumelles dans leur chambre à côté de celle de leur mère. « Venez Elizabeth, je vais vous présenter notre nouveau petit Cavendish. » Elle prit la main de sa cousine et toutes les deux marchèrent jusqu’à la chambre du nouveau-né. Antanasya demanda à la nourrice de sortir et les deux femmes se retrouvèrent seules avec le bébé endormi. « Voici Thomas Cavendish, il fait notre fierté. » Elle prit dans ses bras l’enfant pour le présenter à Elizabeth. « J’ai bien cru le perdre le jour de sa naissance, mais il est là. Dieu nous a accordé de magnifiques cadeaux Elizabeth vous ne trouvez pas, moi avec ce petit garçon et vous avec vos merveilleuses filles. »
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| | | ❝ Invité ❞ | Sujet: Re: figures maternelles } ft. Antanasya Cavendish Mer 6 Juil - 19:48 | | | A bien des égards, je pouvais considérer qu’être née femme m’avait placée sous une mauvaise étoile. Je n’avais point eu de femme forte dans mon entourage, ma mère et mes sœurs étaient de petites choses faibles et malléables, de ces créatures bonnes à opiner et se taire. Peut-être était-ce pour cela que mon beau-père était persuadé que quelque chose de sataniste rôdait autour de moi : j’étais la première, et à l’heure actuelle l’unique forte tête de la famille.
Famille que j’avais depuis bien longtemps cessé de considérer comme telle… Si tant est que je l’avais un jour considérée comme telle.
Serais-je née homme, aurais-je été mon frère James, ma vie aurait été bien différente. Ma bataille pour l’élévation sociale aurait sans doute été plus aisée. Je n’aurais pas eu à compter sur un mari pour m’enrichir, sur un fils pour assurer ma place. Ç’aurait été moi et mon mérite, seulement moi et mon mérite.
Au fond, James gâchait ses chances et son potentiel.
Le fils chéri qui refusait d’entendre parler de politique, la fille dernière-née qui voulait le pouvoir dans un monde d’hommes.
Je pouvais mettre quiconque au défi de trouver une famille ou les cartes avaient été aussi mal distribuées que chez les Hardwick.
Mais aussi étonnant que cela pouvait paraître, je ne m’étais jamais sentie mal à l’aise en tant que femme. J’aimais être une femme, et les avantages de mon sexe me faisaient parfois oublier ce qu’aurait pu être ma vie si j’avais été un homme. Il me suffisait de penser aux sept enfants que j’avais mis au monde, à mon mari, à Lord Stuart que j’espérais revoir bientôt, et soudain les inconvénients de ma situation semblaient dérisoires.
Il m’arrivait très souvent de lever les yeux au ciel, d’avoir un fou rire nerveux ou d’étouffer une brutale envie d’insulter mes interlocuteurs quand ceux-ci considéraient les femmes qui trompaient leurs maris comme des êtres méprisables, comme de vulgaires catins de bas étage, lorsque les hommes collectionnant les maîtresses comme d’autres les pièces de monnaie ne choquaient personne. Chacun connaissait la tragique histoire de la femme adultère biblique, menacée de lapidation pour avoir trompé son mari. Mais nul n’avait jamais osé émettre l’idée qu’un homme ayant trompé sa femme puisse être jugé et puni pareillement.
Deux poids, deux mesures.
Cela relevait assez de l’insupportable.
En y songeant, ma grande chance dans la vie avait été d’épouser William. Dieu m’avait accordé de lui donner trois fils et quatre filles, cinq en comptant la malheureuse Temperance, peut-être le fait d’avoir si bien rempli ma part du contrat rendait mon mari particulièrement tolérant à mon égard… Toujours est-il que si je fermais les yeux sur ses infidélités, lui en faisait de même avec les miennes. A ce jeu-là, je me considérais parfois comme l’une des dames les mieux loties du pays, car peu d’autres femmes de la cour pouvaient se targuer de vivre comme je le faisais.
Au reste, la seule différence entre elles et moi était qu’elles dissimulaient leurs liaisons et acceptaient sans sourciller que leurs époux exhibent les leurs, alors que William savaient quels hommes je fréquentais et en riait à chaque fois que le sujet était évoqué.
J’étais, en y songeant, des plus surprises en considérant le nombre de femmes de mon entourage qui considéraient que rester à l’arrière, à l’abri derrière les actes de leurs époux, était une chose parfaitement logique, parfaitement normale. Les femmes ne se battaient pas, elles obéissaient, servaient et se taisaient. Dans les villes, dans les campagnes, le schéma était le même : elles se mariaient, pondaient une tribu de gamins, s’éteignaient en silence, et nul ne savait jamais rien d’elles, rien de leurs histoires. Avaient-elles aimé ou haï, avaient-elles été heureuses ou tristes, nul ne s’en souciait, nul ne s’y était intéressé. Elles ne participaient à rien, pas même à leur propre vie.
J’avais pu observer cela de très près : ma mère, mes sœurs étaient de ces femmes qui naissaient, mourraient, et entre temps se contentaient de leur médiocrité. Le mot combat ne s’immisçait jamais dans leurs esprits, sinon lorsqu’elles songeaient qu’après tout, heureusement que leurs maris étaient là pour se battre à leur place.
Le combat, quel qu’il soit, était apanage masculin.
J’avais depuis longtemps décidé que je ne serais pas comme les autres femmes de ma famille.
Sans doute était-ce cette part de moi, ce passé de gamine sans avenir du Derbyshire qui avait fait du combat son mot d’ordre, qui m’empêchait d’entretenir de réelles amitiés à la cour : nombreuses étaient les femmes qui ne s’étaient jamais battues et qui ne comprenaient même pas pourquoi certains avaient besoin de se battre.
Se battre pour mieux vivre, pour s’élever, pour s’enrichir.
Se battre pour se forger une place, un avenir, un nom.
Se battre pour une cause en laquelle on croyait, qu’elle quelle soit.
Se battre pour donner un sens à nos vies.
C’était sûrement pour cela que j’appréciais autant Anya, car si j’appréciais peu de gens, j’avais la prétention de savoir apprécier ceux vers qui je me tournais. La duchesse de Devonshire était de ces femmes de conviction que je ne pouvais qu’apprécier. L’une des rares avec qui je m’exprimais d’égale à égale, sans fard, sans décalage, sans que rien ne vienne entraver l’heureuse entente qui s’était nouée entre nous au jour où William me présenta à son cousin et sa famille. J’aurais très bien pu être prise en grippe par la branche majeure des Cavendish, au vu de mon obscure naissance, mais ce ne fut jamais le cas.
Alors lorsque Anya vint nous accueillir, ma suite et moi-même, aux portes du château, je la saluais avec une joie ni feinte ni dissimulée. ‘Oh,’ ris-je, ‘je vous l’accorde, vous avez un teint radieux ma chère ! Je n’aurais jamais dit cela à vingt ans, mais j’avais aussi grandement hâte de m’éloigner de Londres. Et revoir le Devonshire est toujours un plaisir !’
Je n’étais guère friande de campagne à l’exception de mes domaines de Chatsworth, il est vrai, mais je me sentais bien en Devonshire. En terrain connu, apprécié. Cela sonnait comme un avant-goût de la maison, et n’était pas pour me déplaire.
Nous entrâmes et je me hâtais de présenter à ma cousine mes deux nouvelles nées. Son appréciation me fit sourire plus encore : ‘j’ignore si je vous rassure beaucoup, mais j’ai à peu-près les mêmes phénomènes à Chatsworth. Mon Henry est passé maître dans l’art de faire tourner le personnel en bourrique, ce garçon est infernal. Nous devrions peut-être emmener toute notre progéniture assister à une de ces insupportables messes tant prisées de Sa Majesté des Habsbourg’, j’ignorais si je singeais la reine ou Philippe, mais au fond cela n’avait aucune réelle importance, mon passe-temps favori consistant à les singer les deux, ‘je suis certaine que leur tapage provoquerait quelques arrêts cardiaques fort bienvenus du côté de ces messieurs en souliers vernis et robes rouges à pompons.’
Ces damnés prêtres papistes étaient pires que la peste noire !
Opinant vivement lorsque Anya proposa de me présenter à son fils, je la suivis dans le dédale de couloirs jusqu’à la chambre du nourrisson, qu’elle prit dans ses bras : ‘c’est un superbe bébé, Antanasya,’ affirmais-je.
Beau et bien portant, comme l’était ma Mary. Anya en était fière, et pouvait aisément l’être.
‘Je refuse de voir là autre chose qu’un signe de Dieu montrant qu’il est de notre côté. Vous avez un garçon magnifique, j’ai deux filles nées à quelques minutes d’intervalle. Lucrece me fait souci, je vous l’avoue, elle présente les mêmes signes de faiblesse que Temperance et cela m’inquiète. Mais chez vous comme chez moi, des miracles se sont produits, un garçon que vous imaginiez perdu, deux filles coup sur coup. Dieu est avec nous, pour nous convaincre de ne pas abandonner la lutte.’
Je souris, consciente de prêcher à une convaincue : Anya n’était pas femme à abandonner la lutte.
Nous nous étions fort bien trouvées.
‘A présent que ces deux-là sont nées, je m’ennuie à périr, ce bas-monde regorge d’espagnols et je ne peux même pas faire mine d’être ivre pour provoquer une quelconque bagarre de taverne,’ ricanais-je. ‘Peut-être serait-il temps pour moi de me remettre au travail, qu’en pensez-vous ?’
J’avais un sourire en coin et une monstrueuse envie d’en découdre. 1556 avait démarré sur des naissances qui représentaient autant de signes d’espoir.
Que Mary Tudor le veuille ou non, nous autres protestants n’avions pas dit notre dernier mot.
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| | | ❝ Antanasya L. Cavendish ❞ Admin ❧ « Duchesse de vos coeurs. » ♕ Métier : Duchesse ♕ Age : 30 ans ♕ Religion : Protestante ♕ L'avatar a été fait par : fassophy ♕ Mon nombre de messages est : 2572 ♕ Mon nombre de Livres Sterling : 0 ♕ Je suis arrivé(e) sur TGA le : 06/10/2012 ♕ Mon pseudo web est : Mari-Jane ♕ Mes autres visages : Elizabeth - Constance - Edward
| Sujet: Re: figures maternelles } ft. Antanasya Cavendish Ven 15 Juil - 15:05 | | | Elizabeth ∞ Antanasya Elles étaient des Cavendish par le mariage et pourtant Elizabeth et Antanasya s’étaient tout de suite très bien entendues. Mêmes convictions, mêmes valeurs, l’une avait accueillie l’autre dans la famille et depuis elles se vouaient un profond respect. Pour ces deux épouses Cavendish, la principale valeur était la famille, toutes les deux feraient n’importe quoi pour protéger leurs enfants et leurs donner également un monde meilleur. Dans la famille c’était connu, les deux femmes étaient profondément réformés et elles étaient prêtes à beaucoup de choses pour se rebeller contre la sanglante reine Mary Tudor. En cette fin 1555 et ce début 1556, les deux femmes étant enceintes, elles ont peu évoqué la réforme, le règne sanglant et les morts, mais maintenant qu’elles étaient libres de toute maternité, elles étaient prêtes à reprendre le combat. Anya le savait, Elizabeth devait être de nouveau prête, tout comme elle. Elles avaient toutes les deux de beaux enfants, quatre pour Antanasya, sept pour Elizabeth, Dieu les avait bénis pour leurs actions, ce qui les confortait dans leurs choix de vies et d’action. Contrairement à Elizabeth, Antanasya avait eu la chance d’être soutenu par son frère dans son combat. Edward était un homme combatif qui s’impliquait autant que sa sœur pour faire briller leurs valeurs. Edward avait déjà été arrêté. Il connaissait les risques tout comme sa jeune sœur. Les deux Heywood se considéraient parfois comme des fous, mais rien ne pouvait ébranler leur foi, rien ne pourra les empêcher d’aller toujours plus loin. Anya aimait ses enfants, elle voulait qu’ils aient toujours une mère à côté, mais avant tout, elle désirait qu’ils vivent dans un monde meilleur, sans l’influence de la reine catholique Mary Tudor. Edward, Elizabeth et elle-même avaient ces valeurs, la famille, mais avant tout l’honneur, ils ne pouvaient pas rester cacher, encore moins supporter l’inimaginable et l’Angleterre tourner vers la catastrophe. Ils avaient tous les trois perdus des amis. Antanasya avait dû faire le deuil de sa protégée Rosemary. Elle n’avait pas su la défendre face à la menace et pour cette belle petite brune, pour sa mémoire, Anya ferait n’importe quoi. Elle devait continuer le combat dans lequel Rosemary s’était engagée. Elle devait continuer pour honorer sa mémoire.
C’était l’instant des retrouvailles avec Elizabeth, trois beaux bébés avaient agrandis la famille Cavendish et rien ne pouvait sembler plus heureux pour eux tous. Elizabeth était d’excellente humeur et avoua même qu’elle était bien heureuse de quitter Londres, ce qui était également le cas de la duchesse de Devonshire.
« Je plains ce pauvre William qui doit régulièrement s’y rendre. La vie est bien plus paisible dans le Devonshire, mais ça vous le savez. » Riait-elle, joyeuse face à ces retrouvailles. Les jumelles étaient superbes, un teint un peu pâle pour l’une, mais rien de très inquiétant, elles paraissaient être toutes les deux en excellente santé, tout comme le propre fils de la duchesse qui dormait paisiblement dans son petit lit.
Les enfants étaient l’un de leur grand sujet de conversation, comme toutes les mères de tout évidence et cela rassura plus ou moins Antanasya d’apprendre que le petit Henry de sa cousine était lui aussi un démon. Cela faisait sourire la jeune femme qui avait le sentiment d’entendre parler de son propre fils et de sa petite Agnès qui pouvait être aussi terrible que son frère.
« Votre Henry, plus le miens et ma petite Agnès, je crois que ces Espagnols ne s’en remettront pas, ils prendront aussitôt un bateau pour filer faire un pèlerinage dans leur pays. » Elle répondit en riant, tout en imaginant leurs enfants entré avec leurs petites armes d’entrainement pour combattre l’oppresseur Espagnol. « J’espère en tout cas que ma petite Georgiana ne suivra pas leur exemple, même si je crains le pire et encore moins le petit Thomas. Pour lui j’ai encore quelques années, mais je devrais me préparer tout de suite sous peine de perdre toute ma maisonnée. » Ajouta la jeune femme qui connaissait l’agacement de certains serviteurs vis-à-vis des bêtises de ses deux ainés. « Heureusement Henriette est un enchantement, elle s’occupe très bien des enfants et elle a toute les qualités d’une jeune fille bien élevée. » Même si elle n’était pas de son sang, Henriette était comme sa fille pour Antanasya, elle aimait cette enfant et elle l’avait éduqué à son image, comme tous ses autres enfants, cependant, le résultat n’était pas le même. Henriette était douce et ses autres enfants étaient plus de petits sauvages.
Les deux mères de famille montèrent jusqu’aux appartements de la duchesse où se trouvait le nouveau-né Cavendish. Antanasya le présenta aussitôt à sa cousine qui s’extasia devant le bel enfant. Peu après sa naissance le petit Thomas avait très rapidement recouvert ses forces, rattrapant son retard sur n’importe quel autre bébé. Aujourd’hui, la jeune femme ne s’inquiétait plus pour lui, elle avait le sentiment que son nourrisson pourrait braver tous les dangers. Alors qu’elles regardaient toutes les deux le bébé, Elizabeth confia à Anya qu’elle avait peur de la faiblesse de sa petite Lucrèce sur son autre jumelle. La duchesse avait remarqué le teint pâle du bébé, mais elle ne voulait pas prendre cela pour un quelconque danger. La petite Lucrèce avait certainement besoin d’un peu plus de temps pour se remettre de sa naissance. « Dieu est à nos côtés Elizabeth, je suis certaine que votre petite Lucrèce deviendra aussi forte que sa sœur. Vos filles sont un miracle qui est accordé à peu de femmes. Votre grossesse aurait pu se terminer de la pire des façons, mais Dieu était à vos côtés et il a pu vous permettre de mettre au monde deux magnifiques filles. Nos enfants sont notre force et c’est en eux que nous puiserons toute notre énergie pour combattre le mal autour de nous. »
Antanasya n’avait pas eu besoin d’attendre l’avis d’Elizabeth sur la question, cette dernière était effectivement prête à reprendre toute forme de combat et cela n’étonna nullement la duchesse de l’entendre dire. Elle sourit même en entendant les mots de sa cousine et lui donna son propre avis. « Je pense comme vous Elizabeth. Nous avons eu tant de tragédie, j’ai perdu mon amie Rosemary sur le buché et je n’ai pas l’intention de laisser sa mort impunie. Nous avons perdus trop d’amis pour cela. » La jeune femme s’arrêta et alla prendre une lettre qu’elle avait soigneusement caché dans un coffret à bijoux. « Est-ce que vous vous souvenez d’Henry Sutton-Dudley ? Il m’a écrit une lettre quelques jours après le début de l’année, il se trouve actuellement en France où le roi Henri II lui a apporté de très bonnes nouvelles. » Elle ne continua pas sa phrase, cherchant à provoquer la curiosité de sa cousine.
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| | | ❝ Invité ❞ | Sujet: Re: figures maternelles } ft. Antanasya Cavendish Ven 26 Aoû - 13:21 | | | En faisant mes premiers pas à la cour, dès mes quinze ans, j'avais été surprise du nombre de gens que Lady Zouche, ma protectrice, nommait ouvertement ses amis. Elle avait un nombre incalculable d'amis en tous genre, et cela m'avait semblé impressionnant. J'avais été très impressionnée. Lorsque je m'en étais ouverte par la suite, elle avait éclaté de rire : 'oh, ma chère Bessie, je n'ai aucun ami. Que des complices !'
Cela m'avait laissée pantoise.
Et puis j'avais appris. La vie de cour se résumait à un seul et unique principe : gagne ou meurs. C'était ainsi que Lady Zouche envisageait les choses à la cour. A son contact, j'avais appris à les envisager de la même manière. Il avait fallu attendre que sonnent mes vingt ans et qu'ait lieu mon mariage pour apprendre à agir autrement : rien de moins que le clan Cavendish pour me convaincre de mettre un couvercle partiel sur ce que ma respectée et aimée protectrice m'avait inculquée. A leurs côtés, j'avais appris le sens véritable du mot 'famille', qui jusqu'alors avait été pour moi synonyme de frein, de boulet, voire même de souffrance accrue.
'Je plains mon William de même. Je reste tranquillement à Chatsworth pendant que lui se supporte tout le bon travail entre Pole, Gardiner et consort. Ma place pour la sienne, jamais !' ris-je aux paroles de ma cousine. 'Si un jour on m'avait dit que je regretterais le Derbyshire, je n'y aurais jamais cru. Voilà un miracle que Mary Tudor aura réussi à accomplir !'
C'était bien le seul. A moins que le fait de braquer assez ouvertement plus de la moitié du pays contre elle puisse être considéré comme un miracle ? A l'été 1553, seuls les protestants avaient regardé l'avenir comme un danger imminent. Aujourd'hui, les catholiques favorables à la France et à l'Ecosse se détournaient lentement de l'auguste personne royale. Iraient-ils jusqu'à approuver le règne d'Elizabeth comme je le faisais, c'était une toute autre affaire...
'En voilà une idée !' éclatais-je de rire, 'voilà qui relancera les commerces de Compostelle pour les trente prochaines années. Puissent-ils tous prospérer si bien qu'ils seront accaparés par leurs affaires au point de nous laisser définitivement tranquilles.' Outre les liens familiaux, l'entente cordiale qui régnait entre nos enfants Cavendish pouvait aussi s'expliquer par les similitudes de personnalités de nos progénitures respectives. Âge ou sang bouillonnant de la famille, je l'ignorais, mais la seconde option me plaisait énormément. 'Pour tout vous dire, je pense que j'irais bientôt recruter mon personnel au sein même de la Garde royale. Ils leur faut palier à toutes les situations d'urgence extrême !'
Enfin, chez les quelques protestants égarés parmi les membres de la très catholique Garde royale...
'Aucune de nous n'a à se plaindre de sa belle-fille, en ce cas,' souris-je, 'j'avoue ne pas être une mère de substitution pour Ann, mais je n'ai pas à me plaindre d'elle en quoi que ce soit.'
Avait-elle à se plaindre de moi, là était toute la question. C'était peut-être là que les personnalités d'Anya et moi divergeaient : je semblais inapte à étendre mon instinct maternel au delà des sept petits êtres que j'avais tour à tour mis au monde. Pour la fille du premier mariage de William, je ne ressentais rien de mieux qu'une indifférence dénuée d'antipathie. Mais le fait était qu'elle était une jeune fille douce et aimable qui ne marchait pas sur mes plates-bandes et ne me causait aucun souci. C'était finalement tout ce que je lui demandais.
Nous étions réunies autour du petit Thomas, aussi ravissant que le reste de sa fratrie, Anya d'un côté et moi, mes jumelles aux bras, de l'autre. La conversations aurait pu être centrée sur les langes, elle dévia toutefois très vite. Maternité ne rimait-il pas avec combativité ? 'Je mourrais à la seconde plutôt que de les laisser grandir dans un monde dominé par Rome et ses prélats. Chacun de mes enfants, de vos enfants, doit pouvoir penser par lui-même et se libérer des carcans qu'on nous impose par-delà les frontières du royaume. C'est bien pour cela qu'il nous faut continuer, n'est-ce pas ? Pour eux tous, nous devons continuer.' Je parlais autant pour moi que pour Anya, consciente d'enfoncer des portes ouvertes mais désireuses d'énoncer à voix haute ce que nous deux savions déjà.
L'évidence se laissa voir très vite : nos grossesses étaient passées, nos enfants nés, à présent c'était un autre front qui nous attendait.
'Inutile de prier pour ceux qui sont partis,' fis-je, 'ils sont entre les mains de Dieu à présent. Rosemary s'installe à sa droite avec tous ceux qui sont morts en martyre. C'est des vivants dont il nous faut nous occuper désormais. Sutton-Dudley, vous dites ? La simple mention du nom de Dudley est alléchante !' ris-je, avant de reprendre : 'voilà qui pique ma curiosité, ma chère cousine, Sa Majesté le roi Henri aurait-il décidé de tirer au canon sur la frégate de Philippe dès qu'il envisagera d'amarrer en Angleterre ? Plus sérieusement, dites m'en plus, quelque chose d'intéressant semble se dessiner à l'horizon...'
Les noms de Dudley et d'Henri II de France associés avaient quelque chose de particulièrement exaltant, surtout lorsque Anya achevait sa phrase d'un 'bonnes nouvelles'... |
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