Les rues de Londres étaient trépidantes de monde, qui par moment assoiffé se laissait tenter par l’ambiance marine du Flying Dutchman. A l’intérieur de cette taverne de marin, il n’y avait plus une place assise, les gens s’entassaient donc sur des vieux tabourets parfois amenés de la rue. Louis Fontaine, le régent de la taverne et ses employés ne savaient plus où donner de la tête, mais dans le lot, il y avait bien une jeune femme dont l’esprit était totalement ailleurs. Entre ses allers et venu entre le bar et les tables, Constance Bennet ne cessait de se rendre à la porte du pub ou sinon aux fenêtres pour contempler l’animation qu’il y avait dehors. Chaque année, c’était la même chose, le peuple anglais s’invitait à Londres. La jeune fugitive adorait toute cette agitation au dehors et cette année comme les autres, elle n’attendait qu’une chose, le moment où elle agacerait tellement Louis, qu’il lui demanderait de sortir. Tout en servant les clients, qui pour beaucoup étaient des paysans de comtés éloignés de Londres, elle en profitait pour les questionner sur leur chez eux, après tout avec toutes ses années de fuites à son actif, elle en connaissait du pays. Il y avait des paysans venant du Cheshire, du Devon, des comtés lointains au nord de l’Angleterre, comme le Northumberland, toute cette société amusée Constance qui aimait faire de nouvelles rencontres. La jolie brune servit une bière anglaise à un client et tout de suite elle fila à la porte où s’était attroupé quelques enfants pour regarder des animaux passer. Soudain, alors qu’elle éclatait de rire à la vue d’un jongleur, elle sentit une main se poser sur son épaule. Brusquement, elle se retourna, c’était Louis.

« Tu n’avais pas du travail Constance ? »
« Désolé Louis, j’y retourne. »
« Non ça ira, vas-y, vas t’amuser, tu as déjà bien travaillé depuis ce matin. »

Euphorique, elle claqua un baiser sur la joue de son employeur et elle fila tout de suite dans sa chambre ranger son tablier et se recoiffer. Aussitôt fait, aussitôt disparu dehors. Ses yeux se postaient partout, pour ne rien rater des différentes scènes qui se déroulaient sous ses yeux. Dans les différentes places de la ville, elle s’arrêta, admirant les divers spectacles qui s’y déroulaient. Il y avait des jongleurs, des cracheurs de feu, des équilibristes, du théâtre de rue. Tout cela amusait la jeune serveuse qui n’en demandait pas mieux. Elle adorait cette vie et cette bonne humeur et depuis l’arrivée de Mary Tudor au pouvoir, tout lui paraissait mieux. Le catholicisme revenait peu à peu dans les dogmes et elle n’avait plus peur de prier pour sa religion. Tout était mieux, tout paraissait plus beau et Constance attendait avec impatience le couronnement de la reine qui se déroulerait en octobre. Même si elle ne pourrait pas y assister directement, elle pourrait tout de même acclamer et admirer la souveraine qui paraderait dans Londres. Ca promettait vraiment d’être un grand moment. Au fil de sa promenade elle se retrouva à la place de la reine Jane, une place immense, mais qui paraissait petite tellement elle était noire de monde. Constance s’arrêta à chaque stand, regardant les produits, les animaux, elle se faisait offrir à boire et à manger, se laissant aller à sa gourmandise. Les mets de la campagne étaient les meilleurs, comme cette délicieuse tarte au pomme qu’elle venait de finir. Telle une petite fille, elle se posta devant les enclos des animaux, les regardant tous. Elle adorait les bêtes et à chaque fois qu’elle le pouvait, elle quittait son travail pour se rendre au port et regardant les animaux exotiques qui provenaient de lointaines contrées. Au fil du temps qu’elle passait à la place, elle finit par se retrouver sur l’estrade en train de danser avec d’autres jeunes de son âge. Qu’est-ce qu’elle aimait cela ! Cette foire égalait vraiment celles des années précédentes.

La foire des moissons, un bon moyen de divertir les enfants. J’arpentais les rues de Londres avec ma cape verte, et mon panier pour faire quelques bonnes affaires. Je surveillais mes enfants qui couraient dans tous les sens. Aujourd’hui était un jour de fête, des estrades étaient là, et des immenses buffets pour pouvoir festoyer. J’étais près des enclos où les animaux de la ferme étaient mis en exposition je montrais à mes enfants ces bêtes et leur expliquait tout ce qu’il y avait à savoir sur cette fameuse fête des moissons. Elizabeth, ma fille me surprenait à me demander si nous pouvions avoir un lapin. Je lui souris en lui répondant « La prochaine fois ». Il ne manquait plus qu’un lapin comme animal de compagnie dans ma vie. Elizabeth était trop petite pour s’en occuper, ça aurait du être à moi de le faire je n’étais pas des plus enchantée. Mary, mon ainée m’aidait à surveiller les garçons qui étaient du genre indisciplinés et à faire des bêtises. Lettice, elle, admirait les couples de danseurs sur l’estrade, rêvant secrètement qu’un jour elle, aussi danserait sur cette estrade même si un tout autre destin l’attendait. Nous vivions assez modestement de mes rentes, et de l’argent que nous envoyait Francis, exilé en raison de la religion de notre chère reine. Je me faisais discrète dans les sorties mondaines de cette dernière mais je n’approuvais pas son culte, et j’avais mieux à faire. J’avais de nombreux enfants à charge, et leurs vies reposaient sur mes épaules de mère débordée et acharnée. Très tôt, j’avais appris à mes enfants que ce n’était pas l’argent qui comptait mais bel et bien l’amour au sein du foyer qui était plus important que tout. Chez nous, les Carey Knollys c’était ainsi que cela se passait, notre foyer regorgeait d’amour et nous puisions notre bonheur là-dedans. Lettice se rapprocha de moi, en me disant que Constance était là en train de danser. Je ne pu retenir Elizabeth qui couru vers sa marraine.

« Elizabeth »

Je me mis à crier parmi la foule. La place était noire de monde et personne n’avait du m’entendre. Henry, mon premier fils couru à la suite de la petite Elizabeth. J’avais peur qu’elle se fasse renverser par la foule, ou qu’on la perde – trop enthousiaste à l’idée de revoir celle que je considérais comme ma fille, ma très chère Constance. Je la portais dans mon cœur cette enfant, et plus que tout cela elle était une amie chère à mon cœur. Je me faufilais au milieu de cette nuée de gens, devant moi Mary ouvrait la marche, Lettice et les garçons justes derrière moi. Nous essayons de nous frayer un passage vers les danseurs, pour aller faire un petit coucou à Constance que j’étais heureuse de revoir. D’un regard inquiet, plusieurs fois je me retournais comptant dans ma tête mes enfants pour voir si je n’en avais pas oublié un au passage. Etre maman me demandait d’être à l’affut tous les jours, à n’importe quels moments. Je ne devais pas relâcher ma surveillance à aucuns moments et surtout pas lorsque nous étions en ville. Nous avions afin pu surmonter cette jungle de Londoniens, et nous étions arrivés au niveau de Constance.

« Constance ! Comme tu es belle, tu ne travailles pas aujourd’hui ? Tu profites des festivités ? »

Mon regardé était rivé sur la silhouette de la femme qui se dessinait face à moi. Elle était pour moi pareil à une étrangère, à une femme des plus inconnues et pourtant...Pourtant je la connaissais mieux que quiconque. Cette femme portait une ravissante robe bleu ciel qui faisait ressortir à la perfection ses yeux de la même couleur et qui soulignait délicatement les courbes de son corps. Les traits de son visage étaient doux, toutefois, un côté froid en ressortait. Un côté qui pourrait faire frissonner plusieurs personnes tant à certains moments il était prononcé. Des cheveux blonds coupaient au niveau des épaules encadraient ce visage d'ange déchu, de démon angélique. Oui, cette femme je la connaissais pour avoir maintes et maintes fois vu son visage, son corps, son sourire qui pouvait être aussi bien froid que chaleureux... Cette femme, c'était moi, sous un jour que je n'avais vu depuis de longues semaines. Moi...portant une robe que ma cousine m'avait forcée à mettre pour paraître moins agressive durant ce merveilleux jour de fête. Je dois avouer avoir longtemps rechigné avant de la mettre, car en portant ce style de vêtement des plus féminins, j'avais l'impression de me sentir comme nue. J'avais le sentiment d'être revenue des années auparavant. Années où j'aimais encore mettre ces longues robes, bien que celle-ci soit de caractère moins nobles que durant mon adolescence, mais cela, ça ne me gênait guère, après tout, j'étais bien plus femme du peuple que femme de la cour, même si ces derniers temps, nous pourrions dire que je suis plutôt homme, ou du moins, garçon manqué. Quoi qu'il en soit, Olympe avait réussi à m'amadouer et à me faire enfiler cette robe bleu ciel et depuis que je l'avais essayé, je me regardais. Je la regardais. Dans ce miroir j'avais l'horrible impression de voir une autre, une inconnue, car d'une certaine façon, c'était le cas. Cette femme là, ce n'était plus moi ou du moins, plus vraiment.

J'avais laissé Olympe se rendre à la foire des moissons sans moi, car elle avait besoin de distraction et surtout, car j'avais eu besoin d'un long temps d'adaptation avant de pouvoir comprendre qu'il s'agissait bien de mon reflet dans le miroir. Et puis...même si je n'osais le lui avouer, j'avais peur. Peur de l'extérieur en portant cette robe. Peur du regard des autres sur ma personne. Peur de cette inconnue dans le miroir. Peur de mon reflet. Avec ma tenue de cuir rouge, j'avais la merveilleuse impression que rien ne me touchait, comme si je réussissais à faire abstraction des autres, des émotions, mais ainsi vêtue, je n'y parvenais plus. A croire qu'une simple tenue pouvait faire douter entièrement une personne et de cela, j'avais honte. Après tout, c'est des plus étranges pour une femme que d'avoir peur d'être habillé comme telle. Plusieurs minutes s'écoulèrent. Plusieurs minutes où j'étais resté posté à la même place qu'au moment où Olympe avait filé, soit, face au miroir. Plusieurs minutes qui m'avaient permis de réfléchir : je m'étais enfin décidé de sortir de la chambre que j'occupais à Londres avec ma cousine. Lentement, je descendis les escaliers de l'auberge : à mon plus grand soulagement, il n'y avait que peu de monde, tous se trouvant à l'extérieur. Arrivée face à la porte d'entrée, j'approchais délicatement ma main de la poignée. Inspiration...Expiration...Inspiration...Expiration... Mes doigts se posèrent alors sur cette dernière et se mirent à l'ouvrir en douceur, comme si de l'autre côté de la porte, quelque chose d'horrible, de terrorisant se trouvait. Et d'une certaine façon, c'était le cas, tout du moins, pour moi... Inspiration... Expiration... Inspiration... Expiration... Soudainement la poignée fit un petit bruit et la porte s'ouvrit. Dans un soupir, je m'engouffra dans l'ouverture. Arrivée à l'extérieur, la peur qui avait pris possession de moi, n'était plus, comme si les simples rayons du soleil avaient réussi à atténuer mes craintes, mes complexes. Dans les rues je me mis à marcher, au fur et à mesure de mes pas, un sourire sur mes lèvres s'étira. J'étais heureuse de me trouver ici. Heureuse que ma cousine m'ait poussé à me changer, car vêtue ainsi, je faisais presque normale. Heureuse de pouvoir encore être à une fête des moissons. J'avais le sentiment d'être revenue dans le passé. Dans un passé des plus joyeux. Dans un passé qui me faisait oublier tous mes maux.

En passant par diverses rues, je finis par aboutir à la place de la Reine Jane. Place où il y avait énormément de monde, ce qui l'espace d'un instant, me perturba et puis, ce sentiment cessa aussi rapidement qu'il était arrivé en moi. De stand en stand je me mis à marcher, admirant en souriant tout ce qu'il y avait. Je ne comprenais pas vraiment le sentiment qui m'animait, ne l'ayant pas ressenti depuis le décès de mon père, mais ce sentiment était bien présent et je comptais en profiter avant que ce dernier ne disparaisse. En continuant ma promenade sur la place, je finis par arriver devant l'estrade qui accueillait de nombreux danseurs. Pendant plusieurs minutes, je les observa, en me demandant si je parviendrais à suivre le rythme si jamais je venais à les rejoindre. Je m'apprêtais à tenter l'expérience lorsque l'une des danseuses retient mon attention, il s'agissait de Constance Bennet, une femme que j'affectionnais énormément et l'une des personnes que je n'avais pas revues depuis le drame. Je me préparais à aller la voir lorsqu'une petite fille, suivi d'une ravissante femme se mit à lui parler. Prenant mon courage à deux mains, je m'approcha tout de même des deux femmes et lorsque le regard de Constance croisa le mien, je lui adressa un chaleureux sourire. « Tu ne m'avais jamais parlée de tes talents de danseuse. ».

Il était arrivé à Londres deux jours auparavant, attiré comme souvent par la promesse de dépravation et de belles rencontres. La foire des moissons était un évènement qu'il ne raterait sans doute pour rien au monde. Cela faisait presque vingt ans qu'il amarrait son navire tous les ans à la même date pour être sûr d'être présent lors de ces quelques festivités. Il aimait beaucoup l'ambiance qui accompagnait ces moments de joies et de folies presque carnavalesque. Le peuple a besoin de s'amuser, et il le faisait sans doute mieux que les aristocrates et les nobles de ce pays. Le peuple est fou, voila à quelle conclusion il avait été mené après des observations plutôt poussée sur l'attitude du genre humain. Lorsque le peuple a le droit de s'amuser, il en profiter pour singer les puissants, et se singer lui-même, pour prendre le contrôle d'une vie trop souvent frustrée, et pour montrer combien il pouvait être inventif. Le pirate se complaisait dans ces instants de folie, et n'en était jamais très éloigné. De plus, il avait la conviction que l'alcool encore une fois aller couler à flot, ce qui n'était pas pour lui déplaire à dire vrai.
Le soleil était haut dans le ciel lorsqu'il émergea d'un sommeil agité. Il se trouvait dans une des maisons de plaisir de Londres, sans réussir à se souvenir comment il avait atterrit dans un tel endroit. Il regardait autour de lui pour découvrir le corps de trois filles de joie, nues et endormies autour de lui, dont les ronflements tout à fait adorable lui donnait envie de partir en courant et l'agaçaient au plus haut point. Se levant, il prit le temps de trouver chacun de ses vêtements, de reprendre sa ceinture où se trouver son pistolet et une épée qui ne coupait plus et qu'il devait aller faire émousser. Mais alors qu'il était sur le point de quitter la pièce sans faire de bruit, il se rendit compte qu'il avait oublié quelque chose. C'est son mal de tête, et l'impression qu'une petite bestiole furieuse essayait de quitter son crâne en tapant dessus qui le lui rappela. Il se tourna, inquiet, et fouilla sans faire plus de cérémonie, réveillant deux des trois filles dans des grognements mécontents.
JACK MORTIMER — Où est-elle... où est-elle .... Disait-il de manière mécanique en regardant tout autour de lui.
Il trouva enfin l'objet tant désiré, et avec tristesse il la souleva sans faire le moindre effort. Il s'assit sur le sol, regardant la bouteille qu'il tenait et retenant sa colère soudaine. Sa bouteille de Rhum. Vide.
JACK MORTIMER — Il n'y a plus de Rhum... Mesdemoiselles ! Il n'y a plus de Rhum, de ce fait, je me vois dans l'obligation de vous laissez. Adieu. Annonça-t-il sans plus de cérémonie, prenant sa bouteille dans une main, et récupérant son tricorne qui se trouvait sur la tête de l'une d'entre elles.
Elles tentèrent de le retenir par des petits miaulements, et des mains aguicheuses mais il y était assez indifférent dirons-nous, et il sortit sans demander son reste. Grimaçant, il se rendit compte qu'il ne se trouvait pas là où il l'escomptait, c'est-à-dire au Redlantern où il prenait généralement ses quartiers quand il se trouvait sur la terre ferme. La maquerelle de l'établissement était une ... amie de longue date, assez possessive, qui n'appréciait pas vraiment qu'il dépense son argent dans d'autres établissements. Chose qu'il avait fait le soir-même. Il espérait simplement qu'elle ne l'apprenne pas. Il laissa à la tenancière des lieux un bon paquet d'osier, et sortie dans une rue déserte. Surpris par un tel silence il décida de tenter de retrouver le centre ville où devait se tenir la foire des Moissons où il voulait se rendre... quoiqu'il serait plus sage auparavant de rejoindre le port, et de parler à ses hommes qui devaient avoir passé la nuit sur le navire pour la plupart. Voire pour la majorité, comme il leur avait ordonné la veille. Il fut au port en moins de dix minutes, courant parfois pour y arriver le plus vite possible, impatient à l'idée de rejoindre les festivités.
Lorsqu'il arriva ses hommes étaient levés et semblaient inquiets. Magistral, il vint se placer en hauteur et leur parla d'une voix impérieuse.
JACK MORTIMER — Messieurs, cela fait bien longtemps que nous n'avons pas jouit de quelques plaisirs simples ! Alors, je vous propose de rejoindre la foire des Moissons, et de profiter des quelques filles que nous y trouverons, et de l'alcool qui y coule à flot ! Déclara-t-il avec force et joie.
Les marins furent ravis d'apprendre cela, et c'est en criant leur joie qu'ils accueillirent la nouvelle de leur capitaine. Celui-ci désigna cependant deux jeunes matelots pour garder le navire, qui gardait quelques trésors au fond des cales, et qu'il ne voudrait pas voir perdus. Cela forgeait la jeunesse, en outre, et il les laissa sans aucune culpabilité. Ils marchèrent vers les rues, entourés de plus en plus par une foule immense, qui rejoignaient une place bondée où se trouvaient animaux, produits du terroirs, acheteurs, et alcool. Surtout de l'alcool. C'est vers un vendeur de Rhum que Jack se dirigea en premier, l'invitant à lui remplir sa bouteille, et de lui en vendre quatre autres qu'il accrocha à sa ceinture. Ivrogne qu'il était, il but avant de manger, et avec délice il retrouva la chaleur familière de l'alcool dans son organisme. Il trouva bien vite de quoi déjeuner également, et c'est en mangeant qu'il découvrait les festivités de cette journée bien particulière.

Nous étions à présent en septembre 1553, l'été avait été bon pour chacun, que ce soit les nobles ou les paysans, les récoltes avaient été fructueuses d'après ce que j'avais pu voir, entendre et constater. Justement, la foire des moissons comme chaque année montrait ce fait d'arme. Le catholicisme avait petit à petit repris la place dans ce Royaume qui ne l'avait pas toujours été. Officiellement j'étais donc devenu catholique même si je n'en pensais pas moins, mais après tout étais-ce vraiment important ? J'étais sur le point de me rendre à la foire des moissons, mais avant de franchir le pas, je me devais de choisir une tenue adéquate, qui se verrait donc de loin, avec un assortiment de couleurs vives mais qui m'irait comme un gant. Je ne pouvais pas me rendre à cet évènement habillé comme un vulgaire paysan, j'étais baron de Burington tout de même. La paix semblait être là, présente parmi le peuple mais je ne doutais pas que cela n'était que temporaire, la guerre reprendrait tôt ou tard, il n'y avait pas de doutes à avoir. Mais pour le moment, ce n'était pas le cas, alors profitons. Je choisissais donc des couleurs qui m'allaient bien, orange, rouge ainsi que des touches ianthines, un violet que j'avais spécialement conçu pour moi. Je prenais également un chapeau melon que j'avais réalisé quelques jours auparavant. J'étais prêt à me rendre à cet évènement, et cet évènement était prêt à m'accueillir. Je ne savais pas s'il y aurait de nombreux nobles, je serais sans doute l'un des seuls mais j'aimais me démarquer de tous. C'était un évènement de la populasse que celui-ci, mais j'aimais bien me faire voir, qu'ainsi l'on pense que je suis bien élevé, faisant de très bonnes affaires ici et là. Sur la place de la reine Jane, il y avait un estrade qui accueillerait sans doute un orchestre ou quelques choses dans le genre, c'était l'évidence même, mais je n'y prêtais pas trop attention. Je regardais ainsi donc le petit peuple qui était ici, et effectivement, je ne voyais pas tellement de personnes de hauts rangs. La foire des moissons doit être pour eux quelques choses de bien trop niais ou dans ce goût là pour qu'ils puissent y assister. Mais je ne prenais pas les gens de la basse population pour des moins que rien, même si je n'en pensais pas moins. Je me devais de parfaire ma réputation auprès de tous. Il y avait de tout par ici, notamment des animaux et les prémices des récoltes évidemment. Puis alors que je me penchais sur l'un des enclos, observant de plus près un cheval, une voix que je ne connaissais pas me tira de cette observation. Elle arranguait la foule au niveau du petit estrade qui avait été mis là sur la place de la reine Jane. Je m'approchais alors d'un petit groupe de jeunes femmes qui parlaient ensemble. Je ne les connaissais pas le moins du monde mais pourtant, je venais leur parler un petit peu, à propos de ce qui se passait sur l'estrade.

" Pensez-vous vraiment que ce spectacle est pleins de mystère et de magie ? Je n'y crois pas une seule seconde, je suis certains que ce géant est un charlatan, ne lui en déplaise. "

Je ne sais pas ce qu'elles en penseraient. Peut être qu'elles me regarderaient toutes les 3 avec de grands yeux mais je n'en avais rien à faire, j'avais l'habitude d'un regard étrange sur ma petite personne.

Elle enchainait les pas de danses entouraient de galants hommes tout en riant de bon cœur. Elle se sentait si bien en ce jour de foire. Il n’y avait rien de mieux que de se retrouver là à danser, rire et tout simplement profiter de la vie. Mais bientôt, la danse s’interrompue, quand une petite furie brune se précipita dans ses jambes, les serrant plus fort que jamais. Constance Bennet stoppa tout de suite sa danse pour accueillir sa filleule, la petite Elizabeth Knollys. Elle la serra fort dans ses bras, cela faisait si longtemps qu’elle n’avait pu rendre visite à la petite et sa grande famille. La jeune femme s’éloigna des danseurs et chercha du regard Catherine, la mère de l’enfant, puis elle tomba rapidement sur elle, entourée de sa petite troupe. Cette famille l’avait toujours impressionné et Constance admirée le courage que la mère de famille pouvait avoir, élever autant d’enfant seule, cela ne devait pas être facile tous les jours. C’était pour cela, que dès qu’elle le pouvait, elle tentait de l’aider, en plus elle était si fière d’être la marraine de la petite Elizabeth. Cette enfant était juste adorable. Tout en accueillant Catherine, elle posa sur ses deux jambes, la petite qui avait tout bonnement décidé de ne pas la quitter.

« Catherine, je suis si heureuse de te retrouver ici et en plus avec les enfants. » Commença-t-elle avant de répondre aux questions de la mère de famille. « Oui, Louis m’a donné ma journée, j’étais trop casse pied selon lui, du coup j’en profite pour venir sur la foire. » Riait-elle de bon cœur.

Pauvre Louis, il en avait vu de toutes les couleurs avec elle, mais il restait pour elle un ami cher et fidèle et qui plus est une personne qui prenait soin d’elle. Constance avait beaucoup de respect pour cet homme qui lui avait tant apporté depuis deux ans. L’homme aurait pu être comme un père pour elle, mais la petite brune n’admettait plus ce titre pour personne, pour elle, elle n’avait plus de père et elle n’en aurait plus jamais, c’était sûr et certain. Pourtant, Dieu seul savait à quel point la présence de son paternel lui manquait, surtout le soir quand elle s’endormait et quand elle repensait au doux visage de sa si bonne mère. Si elle avait été encore de ce monde, les choses auraient été sûrement différentes. En cette journée de fête, Constance avait la nette impression de connaître tout le monde, puisque quelques minutes plus tard, Isolde Wentworth vint les rejoindre pour complimenter ses talents de danseuse. Le sourire aux lèvres, Constance l’accueillit avec joie.

« Isolde, je ne m’attendais pas à te voir à Londres de sitôt, je suis tellement contente de te voir. Je te présente Catherine Carey, une bonne amie à moi et toute sa petite troupe. » Souriait-elle contente de faire les présentations. « Pour ce qui est de mes talents de danseuse, je le dois plus au charmant jeune homme qui m’accompagnait. » Ajouta-t-elle tout en désignant un homme se trouvant sur la scène.

A Londres, Constance connaissait du monde et étrangement, personne ne se souciait réellement de qui elle pouvait bien être. La ville était grande et elle prenait toujours soin d’éviter les personnes de son passé comme son père. Cela lui faisait toujours du mal d’y penser, mais de le savoir si près d’elle, lui faisait toujours un pincement au cœur. Des roulements de tambour se firent entendre sur la place, puis sur une estrade, un homme élégamment vêtu puis un nain apparurent. La jeune femme se demandait bien ce qu’ils allaient présenter et elle eut tout de suite sa réponse, quand elle découvrit des tours de magie. Certains diront que c’est de la sorcellerie, mais pour la jeune femme, c’était belle et bien de la magie et elle adorait ça. Les mystères et la fantaisie, cela avait toujours été son petit truc à elle. Elle scrutait d’un œil attentif les moindres phases du numéro de l’homme, qui ne s’empêchait pas de faire le beau devant les femmes, d’ailleurs, c’était avec une exclamation de joie qu’elle accueillit la rose qu’il venait de lui jeter. Catherine et Isolde en reçurent une aussi. Un homme s’approcha alors de leur petit groupe et tandis que Constance offrait sa fleur à sa filleule, il parla à propos du spectacle. L’homme suspicieux mettait des doutes sur la soit disant magie que l’artiste pratiquait.

« Même si c’est un charlatan, son spectacle est très réussit, c’est un véritable artiste selon moi. » Disait-elle tout en se tournant vers l’inconnu.

Elle fut vite interrompue par la scène, le magicien appelait l’assistance pour avoir un ou une partenaire. Sans que personne ne puisse réagir, un géant de sa connaissance se proposa. C’était Cristao. Constance était bien heureuse de revoir l’espagnol à Londres, cela signifiait que bientôt il reviendrait au Flying Dutchman et il allait pouvoir lui raconter ses récits de voyage.

Il adorait la ville de Londres. Jamais il ne se sentait perdu dans ce monde fait de cruauté et de mensonges. Il comprenait les règles du jeu dans la capitale, car il était évident que personne n'était totalement sincère dans un tel lieux. Le fait que Londres soit le centre d'activités plutôt malsaine ne l'étonnait guère, cette ville avait une atmosphère pesante, parfaite pour préserver les secrets les plus sombres de l'être humain. Les princes et les Ducs de ce pays le savaient, et la majorité se retrouvaient à Londres pour se débarrasser de leurs ennemis et appuyer leur supériorité. Et pour ce faire ils utilisaient en général des personnes comme Jack qui n'avait ni foi ni loi. Si le Capitaine faisait fortune ce n'était pas seulement grâce aux trésors qu'il avait amassé depuis tant d'années. C'était aussi grâce aux bourses donnés par les familles royales de son pays pour assassiner, ou voler. Il gardait pour lui les noms de ces êtres malsains qui lui demandaient son aide. Il n'avait pas à mettre en péril le nom de ses clients , qui devenaient également bien souvent ses protecteurs . Après tout dans ce nouveau monde avoir des protecteurs ce n'était pas de trop, et le pirate en avait bien conscience. Son père lui avait appris beaucoup de choses, et en ce qui concernait la politique il lui avait appris à prendre les devants, à toujours être sur ses gardes et à tout faire pour protéger son navires et ses matelots. Rien n'était plus importants que le navire, et les pirates. La confiance qu'ils avaient envers leur capitaine faisait la force de celui-ci. Si Jack perdait la confiance de ses hommes, il était perdu. Et cela demandait des concessions et de la manipulation. Il était prêt à faire tout cela pour survivre.
MARY-ANN PANTON — Jack. Quelle surprise...
Mais il y avait une chose que Jack avait semble-t-il oublié : rien n'était plus dangereux qu'une femme. Il regardait la maquerelle de la RedLantern venir vers lui, le visage dur et inexpressif, traduisant sans doute ses regrets et sa déception. Le pirate baissa le regard, chose qu'il ne faisait avec personne, sauf peut être avec elle. Elle était la seule à connaitre Jack sous toutes les coutures, au sens figuré comme au sens propre. Ils couchaient ensemble depuis toujours, et souvent Jack avait l'impression qu'elle était la seule femme à lui correspondre. Il ne pourrait en aimer aucune autre, mais il n'acceptait pas même l'idée de pouvoir tomber amoureux. Si on lui demandait il était évident qu'il n'aimait pas la Maquerelle autrement qu'à la manière d'une amie, ou d'une confidente. Il n'accepterait rien d'autre. Il était un homme, un capitaine, et un pirate, une femme ne pouvait pas simplement être son égal. Il n'acceptait pas l'idée qu'une femme soit meilleure que lui, et pourtant au vue de la manière dont il réagissait face à la déception de Mary-Ann Panton, il était évident qu'elle était plus forte que lui.
JACK MORTIMER — Toute la surprise est pour moi ma chère. Vous profitez des réjouissances des moissons ? Demanda-t-il en prenant sur lui, relevant le visage pour assumer ses erreurs, et ses actions.
Après tout il était un homme comme tous les autres, et il avait des besoins. Il était l'esclave du rhum, et n'avait pas vraiment de souvenir des deux nuits qu'il venait de passer à Londres. Ailleurs qu'au RedLantern, chose qu'il avait découvert le matin-même. Mais il le regrettait, surtout si cela devait l'empêcher de rejoindre la maison dans la soirée. Il regardait Mary-Ann, et dans son regard il découvrait qu'il était déjà banni de sa vie. Il se mordit la lèvre, et lui proposa un peu de rhum alors que déjà un magicien prenait toute l'attention du public. Jack l'ignora, préférant observer sa chère maquerelle. Il eut à peine le temps de voir le bouquet de fleurs voler vers Mary-Ann, lancé par le magicien, et sans doute charlatan. Il le rattrapa avant elle et le lui tendit en ôtant son chapeau comme le ferait tout gentilhomme.
JACK MORTIMER — Vous m'avez manqué Milady , puis-je vous demander une audience ? Peut être pourrions-nous trouver un coin au calme pour ... discuter ? Proposa-t-il, désireux de quitter la foule pour se consacrer uniquement à elle, et à son droit de passage dans sa maison et auprès de ses filles.

Spoiler:

Je me tenais face à Constance, femme que j'étais des plus ravies de revoir. Il faut dire que depuis le meurtre de mon père, je m'étais éloignée de toutes les personnes qui comptaient pour moi : mes amis, ma famille qui me restait. Dans le but de me venger. Oui, la vengeance m'avait submergé, me forçant à m'enfoncer corps et âme dans cette difficile tâche que de trouver le meurtrier. Mais même si je savais que pour mon propre bien je ne devrais pas autant m'accrocher à ma vengeance et à mon défunt père, je le faisais quand même. En effet, j'étais bornée et ce, depuis ma plus tendre enfance. Ma mère a toujours désiré me changer, mais il n'y avait rien à faire, ce trait de caractère était trop imprégné en moi pour pouvoir me quitter. Et puis, sans ce trait de caractère, je ne serais pas la même Isolde, car oui, la personnalité était un tout et lorsqu'on la modifiait ne serait-ce qu'un peu, la personne changeait du tout au tout. « Il est vrai que je ne pensais pas revenir aussi vite, mais me voilà. Et je suis moi-même, très heureuse de te revoir, tu m'as manqué. » Une sourire étira mes traits tandis qu'elle me présenta à la jeune femme qui se tenait à côté d'elle. « Enchantée de faire votre connaissance Catherine Carey, je suis Isolde Wentworth. » Encore et toujours les noms. Comme j'aurais aimé, n'avoir à donner que mon prénom à chaque fois que je devais me présenter, car les noms souvent peuvent faire mal, bien mal. Tout du moins, c'est ce que je pensais, car il pouvait suffire d'un nom pour que tous dérape. Surtout en ce moment avec la sorte de guerre entre catholiques et protestants. « Te la jouerais-tu modeste Constance ? » L'un de mes sourcils s'arqua légèrement, puis mon sourire revient. « En tout cas, tu as très bien choisit ton partenaire. » Et oui, même si j'étais un peu garçon manqué sur les bords, je me comportais presque comme une femme lorsque dans les parages, il y avait un bel homme.

Soudainement, des roulements de tambour survinrent et sur une estrade, un homme très grand se trouvait, suivis de près par un nain. Il nous demanda alors d'approcher, pour pouvoir voir un spectacle emplit de mystère et de magie. Il commença alors et sortis de sa cape un bouquet de rose rouge qu'il envoya dans le public et dont chacune de ses roses parvint dans les mains d'une femme. Et j'étais l'une d'elle. En effet, tout comme Constance et Catherine, j'avais eu le droit à une ravissante rose rouge et avec plaisir je l'approchais de mon nez pour sentir un délicieux parfum s'y dégager. Peu de temps après, un homme s'approcha de nous et demanda ce que l'on pensait du spectacle. La réponse de Constance ne me surpris guère. Il faut avouer que depuis que je l'avais rencontrée, j'avais eu connaissance de son amour pour ce qui était attrait à la magie, la fantaisie et le mystère. Pour ma pars, je lui répondis ces quelques mots, en lui adressant un sourire amical, allant légèrement à l'encontre des dires de Constance, mais après tout, chacun avait le droit à la liberté d'expression. « Mystère, il y en a sans doute autour de ce spectacle, mais quant à la magie, je ne le pense guère. Après tout, si cette dernière devait exister, elle ne se tiendrait certainement pas sur cette estrade. » Tandis que l'on débâtait, sur ce sujet, l'homme appelait un volontaire et ce, pour un numéro spécial comme il l'appelait. Un géant se proposa alors, personne que je ne connaissais pas, mais qui portait ma foi, un arsenal d'arme ce qui attisa ma curiosité. Et oui, j'étais toujours très intriguée par ce qui était attrait aux armes. Quelques instants plus tard, ce fut Bess Smeaton qui se présenta, jeune femme qui travaillait au RedLentern et qui avait l'air de ne pas beaucoup m'apprécier. Pourquoi ? Je ne saurais le dire, en tout cas, elle ne m'aimait pas. Chose que je ne pouvais lui en blâmer, car personne ne pouvait aimer tout le monde, sinon le monde deviendrait des plus étranges.

Même si je n'étais pas très friande de ce style de spectacle, je devais avouer que cet homme s'en sortait très bien et que son spectacle se trouvait donc être réussi. Mais ce dernier ne dura guère longtemps. En effet, des hommes de la garde royale s'approchèrent de l'estrade en disant que l'homme était en état d'arrestation pour acte de sorcellerie. Chose qui me rendit abasourdie. De la sorcellerie ? Ils plaisantaient j'espère, ce n'était en rien de la sorcellerie, juste des tours qui étaient bien joués. Mais...Ne voulant pas me faire mal voir par la Reine, je ne dis rien, restant aussi silencieuse que possible en détaillant la scène qui se déroulait, même si au fond de moi, je ne désirais qu'une chose : crier injustice.

La foire des moissons était toujours un évènement que je ne ratais jamais, ou presque. Disons que j'ai hésité à venir cette fois, pour des raisons qui me sont propres. J'étais donc là, j'avais observés toutes les marchandises sans rien acheter en particulier pour le moment. Une voix m'avait donc tirée de mes observations diverses, une voix que je n'avais jamais entendue auparavant, du moins, j'en avais le sentiment. Apparemment, nous allions assister à un spectacle de magie. Je savais comment faire quelques tours, de la pure supercherie évidemment, alors je posais la question à quelques personnes autour de moi. L'une d'elle me répondit donc que cette homme était un véritable artiste. Je n'en étais pas convaincu, mais je décidais donc de lui offrir une fleur sortie de mon chapeau pour lui montrer que moi aussi, je savais faire des tours.

" Tenez, c'est pour vous miss ... ? "

Je ne la connaissais pas, alors je laissais en suspens la fin de ma phrase pour qu'elle puisse me répondre convenablement. Puis, l'homme sur son estrade demanda alors quelqu'un dans l'assistance pour l'aider à faire son prochain tour. Je sentais déjà le coup fumant venir de loin. Contre toute attente, deux personnes se présentèrent alors. Peut être qu'il ne prendrait qu'une personne, ou les deux, mais ce serait étonnant. Peut être que cet homme était plus doué que je ne le pensais finalement, je verrais bien cela. Et je fus effectivement surpris puisque l'homme choisit les deux volontaires dans la salle, ils n'étaient donc ces complices, ou alors, cela était vraiment très bien mise en oeuvre. Cet homme vivait pourtant un grand danger. Ces tours étaient si bien orchestrés qu'il serait rapidement accusé de sorcellerie, comme j'avais pu l'être en mon temps. Je n'avais pas vu la supercherie, tellement cela était bien fait. Puis comme je le pensais, des hommes de la garde royale arrivèrent pour accuser l'homme. Ils avaient attendu le bon moment pour entrer en scène. De nombreux témoins l'avaient vu agir avec cette pomme. L'homme se défendit, disant que ce n'était que des illusions. Le débat était ouvert. J'avais envie d'y prendre part, moi-même je savais faire ce qu'il avait fait. Je montais donc sur l'estrade pour leur prouver qu'il n'y avait aucune sorcellerie là dedans.

" Ecoutez moi ! Il n'y a aucune sorcellerie dans ce que vient de faire cet homme. Tous ici présent nous sommes capable de faire de même. Il faut simplement un peu d'entraînement et de précision pour arriver à un tel résultat. Je vais vous le montrer. Monsieur le deuxième volontaire, je vous laisse prendre place. "

Je ne savais pas s'il agirait de la sorte, mais je voulais prouver à tout le monde que cet homme était bien ordinaire, qu'il ne possédait rien de mystique en lui. J'aimais me donner en spectacle, c'était l'occasion rêver de le faire, pour faire repartir les gardes, et par la même occasion, leur faire un peu honte. Qu'est ce que je m'aimais dans des situations pareilles !

La magie avait toujours fascinée la jeune et jolie Constance qui se délectait des tours qui se jouaient devant elle. Entre ses mains, elle tenait toujours la rose que l’homme lui avait offert, elle n’en avait jamais vu de si jolie, même en Angleterre, alors qu’ici l’emblème des rois était la rose. La fleur était d’un rouge profond, une couleur de passion, presque magique. Le magicien devait connaître un très bon marchand de fleur, à moins que grâce à ses tours, ils puissent créer une telle beauté. La jeune femme se trouvait toujours aux côtés de Catherine Carey, Isolde Wentworth et d’un noble dont elle ne connaissait pas le nom, mais qui ressemblait tout bonnement à un original. Isolde s’amusa à la taquiner sur sa modestie, mais aussi sur son ancien partenaire de danse, c’était vrai, il était beau, mais aussi très doué pour la volte. Peut-être qu’elle pourrait le retrouver pour l’inviter à prendre un verre au Flying Dutchman, enfin si elle le revoyait, la foule était tellement dense, qu’elle n’était pas sûre de le revoir sur cette place.

 « Moi modeste ! » Disait-elle d’un ton faussement attristé. « Je mettais juste en avant les qualités de mon partenaire, qui était vraiment charmant comme tu as pu le remarquer. » Ajouta-t-elle en riant de bon cœur.

 Le noble à leur côté décida de jouer aussi aux magiciens, même si ses petits tours étaient de la vraie supercherie, Constance ne put s’empêcher de rire, surtout quand il sortit une fleur de son chapeau. Et maintenant, la jeune serveuse se retrouvait avec deux fleurs, puisque l’homme venait de lui en offrir une. Elle lui fit un charmant sourire et détourna à nouveau son regard sur le spectacle. Comme Bess et Cristao avaient tous les deux étaient volontaires, le magicien, les appela ensemble sur scène. L’homme débuta par la jolie Bess et il n’hésita pas à faire un lancer de poignard vers elle, d’ailleurs, pendant un instant, Constance crut qu’il en était fini de la vie de la jeune femme, elle n’avait jamais vu une personne aussi doué au lancer de couteau. D’ailleurs, selon Isolde, cela relevait plus du mystère que de la magie. Puis le tour de Cristao allait arriver, mais des roulements de tambours se firent entendre non loin de là. La garde royale ! La jeune serveuse n’aurait jamais cru les voir arriver ici en ce jour, mais il semblerait que les tours du magicien aient trop attiré l’attention. Rapidement, la garde annonça le pourquoi de sa présence, l’homme était accusé de sorcellerie. Dès qu’elle entendit ces mots, Constance fit les yeux ronds, choquée parce qu’elle venait d’entendre. De la sorcellerie ? La serveuse ne savait plus quoi penser, le doute était là et si l’homme était vraiment un sorcier ? La jeune femme ne préféra rien dire et écouta l’intervention très théâtrale du noble qui se trouvait à leurs côtés. D’ailleurs, il était même prêt à refaire le spectacle sur Cristao. Etait-il fou ?

 « Il est fou ! Il va tuer ce pauvre Cristao s’ils font se tour ! » Disait la jeune femme choquée parce qu’elle voyait.

La vie des Carey était une vie bien difficile. J’étais débordée par mes enfants, la maison à maintenir, et la famille à nourrir. Mon frère était exactement pareil, un travail prenant, des obligations ici ou là, et peu de temps pour lui. La vie était dure. J’étais toute excitée à l’idée de revoir mon frère, cela faisait un petit moment que je ne l’avais pas vu il était partie aux Pays-Bas, et en avait profité pour passer voir Francis. J’aperçus Henry dans la foule, j’étais fière d’être sa mère quand je voyais tout ce qu’il avait accomplit. Il parlait à Lettice, et il lui présenta une poupée. Je savais qu’Henry essaierait de me rapporter des nouvelles de Francis, et cela devait être dans la poupée. Nous étions prudents, en ces temps obscurs. Francis, exilé. J’étais obligée de rester prudente, et sur mes gardes. Je surveillais Henry et Lettice, visiblement mon frère était trop débordé pour venir me voir. L’essentiel était là, cela dit. Mon frère s’éloigna, et j’appelais Lettice pour qu’elle me montre sa poupée. Elle me murmura dans le coin de l’oreille « Ce sont des nouvelles de papa ? ». Je lui fis oui de la tête avec un grand sourire. Enfin, nous avions ses lettres. J’avais tellement hâte de les ouvrir. Tellement. Francis me manquait terriblement. Je ne me sentais pas complète. Il manquait un morceau de moi. Mon époux. Mon mari. Mon protecteur. Celui sur qui je pouvais compter. Là, je devais me débrouiller seule et je trouvais l’épreuve insurmontable même si mes proches me disaient que je me débrouillais à merveilles. Je fis un clin d’œil à Constance, on pouvait lire la satisfaction et le soulagement sur mon visage. Une jeune femme blonde s’approcha de nous.

« J’en connais d’autres qui étaient trop casse-pied pour rester tranquillement à la maison. J’ai été obligée de les emmener surtout lors d’une foire, ils vont bien s’amuser, comme ça ce soir ils seront fatigués. Et moi j’aurais droit à un peu de repos. »

Je murmurais ces paroles doucement pour que mes enfants ne l’entendent pas.

« Tout le plaisir est pour moi, Isolde. »

Je pouffais de rire aux paroles de Constance, qu’est-ce-que je pouvais l’aimer cette petite. Lettice me laissa sa poupée, et partit rejoindre mes autres filles pour jouer, danser, chanter, et faire des bêtises pendant que j’avais le dos tourné.  J’avais du mal à oublier tous les tracas du quotidiennement, et tout ce que j’avais dans la tête. Tellement de choses que j’en oubliais la moitié. Sur une estrade, un homme ressemblant à un magicien se préparait à commencer son spectacle. Je vis le regard émerveillé d’Elizabeth, ma plus petite. Mary me regardait de manière à me demander s’ils pouvaient s’approcher je lui fis un oui de la tête. Robert et Edward étaient déjà en train de faire les fous devant la scène. Je soupirais. Je berçais Francis, mon tout petit d’à peine un an que j’avais dans mes bras.

« Quel sourire ravageur, n’est-ce-pas ? »

J’applaudis doucement en faisant en sorte de ne pas réveiller mon bébé qui dormait à point fermer, malgré le tumulte et le bruit. L’homme sortit de sous sa cape un bouquet de rose rouge, l’une tomba à mes pieds. Constance et Isolde eurent la leur également. Mes filles me regardaient verte de jalousie. Je leur fis une révérence de la tête, fière avec ma rose. Un petit geste qui m’était du baume au cœur. Puis, du chapeau sortit une colombe qui prit son envol majestueusement. Je vis les yeux d’Elizabeth la suivre du regard. Cette enfant me faisait tout simplement rêver à elle toute seule, une bouffée d’oxygène.

« Vos paroles m’étonnent Mr. Smith., cela ne vous ressemble guère.»

Un étrangers, que je ne connaissais pas, Cristao se proposa pour être le cobaye, qu’il était courageux. Je l’applaudis ! Je ne me moquais jamais, bien au contraire j’admirais sa témérité. Je voyais Constance s’excitée telle une puce sur place.

« Tu connais ce jeune homme ? »

Une voix féminine retentit parmi la foule, une jeune femme se proposait également. Une courageuse. J’admirais son côté volontaire. Lors du numéro, je retins mon souffle, stupéfaite par ce que je voyais. J’applaudis de plus belle lorsque le couteau arriva au milieu de la pomme. La suite des événements ne me plaisait guère, la garde royale était là, voulant arrêter cet homme qui amusait la galerie. Mary me regarda d’un œil très inquiet, je lui fis signe de revenir. Henry, mon ainé aida a rapatrié tous mes enfants vers moi. Il n’était pas bon de se trouver là où la garde royale était. Je me taisais face à cette situation, nous étions impuissants, et nous ne pouvions rien faire face à cela. C’était malheureux surtout en ce jour de fêtes qu’était celui de la foire des moissons. La Reine donnait une mauvaise image d’elle, et ce n’était guère étonnant. Mon mari m’avait prévenue, que nous devions fuir pendant qu’il était encore temps… tels étaient ces mots. Poignardant. Choquants. Annonciateurs.

« Ils vont l’arrêté, vous croyez ? »

Toute la marmaille de Catherine amusait la jolie Constance, si un jour elle pouvait avoir une famille, elle espérait bien avoir des enfants comme cette dernière. Pas autant, mais quelques-uns qui la combleraient de bonheur. La jeune femme le savait, elle aurait beaucoup de mal à se construire en raison des secrets du passé, mais elle espérait bien qu’un jour tout changerait et qu’elle pourrait enfin se forger un avenir. Avoir un mari et des enfants était ce qu’elle attendait le plus au monde. Elle voulait faire comme les autres, bon nombre de ses connaissances du passé avaient maris et enfants, il était grand temps pour elle de faire comme eux. La petite Elizabeth la sollicita à nouveau et Constance la prit dans ses bras pour lui montrer le spectacle, mais dès que tout commença à partir de travers, elle la reposa, la gardant près d’elle pour éviter de choquer ses yeux insouciants de petite fille. Quand Catherine lui demanda si elle connaissait le géant Cristao, Constance hocha simplement de la tête bien trop absorbé par le spectacle qui se jouait sous son regard. La serveuse craignait surtout que le noble fou ne lance les couteaux sur le nomade espagnol. Cet homme semblait vouloir épater la galerie pour montrer que le spectacle était truqué. La garde royale de son côté commença à vouloir remettre de l’ordre dans tout cela, mais le magicien ne semblait pas vouloir se faire attraper.

« Je n’espère pas, le pauvre, il n’a rien fait, à part vouloir nous amuser. » Disait-elle d’une mine boudeuse.

Même si l’homme était un sorcier, elle s’en moquait, après tout il voulait divertir tout le monde, non pas ensorceler le public. En plus, sur son visage, on ne voyait rien de méchant, non il ne fallait pas qu’il soit arrêté. Ils étaient quatre sur scène, le magicien, Cristao, Bess et le noble, quand une fumée apparut et fit disparaître l’homme incriminé par la garde royale. Aussi rapidement que la fumée se dissipa, les gardes montèrent sur scène pour demander à tous de donner la moindre information s’ils en possédaient. Constance regarda aux alentours, par chance, personne ne semblait avoir vu le magicien. Puis alors que personne ne s’y attendait, le chef de la garde décréta que le noble devait être emmené à la Tour. Pendant un temps Constance fut choquée, après tout le jeune homme n’avait rien fait, à moins que son comportement n’ait agacé les gardes.

« Le pauvre, il n’a rien fait en plus, il a juste voulu se donner en spectacle. » Disait-elle tout en se tournant vers Catherine. « Tu connais cet homme ? » Demanda-t-elle à la mère de famille, se souvenant que celle-ci l’avait appelé Mr Smith.

Sans prévenir de nouveaux artistes montèrent sur scène, captivant à nouveau les yeux de la foule. C’était comme si rien ne s’était passé auparavant et pourtant, cela montrait bien que le vent tourné vite à Londres et que ce qui se faisait, pouvait très vite se défaire. A nouveau Constance prit la petite Elizabeth dans ses bras pour qu’elle puisse admirer le spectacle. Face à l’émerveillement de l’enfant, la jolie serveuse ne pouvait s’empêcher de rire, à croire que la joie des plus petits était contagieuse.

La famille, cette valeur la plus importante pour moi et comme si ma famille n’était pas assez grande je prenais sous mon aile des inconnus, des petits oiseaux tombés du nid et perdus. La générosité est mot d’ordre chez nous, dans ces temps sombres et reculés il le fallait, être solidaire et se serrer les coudes. L’hiver arrivait, et ce serait une période difficile pour tous. Les moissons étaient là pour avoir assez de nourriture pour la saison qui montrait le bout de son nez. Je savais que cet hiver, je ne verrais surement pas Francis, Henry m’avait fait porter des lettres de sa part, elles étaient dans la poupée que je tenais dans mes mains. J’en attendais depuis tellement longtemps. Tous les jours, mon fils Richard me demandait quand allait rentrer papa … Même moi, je l’ignorais. Lorsque Mary Tudor ne serait plus au pouvoir, mais quand ? Son avènement venait d’avoir lieu. Notre situation était plus déplorable qu’elle en avait l’air, je gardais le sourire et ma bonne humeur pour mes enfants car nous devions tous grader notre moral ! L’hiver arrivait, et je devrais faire face. J’avais commencé des réserves de nourritures, et j’avais acheté des couvertures chaudes surtout pour les plus jeunes. Je savais qu’Elizabeth était frileuse, comme moi. Lettice aspirait à un confort que je ne pouvais lui offrir. Quant à Mary, elle ne disait rien, elle souffrait en silence et se montrait forte.  Les garçons ne disaient rien, ils jouaient les hommes forts qui n’avaient pas froids.  Sauf quand, un à un, ils viennent me trouver pour parler de telles ou telles choses – à ne surtout pas répéter aux autres.

Constance faisait partie de ces petits oiseaux que j’aimais recueillir dans mon nid douillet, elle m’aidait, et elle était une aide précieuse pour moi.  Une grande sœur pour mes enfants, une grande enfant pour moi. Edward, Richard et Robert se rapprochèrent de moi de peur de faire arrêter eux aussi.  William resta avec Henry, et je gardais un œil sur eux. Etre mère, le plus beau rôle du monde sans aucun doute mais tellement de responsabilités qui planaient au dessus de ma tête. Le spectacle ne semblait pas vouloir s’arrêter, et la garde royale venait tout arrêter. Une fumée blanche recouvra l’estrade, et le magicien disparu. Les gardes prirent la parole, j’étais déconcertée mais dans quel pays vivions-nous donc ? Lorsqu’un garde empoigna Nicholas Smith, resté sur scène, Henry, mon fils me dit « Maman. » un cri d’alerte, d’appel au secours, un cri qui voulait dire fais quelque chose. Que pouvais-je faire ?

« Le monde va changer avec cette souveraine. »

Avais-je dis à l’oreille de Constance, tout doucement pour que personne n’entende. Il ne manquait plus que je me fasse arrêter… les conséquences seraient atroces.

« Oui, je le connais. Il se nomme Nicholas Smith, c’est un ami de la famille qui aime beaucoup amuser les enfants. »

La garde emmenait Nicholas, Henry me regardait d’un regard affolé, mais je ne pouvais rien faire. Je lançais un sourire réconfortant à mon fils, Nicholas était un grand homme il serait se débrouiller seul et faire face à la situation qui l’attendait.

« Cours Henry si tu veux, vas lui dire que s’il a besoin qu’on prévienne quelqu’un qu’il te dise. Vite !! »

Mon fils ne se fit pas prier. En même temps, de nouveaux artistes continuèrent le spectacle rien ne devaient venir perturber cette foire des moissons. Comme si de rien n’était, oubliant l’incident, les Londonniens et les étrangers étaient à nouveau absorbés par le spectacle qui s’offrait à eux. Je restais là avec Constance, Isolde et mes enfants admirant le spectacle. Voir les yeux émerveillés, leurs regards pleins d’étoiles me remplissaient de joie. J’eus un regard inquiet vers la garde qui emmenait Nicholas, et vers Henry qui l’avait rejoins pour lui parler. J’aurais une pensée pour Nicholas, ce soir, avant de me coucher.