Quand on est baron de Burrington, il faut savoir occupé ces journées et ce n'est pas forcément facile, je vous en conjure. Entre une femme qui ne vous aime et que vous n'aimez pas vraiment, des enfants que vous n'avez pas eu, des serviteurs qui n'ont guère de conversation, la magie d'un royaume n'opère pas vraiment. Heureusement pour moi, je suis quelqu'un d'habile de mes dix doigts. Je suis ce qu'on appelle un chapelier. Qu'est ce donc que ce métier si particulier ? Et bien, je fais des chapeaux, rendez-vous compte ! C'est une des passions que je possède, en effet, faire des chapeaux tous plus excentriques les uns que les autres m'aide à passer le temps. Beaucoup disent que je suis fou, mais n'en croyez pas un seul mot, car ceci n'est que pure diffamation à mon égard. Je suis un noble, comment pourrais-je être fou et servir celle qui nous gouverne ? Ceci est absolument impensable, mais votre position est toujours enviée par les plus fourbes de notre société. Parfois, ce sont même des personnes plus proches de nous qui nous donne des coups de poignards dans le dos, mais je n'ai que faire de ces personnes qui ne valent rien. Mon amitié est précieuse, si peu de personne l'obtienne. Et encore, quand vous réussissez à l'obtenir, il n'est en rien garantie qu'elle sera définitive autour de votre cou. Mais cela ne tient qu'à vous !

Aujourd'hui donc je décidais de me rendre à l'abbaye de Westminster, un lieu solennel afin de faire mon pèlerinage dans ce lieu plein d'humidité, remplis de crucifix, mais qui me disait ainsi profondément encré dans la religion alors que ce n'était pas tellement le cas. Westminster était un lieu presque mystique, remplis de mysticisme pour le commun des mortels. Que vous soyez catholique ou protestant peu importe ce lieu ne pouvait pas vous laisser indifférent, j'en étais persuadé. J'avais donc décidé de me rendre là-bas avec de beaux habits, du orange, du vert, du rouge ainsi que quelques touches de bleus composait ma tenue très colorées. Tout le monde n'osait pas ce style mais même si c'était quelques choses d'osé, je n'avais pas peur de me montrer ainsi en public, je n'avais que faire des regards des autres.

Grande et majestueuse bâtisse. Elizabeth aimait ce lieu, tellement il était imposant et tellement il dégageait un délicieux parfum mystique. En ce moment et pour bien se faire voir aux yeux du monde, la jeune bâtarde avait besoin de l’ambiance solennelle de ce lieu, tout comme sa piété. De plus, Mary serait d’autant plus heureuse de savoir que sa jeune sœur, qui pensait que c’était un devoir de sauver Liz de l’hérésie qui l’étreignait. En allant, à l’abbaye de Westminster, elle lui montrait ainsi qu’elle était prête à apprendre et à plaire à sa sœur. Cette vieille bâtisse en pierre était chargée d’histoire, on y trouvait de nombreuses sépultures royales, d’ailleurs, allant d’Edouard le Confesseur jusqu’à un petit prince, qui était son frère, un enfant mort-né. Les Tudor étaient nombreux dans cette abbaye, on y trouvait deux de ses frères, qui étaient nés bien avant sa naissance, trois de ses oncles et tantes, sa grand-mère et son royal grand-père Henry VII. Même si elle ne les avait jamais connus, Elizabeth, quand elle se rendait à l’abbaye de Westminster se rendait toujours auprès de ces tombes, rendant hommage à cette famille qu’elle n’avait jamais connue. Mary n’avait pas hésité, quand la jeune femme lui avait parlé de ce projet, pour lui donner l’autorisation de se rendre à l’abbaye. Cependant, ce fut sous bonne garde que la rousse quitta le palais de Whitehall et prit le chemin de l’abbaye. Dehors, l’air était en proie à l’humidité, mais bon ce n’était pas étonnant en Angleterre il pleuvait souvent. Telle la Vierge, la jeune femme fit son chemin de croix et sous le regard de la foule qui l’observait d’un air curieux. Depuis son arrivée à Londres avec sa royale sœur, Elizabeth le savait le peuple ne la détestait pas, à croire qu’il aimait ses pauvres martyrs. Tout au long du chemin, la jeune femme reçut des fleurs de petites filles qui venaient la saluer ou bien voir de plus près une personnalité royale. Pour eux, même si elle était la bâtarde, elle était de même la fille d’Henry VIII, celle qui comme Mary avait souffert des décisions de son père. A croire que dans cette histoire, la sorcière Anne Boleyn n’existait plus. Ses grands yeux noirs et ses cheveux roux avaient tendance à effacer l’image de cette mère tant haïe par le peuple, pour faire face à celle de la fille du roi Henry le Huitième. Il était désormais indéniable, elle était sa fille et personne en voyant cette ressemblance ne pouvait douter ce fait, pas même sa sœur.

En compagnie de ses suivantes et des gardes qui la protégeaient, Elizabeth arriva à l’abbaye de Westminster, les bras tenant les fleurs qu’elle avait reçues avec tant de gentillesse. Une fois entrée dans l’endroit pieu, elle fut accueillie par un religieux, comme n’importe quelle personnalité importante. La rousse fit quelques pas avec l’homme, évoquant le fait qu’elle venait ici pour se recueillir et étreindre la foi catholique. Son discours était parfait, si bien que personne ne pouvait douter de cela et la jeune femme en était sûr, l’homme irait plus tard rapporter ses paroles à la reine. Une fois seule, Elizabeth se rendit auprès des différents tombeaux de sa famille et elle fit à chacun le signe de croix, tout en tenant un crucifix dans la main. Après son recueillement, la jeune femme se dirigea vers le cœur de l’abbaye, mais en chemin, elle rencontra l’une de ses connaissances.

« Baron, je suis heureuse de vous retrouver ici, notre dernière rencontre remonte à tellement de temps. » Disait la jeune femme tout en saluant le baron.

La princesse était surprise de retrouver cet homme, habillé de manière très extravagante dans un lieu aussi solennel, à croire qu’il n’avait pas la valeur de piété. Cependant, cela n’étonnait nullement la jeune femme, Nicholas Smith avait toujours été un homme très original.

Nous étions en été, il faisait bon dehors mais à l'intérieur de l'Abbaye, il y régnait toujours un froid glacial, peut être que cela avait un rapport avec les murs épais qui étaient autour de nous, à moins que cela ne vienne de mon coeur qui n'était pas très réactif à tout ce qui l'entourait ici. Enfin vous savez, rien ne sert d'avoir le coeur bouillant de foi quand vous changez celle-ci au grès de ceux qui nous dirige. Catholique ou Protestant, cela ne changeait rien au fond, nous sommes des crétins, euh, des chrétiens au nom de Dieu, et ce qui l'entoure. J'étais venue ici pour faire illusion, j'étais Baron, je ne pouvais pas me permettre de ne pas signifier ma foi dans un endroit avec autant de monde. J'avais pris des vêtements très coloré, tranchant dans le vif avec les vêtements sombre, sobre des autres personnes, mais au moins tout le monde pouvait me voir de loin. J'observais d'ailleurs un peu la foule, certains me toisaient du regard comme si j'étais un démon, mais cela m'importaient peu s'ils trouvaient que ma tenue n'était pas du tout appropriée, je n'avais que faire d'avis des gens du bas peuple. Je n'étais pas la personnalité avec le rang le plus élevé, je n'étais qu'un petit baron qui passait principalement son temps à dessiner et à faire des chapeaux. Mais là, j'étais au coeur de l'Abbaye, je regardais les gens et au loin j'ai cru apercevoir une de mes connaissances, une amie, si je peux la considérer comme telle, une certaine Elizabeth Tudor. Cela faisait longtemps que nous n'avions pas pu nous voir, mais il faut dire que les évènements ne s'y prêtaient pas vraiment.

" Vous avez raison, cela fait trop longtemps que nous ne nous étions pas vu, il faut dire que les évènements n'étaient pas tellement en faveur d'une rencontre. Vous êtes seule ? Vous avez semer votre cortège ? "

Oui, je lui demandais cela, tout en sachant plus ou moins la réponse. Ils ne devaient pas être loin, mais dans un lieu aussi paisible, cela n'avait pas trop d'importance, qui oserait l'attaquer ? Il pouvait bien y avoir des fous pour cela, mais même si certains me considéraient ainsi, je n'étais pas fou dans ce sens. Quoique, la baronne pourrait bien vous dire autres choses mais il ne faut pas écouter cette mécréante à mon sujet, je suis quelqu'un d'honnête.

En tout point, elle avait l’apparence d’une jeune femme pieuse, mais aussi catholique. Hors dans son cœur, ce n’était nullement le cas, même si elle n’était en rien une personne frivole, Elizabeth tenait à sa liberté, mais aussi aux humanités, qui la passionnées. Elle n’était pas prête à s’engager dans une vie de dévotion comme sa sœur et encore moins à devenir catholique. La cadette des Tudor était une jeune femme qui avait vécu dans la relation protestante, d’abord grâce aux réformes de son père, puis en compagnie de Catherine Parr, la dernière épouse de celui-ci. Elizabeth avait beaucoup admiré cette femme. Catherine était intelligente, elle écrivait des livres, elle était protestante et en plus c’était une érudit. La jeune fille avait vu en elle un modèle à suivre et elle avait été très heureuse de l’avoir comme belle-mère. La vie à la cour était devenue apaisante en sa compagnie. Malheureusement, après la mort du roi et surtout à cause de Thomas Seymour, leurs rapports étaient devenus froid et Elizabeth avait été contrainte de quitter sa protectrice et après cela, elle ne l’avait plus jamais revu. Catherine était morte en couche, comme de nombreuses femmes avant elle. Cette présence lui avait tant manqué par la suite, mais Elizabeth avait appris à vivre seule à nouveau, en compagnie des personnes qui la servaient. Ce n’était pas une vie simple, mais la jeune fille s’en contentait, de toute façon, il y a bien longtemps qu’elle avait appris à vivre sans mère et sans famille, elle préférait voir de temps en temps ses amis, ceux à qui elle était très attachée et quelques membres de sa famille, plutôt que de voir tout le monde chaque jour. Cela ne la dérangeait pas de voir sa sœur Mary à l’occasion et encore moins sa cousine Margareth Douglas, avec qui elle entretenait une profonde haine.
Elizabeth fut heureuse de découvrir en l’Abbaye de Westminster, Nicholas Smith, un homme qui avait de nombreux talents, dont celui d’être amusant. Ce qui était étonnant c’était de le voir ici, le baron n’était pas un homme pieux, mais peut-être était-il ici pour une raison spéciale. L’homme lui demanda alors si elle était seule ou si elle avait semé ses surveillants. La jeune femme tourna la tête et montra deux dames d’honneur qui ne la quittait pas du regard.

« Et non, ce beau jour n’est pas encore arrivé. » Disait-elle d’un faible sourire.

Mary était bien trop prudente et Elizabeth en était sûre, une fois de retour à Whitehall ces femmes iraient faire leur compte rendu à la souveraine anglaise. Jamais la rousse ne serait en paix, à moins qu’on ne lui accorde le droit de retourner chez elle à Hatfield House, au moins là-bas elle pourrait vivre tranquillement. Elle pourrait lire les livres qu’elle désirait, se promener à cheval quand elle le voulait et sans rendre de compte à personne. Oui, même si elle aimait cette grande ville de Londres, elle voulait la quitter. Sous le règne de sa sœur, cette cité était bien trop oppressante et Elizabeth devait toujours rendre des comptes. Cependant, elle le savait très bien, même si elle était de retour sur ses terres, elle devrait faire attention à ses faits et gestes, même dans l’endroit le plus reculé, elle ne sera pas libre, Mary y veillerait et ses ennemis seraient toujours après elle, à la recherche d’un quelconque complot.

« Vous êtes en ce lieu pour une raison particulièrement Nicholas ? » Demanda la jeune femme piquée par la curiosité.

Je ne savais pas trop pourquoi j'avais choisi l'Abbaye de Westminster aujourd'hui, sans doute pour faire preuve d'une piété que je ne possédais point. Mais je ne pouvais pas rester cloîtrer chez moi avec ma femme et mes serviteurs, cela en était parfois lassant tant ils étaient incompétents par moment, mais je ne pouvais rien y faire. J'avais de nombreux passe-temps mais aujourd'hui j'avais voulu aller voir ailleurs, me montrant, ne passant jamais inaperçu dans cette petite abbaye catholique, pour montrer ma foi. Oh, je n'étais pas vraiment protestant, pas vraiment catholique à vrai dire, et encore moins orthodoxe mais j'étais un des nombreux nobles de ce pays, je ne pouvais pas me montrer agnostique comme certaines personnes. La religion était au coeur des relations que chacun ici présent nous entretenions. Si l'on pensait de vous que vous étiez protestant alors vous l'étiez pour chacun même si cela n'était que pur mensonge. Si l'on pensait que vous étiez catholique et que la rumeur se répandait alors vous l'étiez. Les choses étaient ainsi, et ça m'allait bien. Je vis donc au loin miss Tudor qui semblait être seule, mais ce n'était qu'une douce illusion sans doute. Pour en être certains je lui posais néanmoins la question. Elle me répondit qu'elle n'était seule en me montrant du regard deux dames d'honneur qui l'observait avec attention, à une distance raisonnable. Elle n'était donc pas libre de ces mouvements, cela en était bien décevant, mais que voulez-vous, la vie était parfois mal faites. Elizabeth était surveillée comme le lait sur le feu, elle ne pouvait pas faire le moindre écart. Nous nous connaissions depuis quelques temps déjà donc ma présence à ces côtés n'étaient nullement choquante, surtout que j'étais déjà marié, il n'y avait pas de doute à propos des paroles que nous étions en train de prononcer. Je pouvais m'amuser à la charmer, elle savait très bien que cela était de l'humour d'ailleurs, j'avais cru comprendre qu'elle aimait bien ma présence, j'étais un fanfaron, je l'amusais bien, comme toutes personnes me connaissant de loin.

" Je vois, elles vous épient, sans doute qu'elles feront un petit compte rendu de votre passage ici, c'est bien dommage. Ne pourriez-vous pas retourner chez vous pour être libre de ces entraves ? "

Je ne sais pas ce qu'elle me répondrait, mais je ne doutais pas un seul instant qu'elle veuille y retourner, la liberté dans un endroit que l'on connait bien n'a pas de prix. Mais sans doute que sa présence pour le moment était requise sur Londres, à n'en pas douter. De toutes façon, elle avait des ennemis ici et ailleurs, de partout, du moins c'est ce que je pensais. Moi-même j'avais mes détracteurs, mais qui n'en a pas dans ce monde ? Il y aura toujours quelqu'un pour crier au complot, mais je ne crains point. Je saurais toujours retomber sur mes pattes. Elle me demanda alors si j'étais ici pour une raison particulière. Si je suis ici ma chère, c'est pour manifester ma foi voyons.

" Si je suis ici c'est pour faire preuve de foi et de piété. Il le faut, sinon certains arriveraient bien à me prendre pour ce que je ne suis pas et crier à l'hérésie. Il faut bien aller dans la direction du vent chère Elizabeth, n'êtes vous pas d'accord ? "

Je savais qu'elle était une protestante dans l'âme, suivant les réformes de son père mais que pour la bonne cause, elle ne l'était plus vraiment, mais ces derniers il fallait mieux être catholique, c'était bien mieux pour votre séant.

Elizabeth aimait s’entourer de personnes dites originales qui pourraient égayer sa triste vie et Nicholas Smith faisait partie de ces personnes. Elle le voyait pourtant peu, à l’occasion à la cour durant une festivité, mais encore les occasions étaient rares. Sous le règne de son frère, elle était peu présente à la cour, le lord Protecteur Seymour la tenait éloigné, voyant en elle la peste ou le choléra. Elle avait pu revenir de temps en temps sous John Dudley, mais cela n’empêchait pas sa haine vigoureuse envers cet homme qui avait osé entacher le testament de son père. Même s’il mettait en avant sa sœur Mary Tudor, c’était un document juste, qui suivait une parfaite continuité et qui apporterait de la stabilité au pays. Mais non, cet homme avait voulu faire sa propre loi et ce qui était dommage pour lui c’était qu’à cause de ses actions, il se trouvait en prison, tout comme une grande partie de sa famille. Maintenant que Mary régnait les occasions de voir Nicholas Smith ne serait peut-être pas plus nombreuses, Elizabeth ne savait pas combien de temps elle devrait rester dans la capitale, mais dès que sa sœur la renverra, elle partira bien volontiers sur ses terres. Là-bas, même si elle serait surveillée, elle connaîtrait une plus grande liberté. Nicholas Smith comme n’importe qui à sa place remarqua la surveillance à laquelle elle faisait face. La bâtarde quant à elle prenait la chose à la légère, depuis toujours ses faits et gestes étaient épiés et rapportés, c’était une habitude, il fallait juste qu’elle face avec et se taise.

« Ne vous inquiétez pas, être surveillé, c’est commun chez nous, mais oui dès que je serais de retour à Whitehall, tout le monde sera au courant que nous avons conversés ensemble. En ce qui concerne ma demeure, je dois attendre un ordre de la reine avant de partir et je doute avec le couronnement qui se prépare que cela soit avant un moment. »

Partir, elle espérait bien le faire après le couronnement et fuir ce vent d’hostilité qui régnait sur elle. La rousse avait bien vu la haine de sa sœur à son encontre et sa constante méfiance qui ne faiblissait jamais. Chaque jour, elle craignait pour sa vie et que sur un coup de tête de la reine ou en raison d’un faux témoignage, on ne vienne l’enfermer à la Tour. Elle comprenait la colère de Mary à son encontre, tout cela venait d’un passé lointain, bien avant sa naissance, elle ne pouvait rien y faire, elle ne pouvait lutter pour le moment. Ce n’était pas elle qui siégeait sur le trône, c’était Mary, elle se devait donc de la servir et de lui obéir. Cependant, Elizabeth n’était pas prête à perdre sa vie, même si au fond de son cœur ses convictions étaient tout autre que celles de sa sœur, elle ferait en sorte de se préserver et qui sait, peut-être un jour monter sur le trône. Beaucoup doutés à ce que Mary donne un héritier à l’Angleterre, à trente-sept ans, elle n’était pas mariée et même si elle le serait bientôt d’après les rumeurs, ses chances de concevoir un enfant seraient maigres. Elizabeth avait donc toutes ses chances, puisqu’elle était son héritière. De plus, Mary ne pouvait pas renier pour sa sœur le testament qui l’avait mise sur le trône. La phrase du baron la fit beaucoup sourire, tous deux, ils se comprenaient, ils se devaient, pour survivre de commettre des choses qu’ils n’aimaient pas et qui allaient à l’encontre de leur honneur. Maintenant, elle se sentait plus proche de cet homme que certains jugeaient impitoyablement fou, alors que pour le moment c’était l’homme le plus censé qu’elle rencontrait.

« Comme je vous comprends, parfois, il vaut mieux sauver nos vies et attendre des jours meilleurs pour montrer qui nous sommes vraiment. Il vaut donc mieux se montrer sage et se plier aux ordres qui viennent d’en haut. Mais bon, il semblerait que pour certaines personnes rien ne changera, malgré nos efforts nous serons toujours des hérétiques à leurs yeux. »

Comme Mary par exemple. Malgré tous les efforts qu’Elizabeth pourrait faire, elle serait toujours à ses yeux l’ennemie numéro un et cela rien ne pourrait le faire changer, pas même la bonne volonté.

Elizabeth était une de mes amies, et je n'en avais pas tant que ça. La vie est ainsi faites, je suis quelqu'un d’extravagant qui ne plait pas à tout le monde. Si jamais on vous voyait à côté de moi, votre vie pourrait en être changée selon certains. Enfin, quand je dis ça, j'exagère peut être un petit peu, mais c'est tout comme. Je ne suis pas forcément quelqu'un de très fréquentable, surtout parce qu'on me prends pour plus fou que je ne le suis vraiment. Si j'agis bizarrement, tout est en réalité calculé, même si vous n'y croyez pas. Ma venue à l'Abbaye n'était pas un hasard si grand que ça, ne vous en déplaise. Et puis, j'avais pu voir une amie, ce n'était pas si souvent que cela, mais avec le règne de Mary, elle resterait sans doute encore quelques temps parmi nous même si nous ne nous verrions pas plus souvent, du moins pouvoir parler de cette façon. En effet, il y a bien des personnes que je vois souvent, que je croise mais que finalement je ne connais pas, ou presque pas, ils font justes partie du paysage. Parfois ils sont là pour l'embellir mais parfois c'est le contraire, mais cela ne me fait ni chaud, ni froid, après tout ce n'est pas très important. Elizabeth était véritablement surveiller de prêt par ici, contrairement à moi qui pouvait presque faire ce que je voulais, cela devait lui peser, alors je lui demandais si elle ne pouvait pas s'extraire de ce carcan qui était là autour d'elle. Elle semblait être habituée, presque résignée à cela comme si cela avait été toujours le cas, elle ne pouvait pas faire preuve d'indépendance vis à vis de son statut si particulier. Je n'étais qu'un simple baron, un petit noble, rien de plus contrairement à elle. Elle me répondit donc que c'était commun qu'elle soit surveillée. Je la croyais sur parole, même si sa garde là n'était pas trop rapprochée et qu'elle nous permettait de parler plutôt librement dans un lieu comme celui-ci, presque un paradoxe. Ainsi, avec ce qui se passait, le couronnement proche de Mary, elle ne pourrait revenir dans son calme avant un moment.

" Oui, je vous comprends, j'espère qu'il ne se passera rien de mauvais en tout cas. Vous méritez une certaine liberté, ce n'est pas une vie convenable que de vivre ainsi. Enfin, vous avez à manger, à boire, ce n'est pas si mal que ça en y réfléchissant un peu, c'est mieux que beaucoup de personne. "

Oui, même si sa situation était difficile, elle n'était pas la pire dans tout le royaume, n'est ce pas ? Il fallait qu'elle prenne son mal en patience, même si pour ça, elle devrait attendre plusieurs mois, voire plus. De toute façon, n'était-elle pas l'héritière du trône ? Mary était à présent une vieille peau, elle avait presque 40 ans si je ne m'abuse, ces chances de concevoir un enfant étaient infimes. Et encore, si elle réussissait cela, il fallait que ce soit un homme pour le meilleur, même si elle se contenterait d'une fille. Elizabeth pourrait nourrir une certaine rancoeur contre elle, mais elle n'avait nullement l'âme belliqueuse contrairement à beaucoup de personnes c'était tout à son honneur. Je ne sais pas ce que je ressentirais si j'étais à sa place, mais la question ne se posait pas vraiment, puisque je ne serais jamais à sa place. Elle m'avait donc demandé pourquoi j'étais ici, et je lui avais répondu franchement, je savais que je pouvais le faire, mais je n'aurais pas dit cela à tout le monde, c'était une certitude. Je lui retournais en quelques sortes la question et elle semblait d'accord avec moi vu son sourire. Ce qu'elle disait sonnait très bien à mes oreilles.

" Oui, il est difficile de faire changer les gens quand ils sont habitués à nous voir d'un certain point de vue, je sais de quoi je parle. Beaucoup pense que je suis fou, mais je ne suis pas plus fou que la majorité des personnes ici présentes. Mais la réputation est là, et jamais je ne pourrais la changer, comme pour vous. C'est bien dommage ... "

La majorité de la population me pensait fou. Ce n'était pas la tenue haute en couleur que je portais là, en l'instant qui les ferrait changé d'avis, mais l'avis des autres n'était pas si important que ça pour moi, du moment que je pouvais vivre ma vie.

Sous les regards de marbre des anciens de ce pays, la rencontre entre un fou et une princesse déchue ne pouvait que paraître étrange. D’ailleurs, Elizabeth avait pu remarquer certains regards qu’on lui lançait en raison de sa conversation avec Nicholas Smith. Elle imaginait bien ces gardes vouloir être transformé en des fourmis pour pouvoir écouter cette même conversation. Même si elle était concentrée dans cette rencontre, elle ne cessait de jeter des regards à droite ou à gauche pour voir qui la surveillait et quelle menace pouvait peser sur elle. La rousse était une menace pour la reine, pour la couronne et donc pour l’Angleterre. On la voyait comme un insecte dangereux ou un animal à enfermer tout de suite dans une cage bien scellé. Sa vie était de toute façon une cage, une prison dorée, dont elle ne pouvait sortir. Mary la détestait, cela la jeune femme le savait, tout cela venait du passé et des actions de ses parents. Elizabeth ne pouvait qu’imaginer la joie que Mary avait dû ressentir en sachant qu’elle était une fille et encore plus sa jouissance quand sa mère fut mise à mort. Pour Mary, elle était le reflet d’Anne Boleyn, une ombre d’autant plus dangereuse qu’elle était fille de roi et qu’elle avait été reconnue par son père dans son testament. Pour son ainée, Elizabeth avait tous les défauts, elle ne partageait pas la même religion qu’elle, elle était jeune et le camp protestant misait ses espoirs sur ses frêles épaules. A croire que Mary imaginait qu’elle allait lui planter un poignard dans le dos durant son sommeil. Pour la bâtarde, c’était tout bonnement ridicule, elle respectait beaucoup sa sœur et jamais elle ne voudrait lui porter atteinte.

« Je vous remercie de votre sollicitude Nicholas, savoir que j’ai encore quelques soutiens en ce monde me remplit de joie. » Débuta-t-elle avant de continuer. « Oui ma situation n’est pas à plaindre, je suis dans une prison, mais une prison dorée, d’autres, n’ont pas de toit, ni de quoi manger. »

Savoir que Nicholas la soutenait comme d’autres personnalités comblé de joie la jeune femme, elle se sentait bien moins seule en ce monde, alors que bon nombre de ses amis avaient disparus. Autrefois, on lui avait arraché sa chère Kat, celle qui l’avait tant aidé dans la vie. Puis Edouard avait quitté ce monde, il y avait eu aussi Catherine Parr, sa douce belle-mère qui était morte en couche. Un à un, elle avait fini par perdre ses proches, tout comme ses cousins Boleyn qu’elle ne pouvait voir comme elle le désirait. Son univers était solitaire et Elizabeth ne pouvait que subir et attendre l’arrivée de jours meilleurs.

« Croyez-moi Nicholas, pour moi vous n’êtes pas fou, certaines personnes sont bien plus folles et dangereuses, prêtent à inventer des mensonges qui conduisent des personnes à la mort. Pour moi, ce sont eux les fous. »

Elle avait déjà entendu parler de la sombre réputation de cet homme, mais jamais elle n’avait pu voir quelque chose, un geste, ou entendre une parole qui puisse lui faire croire que Nicholas était un sombre fou. Les personnes qui le disaient, devaient probablement être des fous ou bien être de sombre jaloux. En tout cas, si jamais quelque chose arrivait à Nicholas, elle serait la première à le défendre. Les amis valaient plus que de l’or et il était important de les garder à ses côtés.

Tout cela paraîtrait presque étrange mais pour moi, ce sont les autres qui sont finalement bien étrange à me voir comme un fou, comme quelqu'un qui n'a rien à faire de la bienséance. Certes, j'ai des idées tranchantes, un opinion bien arrêté, des habitudes que tout le monde ne peut aimer vraiment, mais je ne suis pas comme on veut bien le dire. Cela tombe bien, je n'ai que faire des avis des autres, du moins de la majorité. Je vis ma vis comme je l'entends, pas besoin de plus. Je parlais avec Elizabeth, une conversation qui ne pouvais évidemment pas tomber dans l'oreille de n'importe qui. Nous parlions normalement, sans éclats de voix, mais pas trop fort non plus. Je sentais des regards inquisiteurs sur ma petite personne, ainsi que sur ma compatriote, il faut dire que notre duo n'était pas comique, mais très insolite, voilà tout. Comment pouvait-elle se permettre de me parler ? C'était simple, nous étions amis, et nous parlions simplement comme tel, rien de plus. Nos vies respectives n'avaient rien de simples malheureusement mais que pouvions nous y faire ? Il y a des évènements qui se produisent, qui sont plus fort que notre volonté et notre bon vouloir. Je ne sais pas comment se passeront les choses dans le futur, mais à présent, nous ne pouvions faire guère plus. La situation d'Elizabeth n'était pas la meilleure, mais il y avait bien pire, n'est ce pas ? Je le lui disait et elle me le confirmait. Certaines personnes sont à la rue, n'ayant pas de quoi se nourrir, se vêtir convenablement alors que finalement, ce sont là des choses essentielles à notre survie. Mais que faire pour lutter contre la pauvreté ? Cela ne résoudrait rien si nous donnions à manger et à boire aux pauvres sans que ceux-ci ne fassent rien. Ce ne serait pas les aider que d'agir ainsi. J'avais une petite fortune, pourtant, je ne m'amusais pas à la dilapider.

" Si je peux faire cela alors je m'en réjouis. Nos situations ont des avantages, quelques uns, mais énormément d'inconvénients aussi. Il faut essayé de voir le meilleur et de rester positif, voilà tout. "

Oui, c'est ce que j'essayais de faire et elle aussi puisqu'elle pensait que je n'étais pas un fou comme bon nombre de personnes le pensait. Elle m'expliqua alors ce qu'elle pensait des personnes véritablement folles, et j'aimais grandement sa façon de voir. Oui, les personnes qui inventent des mensonges plus gros qu'elles sont folles.

" Oui, ces personnes sont folles, tout cela pour bien se faire voir aux yeux de ceux qui ont le pouvoir, ou pour éliminer des personnes amicales qui pourraient leur barrer la route. Je ne comprendrais jamais ces envies. C'est effectivement de la pure folie, mais qui est là pour s'en rendre compte ? "

Personne, j'en avais bien peur. En tout cas, je savais compter sur Miss Tudor en cas de besoin. La réciproque était également vraie ! Je n'avais pas tellement d'amis dans ce monde, mais la bâtarde en faisait partie. Elle avait choisi le bon camp !

« J’aime votre philosophie baron, je suivrais vos conseils avisés, après tout je n’ai aucunement le droit de me plaindre, je dors dans un lit et j’ai a mangé, contrairement à beaucoup de monde dans ce royaume. » Disait-elle sur un ton humble.

Si un jour Elizabeth était reine, elle ne savait pas si elle s’occuperait assidument des bonnes œuvres, mais elle ferait toujours en sorte d’être une bonne reine et de prendre soin de son royaume. Anglaise jusqu’au bout des ongles, elle tenait aux valeurs de son pays et à l’héritage de son père. Elle le savait, si un jour, elle portait la couronne, elle reprendrait en main, cet héritage pour mieux le faire fructifier. L’Angleterre avait baigné de le protestantisme, mais elle ne semblait pas encore prête à se détourner de l’égide du pape, la preuve était le règne de Mary Ière. Sa sœur avait su remettre sans imposer à son peuple le catholicisme, cela prouvait bien que le peuple anglais était attaché à ses anciennes valeurs. Cependant, le peuple était inconstant, certains avaient peut-être protesté à l’arrivée de la réforme, mais Henry VIII avait su s’imposer et les anglais étaient devenus des réformistes. Le titre des rois de chef de l’Eglise d’Angleterre en était le symbole. La jeune femme savait que c’était sa mère qui avait conduit le pays à ses changements, tout le monde disait qu’elle avait conduit le vent de la réforme, en présentant ses nombreux arguments aux rois. Pourtant, beaucoup de protestants oubliaient qu’ils devaient tout à sa génitrice. La bâtarde se doutait bien que Mary prendrait un autre virage dans peu de temps. Une fois qu’elle serait sacrée, elle pourrait prendre en main son destin et se venger des protestants. Elizabeth le sentait, bientôt des buchés brûleront sur toutes les places de la ville.

« Rien ne peut arrêter les ambitieux. Dernièrement, j’ai appris qu’on souhaitait me fiancer avec un cousin, je me doute bien que c’est pour renverser ma sœur de son trône et de placer ce fameux cousin en tant que roi. Je me demande combien de personne ont pu mourir pour une couronne. » Ajoutait-elle pensive.

Et elle ? Que ferait-elle pour porter un jour la couronne anglaise ? Serait-elle capable de tuer et d’éliminer ses ennemis ? Probablement, elle était une Tudor et ce genre d’action, elle les avait dans le sang. Son père avait assassiné bon nombre de ses amis et de ses ennemis pour conserver sa couronne. Beaucoup le disait fou, mais il était surtout un grand homme. Pourtant, de son règne personne ne pourrait effacer du tableau les traces de ses six épouses.

Je ne savais pas vraiment si mes conseils étaient si avisés que cela, du moins, je les trouvais ainsi mais tout le monde n'en dirait pas autant, c'était une certitude. Pourtant, elle ne semblait pas me dire ça pour me faire plaisir, elle semblait être tout à fait sincère. J'essayais de voir le meilleur en chacun de nous, mais parfois les lacunes semblaient être trop importantes pour faire briller les qualités des personnes. Enfin bon, nous trouvions toujours à nous plaindre, car d'un côté notre situation n'est pas forcément enviable mais nous n'étions pas les plus mal lotis. La population vivait bien souvent avec moins que ce que nous possédions, elle comme moi. Je n'enviais pas leur vie, j'avais un minimum de confort et ça me convenait à merveille. Pourtant, j'aimais m'amuser à les côtoyer par moment. Chaque année, il y avait la fête des moissons, et bien souvent je m'y rendais pour m'amuser avec ces gens de la basse populasse.

" Et oui, ces choses que nous aimons et trouvons normal ne sont pas la panacée de tous dans ce royaume, la vie est parfois mal faites, c'est pour cela que nous devrions réfléchir à nos paroles, car des gens meurent de faim ce qui n'est pas vraiment notre cas. "

Le Royaume n'était pas le plus pauvre qui soit, mais voilà, quand on regarde les extrêmes, les plus riches sont de plus en plus riches, et les pauvres de plus en plus pauvres. Il n'y avait pas vraiment de monde entre ces extrêmes, même si certains commerçants n'étaient ni riches, ni pauvre, du moins en apparence. Nous parlions ensuite de folie, elle me disait que je n'étais pas fou, mais qu'est ce qu'être fou ? Je lui disais que certaines personnes étaient prêtes à tout pour se faire bien voir, pour avoir un bout de couronnes par exemple. Elle semblait terriblement d'accord avec moi faisant un constat fataliste mais finalement réaliste. L'ambitieux était capable de tout dans ce royaume, du meilleur comme du pire. Il y avait du y avoir de nombreuses morts inutiles au fil du temps. Mais nous n'étions même pas au courant de la moitié sans doute, quelle tristesse. Apparemment, on souhaitait la marier à un cousin, sans doute pour qu'elle puisse mettre au monde et avoir une descendance.

" Un cousin ? Cela est une bien triste idée, mais malheureusement, je suis pas certains que vous ayez votre mot à dire sur ce mariage. En tout cas, il y a bien des choses que nous ne connaissons pas, parfois des personnes disparaissent sans que nous nous en rendions vraiment compte ... Sont-elles mortes ou simplement partis voir ailleurs si l'herbe était plus verte ? Ceci n'est sans doute pas bon à savoir parfois. "

Je ne savais pas si elle saisirait la portée de mes paroles, mais parfois des personnes qui sont proches du pouvoir disparaissent sans laisser de traces apparentes. Sont-elles mortes ? Sont-elle parties ailleurs ? On ne sait pas, et c'est peut être mieux ainsi.  

Le monde ne se referait pas en un jour et même si un jour elle venait à gouverner l’Angleterre, elle ne pourrait pas le refaire et donner à tout le monde son pain et leur trouver un lit. Quel roi, quelle reine pourrait le faire ? Donner le pouvoir entre les mains d’un homme ou d’une femme et celui-ci serait une personne bien différente. Par chance, c’était Mary qui avait le trône, si un jour, Dieu permettait à Elizabeth d’être une reine, elle aurait eu le temps avant d’en apprendre un peu plus sur cette tâche si convoitée, mais si compliquée. Elle enviait sa sœur qui en peu de temps avait ralliée le peuple à sa cause et conduit l’Angleterre à déchoir leur cousine Jane Grey. Mary avait su organiser le gouvernement, malheureusement Elizabeth pensait qu’elle avait fait un mauvais choix en prenant des espagnols comme ses conseillers. Simon Renard, la rousse se méfiait de cet homme de l’empereur comme la peste. D’ailleurs, elle n’aimait pas l’empereur Charles Quint, comme son père avant elle, cet homme trop puissant l’inquiétait, il pourrait très bien mettre le pays de la rose à ses pieds et cela, elle ne pouvait le concevoir. Le jeune femme se sentait impuissante face à cette situation dangereuse dont elle était aussi la victime, et si les espagnols arrivaient à convaincre Mary de l’envoyer au billot comme elle l’avait fait avec John Dudley et ses ennemis.

« Malheureusement, même avec toutes les bonnes intentions du monde, nous ne pourrons changer les choses, nous vivrons toujours dans l’opulence et le peuple dans la misère. » Disait la jeune femme, tout en se postant devant une statue de la Vierge Marie.

Jouer la comédie, Elizabeth le faisait jusqu’au bout, tout en entamant une petite prière à l’intention de cette Vierge Marie qu’elle ne connaissait pas. Les protestants ne reconnaissaient pas la Vierge dans leurs prières. Elle fit durer quelques courtes minutes ses prières avant de reprendre son chemin dans l’abbaye en compagnie de Nicholas. La bâtarde se demandait bien si l’homme croyait en quelque chose. Beaucoup de monde parlait à propos de cet intriguant baron, surtout son cousin John Foster, cet homme envieux qui ferait n’importe quoi pour glaner un peu plus de terres et de titres. Elizabeth détestait cet homme et elle s’en méfiait, même s’il pouvait avoir beaucoup de valeur, il n’était pas digne de confiance.

« Je ne pense pas que le reine sera favorable à ce mariage, par chance, je pourrais y échapper. » Répondit-elle au baron. « Oui vous avez raison, il ne vaut mieux pas avoir de réponses à ses questions, cela apporterait bien trop de malheurs dans nos vies à tous.

Si Elizabeth était la reine, sans doute qu'elle essayerait de faire bouger les choses dans le bon sens mais vous savez, Rome ne s'est pas construite en un jour comme certains disent. Un Royaume ne peut pas changer non plus en un laps de temps trop court non plus. De toute façon, je ne pense qu'être un souverain ou une souveraine est véritablement une chose enviable. Je ne me posais pas trop la question, je savais que cela ne serait jamais mon cas, mais quand je dis jamais c'était véritablement dans cette veine là, j'étais noble mais dans la petite noblesse, bien loin de pouvoir prétendre à un quelconque trône. Elle aurait peut être cette possibilité un jour d'en avoir un, libre à elle de changer le monde ou pas. Elle me dit alors une chose qui était bien vraie, mais que pouvais-je dire de plus par rapport à cela ? Je ne rajouterais rien, nous avions fait le tour de la question. La jeune femme se posta alors devant la statue de la mère de Jésus. Elle sembla faire un simili de prière avant sans que je ne dise rien de plus. Je n'avais pas envie de prier, du moins pas pour le moment. Je lui tenais compagnie comme j'aurais pu le faire avec presque n'importe qui, mais elle le méritait. Elle avait tout mon respect, et jamais je ne pourrais la blâmer. D'ailleurs, son anniversaire de naissance n'était pas dans très longtemps. Je ne sais pas si j'étais pleinement convié, mais j'avais déjà dans l'idée de lui faire un cadeau : un chapeau effilé, quelques choses de féminin qu'elle porterait à sa guise, ou qu'elle laisserait simplement en décoration. Puis elle me parla qu'on désirait la marier à un cousin, mais apparemment la reine ne serait pas favorable à cela, et elle pourrait y échapper. Cela était quand même fou que des personnes montent des stratagèmes comme ceux-ci pour essayé d'avoir un peu de faveur auprès de certaines personnes, ou pour obtenir plus d'influence, ou plus de terre pour pouvoir se vanter de bien des choses. Je n'étais pas tellement du genre à vouloir me vanter de tout ce que je possédais. Ma richesse était assez importante pour me permettre d'acheter du tissu, du fusain et d'autres artifices pour faire chapeaux et dessins.

" Cela serait préférable pour vous que de vous retrouvez coincée dans un mariage sans amour. Mais j'y pense. Votre anniversaire arrive prochainement si je ne m'abuse. Vous allez organiser une petite réception ? "

Ce n'était pas une manière cavalière de me faire inviter, non, non. Je ne savais pas si j'étais invité, je ne voudrais pas lui faire préjudice, mais même si je n'étais pas convié, je lui offrirais un petit cadeau, cela serait la moindre des choses, non ?

Son anniversaire, Elizabeth n’y pensait même plus en ce moment, alors que les préparatifs étaient en cour, même si l’évènement n’était que pour septembre, le temps d’envoyer les invitations et de tout préparer, tout cela arriverait bien vite. L’évènement, même s’il était là pour apaiser les tensions, sera bien sûr contrôlé par la reine et ses disciples, la jeune femme en était presque certaine. Elle espérait tout de même que les membres de sa famille maternelle seraient conviés, elle les aimait tant. Anne lui manquait énormément, même si elle avait pu la voir une fois depuis son retour à Londres, Henry avait pu venir au palais pour la prévenir des dangers qu’elle risquait et surtout de son possible mariage avec Emmanuel-Philibert de Savoie, rien que de prononcer ce nom, elle en avait la nausée. Pour ce qui était de Catherine, elle ne l’avait plus vue depuis fort longtemps, mais elle la comprenait, elle ait de nombreux enfants à charge et son mari s’était exilé en dehors du pays, cela ne devait pas être facile pour elle tous les jours. Si elle le pouvait, elle aiderait cette cousine si chère à son cœur, mais que pouvait-elle faire aujourd’hui ? Elle n’était qu’une bâtarde sans pouvoir, certes aimait du peuple, mais une bâtarde tout de même. L’arrivée sur le trône de Mary n’avait vraiment pas aidé sa famille, qui se retrouvait maintenant autant en danger qu’elle. Elizabeth tenterait tout de même de les inviter pour son anniversaire en priant pour leur venue, même si elle ne croyait pas vraiment en cela.

« Oui il approche, nous sommes en train de l’organiser, tout comme le couronnement. D’ailleurs, vous recevrez sous peu un carton d’invitation, j’espère pouvoir compter sur votre bonne humeur pour égayer cette petite fête. » Disait la jeune lady à l’intention du baron.

Les suivantes d’Elizabeth se trouvaient toujours non loin de là, l’attendant pour se rendre dans l’une des petites chapelles privées, pour la famille royale de l’abbaye de Westminster. La rousse savait déjà à l’avance que ces femmes rapporteraient son entretien avec le baron de Burrington, elle ne devrait peut-être pas le prolonger plus longtemps, pour aller vaquer à ses devoirs de sœurs de la reine. Mary voulait faire d’elle une bonne catholique et Elizabeth ne voulait pas lui donner la preuve qu’elle était une réformée confirmée. Jamais elle ne dirait mot, comme à son habitude, elle gardait toujours tout pour elle.

« Monsieur le baron, ça a été un plaisir pour moi de vous rencontrer en ce lieu, malheureusement je dois faire mon devoir auprès de Dieu. J’espère vous voir à mon anniversaire. » Murmura-t-elle pour ne pas se faire entendre.

La jeune femme inclina légèrement la tête et quitta la présence joyeuse de cet homme un peu fou, mais si distrayant à ses yeux. Sa présence n’était peut-être pas appréciée de tous, voilà pourquoi, elle comptait le recevoir le jour de son anniversaire. En compagnie de ses dames d’honneur, Elizabeth se rendit jusqu’à une petite chapelle et elle s’agenouilla devant un croix du Christ pour faire son devoir de bonne catholique.