La pluie battait sur le sol londonien, attirant de toute évidence tout le monde dans les abris et le Flying Dutchman n’était pas à l’écart de ce phénomène. Constance allait et venait entre les tables, dans la taverne qui était très animée en ce jour. Elle aimait la foule, elle aimait l’ambiance de ce lieu qui était presque le sien. Louis Fontaine le patron servait ses clients et donnait les ordres à ses employés pour mieux organiser l’affluence qu’il y avait dans la taverne. Tantôt Constance servait des bières à des marins, qui venaient de contrer lointaine, d’autres moments à des hommes esseulés qui voulaient gaspiller leur argent dans l’alcool. Au fond de la taverne, plusieurs musiciens donnaient de l’ambiance avec de la musique très campagnarde. C’était des musiciens ambulants, d’après ce qu’elle avait entendu dire, qui allaient de ville en ville et de domaine en domaine. C’était la première fois que la jeune serveuse les voyait ici et elle était ravie de les entendre. Beaucoup avait trop bu, mais pour Louis ce n’était pas une raison pour empêcher les gens de boire, ce qui comptait pour lui, c’était de les ruiner en alcool et cette optique faisait beaucoup rire la jeune femme. Parfois, Constance s’arrêtait pour écouter les récits de certains hommes, à leur demande. A d’autres, elle ne se gênait pas à mettre des coups quand ils avaient les mains trop baladeuses. La jeune femme détestait les hommes trop entreprenants, mais elle le savait, à chaque soirée comme celle-ci, elle avait le droit à des propositions indécentes. Bien souvent, avec humour, elle indiquait à ces hommes le RedLantern et beaucoup suivaient son conseil. Mary-Ann Paton devait être heureuse de la clientèle qu’elle lui amenait. Peut-être devrait-elle lui demander un petit pourcentage pour les clients qu’elle lui rapportait. Non, elle ne ferait jamais ça, Mary-Ann était une bonne amie qui lui avait tant apporté, elle pouvait bien lui faire ça.

La soirée continua ainsi jusque tard dans la nuit et comme à son habitude, Louis renvoya les derniers saoulards avant de fermer la taverne. La pluie dehors s’était calmée et la nuit était plus belle que jamais, malgré le froid de novembre qui s’abattait. Constance qui aimait prendre l’air, après une journée harassante de travail sortit dans le Londres de la nuit, qui pouvait être dangereux pour une jeune femme. Cependant, Constance en avait vu d’autres pendant sa vie de fugueuse, elle n’avait plus peur de rien et ne sortait jamais sans un poignard, elle tenait serrée dans une lanière autour de sa jambe. Ainsi, en cas de danger, elle saurait se défendre. Le Londres de la nuit, c’était celui des gens étranges, des fous, des esseulés, des prostitués, des comploteurs, cet univers était intriguant et Constance l’appréciait beaucoup. Elle avait appris à vivre avec la nuit en fuyant, se mêlant à ses personnes, s’inventant une vie, courant mille et un dangers, c’était la belle vie en fait. Voilà peut-être pourquoi, elle avait accepté d’être serveuse dans une taverne, ainsi elle côtoyait les gens qu’elle retrouvait la nuit. Elle pouvait sembler être folle, mais non, elle aimait la liberté et la nuit, tous les chats sont gris comme disent les vieilles femmes.

Constance déambula sur le port, ses épaules entourées d’une lourde cape bien chaude, elle prenait garde à ne pas attraper froid, cela serait idiot maintenant qu’elle avait une vie plus descente. Comme toujours dans ces moments-là, elle repensait à sa douce mère, celle qui était partie trop tôt, mais aussi à son père, qu’elle ne connaissait plus. Elle avait vécu loin de lui pendant toutes ces années et se demandait bien si un jour le destin le mettrait à nouveau sur son chemin. Pas qu’elle le souhaita, mais elle aimerait bien savoir s’il était toujours en vie ou pas. Si c’était le cas, elle ne regretterait pas de ne pas lui avoir accordée un dernier adieu, pour elle et pour toutes les vies qu’il avait ôté, il ne le méritait pas. Prise dans ses pensées et à son retour vers la taverne, la jeune femme s’aperçut de la présence de l’une de ses connaissances en face de la taverne. Cette dernière semblait admirer les bateaux sur le port.

« Anna, que fais-tu ici aussi tard dans la nuit ? » Demanda Constance, un air soucieux au visage.

Constance était étonnée de voir son amie aussi tard dans la nuit, elle devait probablement avoir des soucis pour avoir quitté la sécurité de son logement pour les dangers des ténèbres. La jeune serveuse d’y connaissait, les vols la nuit étaient nombreux, combien de personnes apeurées et étrangères venaient au Flying Dutchman chercher conseils après la disparition de leurs bourses d’argent. Les voleurs pouvaient se montrer cruels et Constance parlait en connaissance de cause, puisqu’elle avait souvent volé pour pouvoir survivre. Que ça soit les riches ou sinon un petit commerçant, la serveuse pillait n’importe qui, des pommes, du pain, d’autres fruits, tout ce qu’elle pouvait pour assouvir la faim qui tenaillait souvent son corps. La sensation de faim, elle la détestait particulièrement, puisque pour elle, c’était un synonyme de peur et de mort. Beaucoup mourrait de faim durant les sombres hivers que connaissaient le pays et cela, elle l’avait vu de ses propres yeux, sans jamais rien pouvoir faire. Dans la rue, c’était chacun pour soi et pour sa survie. Aujourd’hui, elle ne regrettait rien, puisqu’elle l’avait fait pour ne pas mourir, ce qui était normal, qui désirait mourir, alors que la vie se trouvait à portée de main ? Personne ! Ses choix, elle les assumait et de toute façon, les personnes qu’elle avait pu voler, l’avaient bien vite oublié. Cependant, la petite voleuse s’était vite rachetée une conduite en devenant serveuse au Flying Dutchman, tout ce qu’elle avait, elle le devait à Louis son patron et à nulle autre personne. Il s’était comporté comme un protecteur envers elle et il ne lui avait pas tenu rigueur de son passé. Même s’il pouvait parfois être rude, elle l’adorait puisque au fond de lui, Louis était un homme bon, mais qui cachait un bien lourd secret, d’après ses nombreux changements d’humeur.
Constance se trouvait maintenant face à Anna Danford qui semblait avoir passée une mauvaise journée d’après ses dires. La petite brune était piquée par la curiosité, mais n’osa pas en demander plus tout de suite, après tout ça serait malpolie.

« Si tu as besoin de me parler, n’hésites pas Anna, toute façon je ne suis pas fatiguée, c’est pour ça que je sors souvent au soir. » Disait la jeune fille avec un sourire enjouée aux lèvres.

Constance était ainsi, toujours enjouée et toujours là pour rendre le sourire aux personnes qu’elle aimait, il était rare qu’elle détesta quelqu’un, à part son père bien sûr, mais ça c’était une chose à part. En tout cas, elle ne devait pas avoir d’ennemi, en tout cas en tant que Constance la serveuse, puisque si jamais un jour quelqu’un apprenait qu’elle était une fille de bourreau, elle ne donnait pas chère à sa peau malheureusement. Voilà pourquoi elle détestait son père, pour devoir vivre dans le secret par sa faute. Elle ne méritait pas ces mensonges. Anna semblait avoir envie d’un petit remontant et Constance ne pouvait vraiment pas lui refuser ça. De toute façon, si elle faisait entrer son amie dans la taverne pour qu’elles puissent toutes les deux parler ensemble, il ne lui en voudrait pas. Tant qu’elle ne gaspillait pas l’alcool, il n’était pas contraignant.

« Il n’est jamais trop tard au Flying Dutchman. Louis a fermé plus tôt ce soir, il craignait les débordements. Mais ne t’inquiètes pas, on va pouvoir boire un verre ensemble. » Répondit Constance tout en attrapant la main d’Anna et la conduisant vers la taverne.

Les deux jeunes femmes passèrent par la porte de derrière, elle qui était utilisé par ceux qui travaillaient dans la taverne, puis elles rejoignirent la salle qui était vide. La petite brune alluma plusieurs bougies sur le comptoir et servi deux chopines de bière, d’après Louis, c’était la meilleure d’Angleterre. Enfin, c’était ce qu’il aimait croire.

« Alors, racontes moi tout Anna. » Disait la jeune femme, tout en encourageant la blonde.

Doux refuge qu’était la nuit, mais aussi triste et funeste. La nuit apportait son lot d’horreur et de peur, combien d’histoire horrible pouvait-elle entendre sur les marchés ou même à la taverne. Meurtres, vols, viols, les méfaits étaient nombreux, surtout dans une ville telle que Londres. Ce n’était même pas la peine d’évoquer les disparitions, elles étaient si nombreuses, qu’on en venait à s’y habituer, à force d’entendre parler de ce genre d’histoire. C’était surtout les enfants qui avaient tendance à disparaître. Ceux-ci traînaient dans les rues, tandis que les parents travaillaient et beaucoup n’avait point de repère, la vie était donc dure pour eux et quand une personne mal attentionnée venait à leur proposer un travail loin, ils acceptaient, les yeux brillants des rêves qu’on leur promettait. La ville était triste et mortelle, mais aussi pleine de vie, l’on y croisait du monde, même si toutes les personnes n’étaient pas celles qu’on voudrait croiser. En ouvrant la taverne de Louis, Constance apportait un petit refuge et un peu de repos à la jolie Anna, mais surtout une oreille à l’écoute de tous.

« Jamais tu ne m’importuneras, tant qu’on ne fait pas de bruit et que Louis peut dormir sur ses deux oreilles tout est parfait. » Répondit la jeune femme tout en désignant l’étage d’un signe de tête.

Il était difficile d’imaginer que Louis Fontaine était un patron sympathique avec ses employés et pourtant c’était le cas, même sous ses airs de chat en colère, il était doux comme le pain et laissait de la liberté à ses employés. D’ailleurs, c’était grâce à lui que Constance avait pu se rendre à la foire des moissons ! Juste après la fermeture du bar, le patron avait pour habitude, soit de s’enfermer dans sa chambre pour s’isoler, sinon il sortait et comme là, elle ne l’avait pas vu franchir le pas de la porte, il devait être à l’étage. Il ne serait pas en colère de toute façon, si elle emmenait quelqu’un dans le bar, surtout si c’était une demoiselle en peine. Surtout qu’Anna, écossaise de son état ne semblait pas aller bien, son sourire était figé, elle paraissait perdue. Tandis que la petite brune servait deux verres d’alcool, la blonde lui avoua qu’elle sentait un vide en elle, qu’une personne lui manquait. Constance ne pouvait que la comprendre, depuis sa fugue, elle avait toujours ressenti cela à propos de son père qu’elle avait abandonné pour ses secrets. Elle ressentait énormément de frustration avec tout cela, mais aussi de la peine pour sa mère qui ne devait sûrement, là où elle était, pas être très fière de sa fille. Autrefois, ils avaient toujours été unis, même quand Hans n’avait pas de travail et quand il en avait retrouvé, tout semblait aller mieux, mais il y avait eu ce secret, cette chose inavouable pour n’importe quoi en ce monde.

« Tu sais qui pourrais te manquer à ce point et provoquer ce vide en toi ? » Demanda la jeune femme, tout en fronçant légèrement les sourcils.

Peut-être que la jeune femme avait laissé quelqu’un derrière elle en Ecosse et que c’était pour cela, qu’elle se sentait si triste. Cela pouvait être aussi le mal du pays. Durant ses voyages à travers le pays, Constance s’était souvent sentie perdue loin de sa chère Londres, cette ville qui l’avait vu grandir. Les paysages avaient beau être magnifique, la capitale et son effervescence lui manquait, si bien, qu’elle revenait toujours de temps en temps en ville, même en prenant le risque de croiser un jour son père. Même si elle rêvait parfois de monter dans l’un des nombreux bateaux du port, elle savait que ses origines allaient lui manquer, après tout, on était londonien, ou on ne l’était pas.

Ce qui est bien avec les amie c'est qu'on peut souvent voir toujours compter sur eux dans les moments de doutes, dans les moments ou ça ne va pas comme ça n'allait pas ce soir pour Anna. La blonde était contente d'avoir une amie comme Constance. En Écosse elle n'avait pas cette chance, tout le monde préférait l'éviter et même l'ignorer. On lui parlait parce qu'on le devait, par courtoisie, mais pas par amitié. Ici c'était très différent on la considérait avant tout comme une personne, pas comme un titre. Ne pas faire de bruit ne serait pas un problème pour la jeune femme, elle a toujours été très discrète alors ça ne risquait rien.


« Bien sûr, ça ne risque pas d'être bruyant avec moi, je suis plutôt quelqu'un de discret comme tu peux le voir depuis que l'on se connaît.»

Il était vrai qu'on entendait peu parler de la demoiselle, il y a même certaines personnes qui ne la connaissait pas encore. C'était toujours un peu étrange de passer encore pour la nouvelle. Elle s'était pourtant habituée, même cela faisait deux ans qu'elle était arrivée. Ces deux dernières années avaient étés riches en rencontre et ça avait été agréable pour elle de parler à des gens, de se faire des amis. Elle avait aussi son lot d'ennemis, mais c'était plus rare elle préférait éviter les ennuis alors généralement on ne parlait d'elle que en bien. Anna ne connaissait pas très bien le patron de son amie, elle ne venait pas souvent au pub alors forcément elle ne connaissait pas tellement ceux qui y travaillaient, hormis Constance bien sûr, mais elle ne souhaitait pas passer pour une perturbatrice alors elle garderait son calme ce soir et il n'y aurait pas de débordements, ça aurait été étonnant qu'il ait un débordement d'ailleurs, deux amies risquaient fort peu de se disputer, surtout que elles étaient là pour parler et se confier, ça ne risquait pas d'être dérangeant pour le patron de la jolie brune. Anna sourit tristement à la question de son amie, et oui il y avait bien quelqu'un qui lui manquait à ce point. Elle y pensait sans arrêt et c'était horrible de se dire qu'elle l'ait abandonné. Elle entreprit donc d'expliquer à Constance la raison de sa tristesse.

« C'est toujours la même personne, j'ai cette impression de l'avoir abandonner là-bas alors qu'il souhaitait que je reste. »


L'abandon était un sentiment plutôt courant, il faisait remonter en Anna des souvenirs qui la aujourd'hui la rendait nostalgique et elle se demandait si elle ne devait pas retourner chez elle, du moins pour une simple visite, peut-être qu'on la considérerait autrement, cela faisait deux ans après tout qu'elle était partie, peut-être que les gens avaient oubliés qui elle était mais elle avait peur que son père lui fasse un tas de reproche et qu'elle ne puisse plus repartir.

La vie parfois nous contraignait à abandonner un proche, une personne que l’on aimait plus que tout, mais pour des raisons, on était obligé de quitter. Anna, tout comme Constance, avait laissé derrière elle une personne qu’elle chérissait. La jolie serveuse, elle trahie par le mensonge, avait abandonné son père, fuguant à travers les landes anglaises. Son père avait été tout pour elle par le passé, avant la mort de sa mère, elle l’idolâtrait et après la disparition de celle-ci, elle voyait en lui, un être protecteur, qui ferait n’importe quoi pour elle. Apprendre qu’il était un bourreau avait été un choc, et même si elle s’était demandé de nombreuses fois d’où l’argent pouvait venir, jamais elle ne se serait douté, qu’il gagnait sa vie en tuant des Hommes. Certains avaient beau être des criminels, d’autres noms, comme cette pauvre Catherine Howard, qui avait juste péri pour avoir aimé un autre homme que le roi. Le héros qu’était Hans Bennet était devenu à ses yeux un monstre. Elle avait eu du remord au début de partir, mais elle s’était sentie mieux, même si elle se sent toujours attristée par toute cette affaire, elle savait qu’elle ne pourrait pas vivre dans le souvenir honteux du métier de son père.

« Je n’en doute pas Anna et quand bien même qu’on soit ivre morte, il ne dirait rien. On ne le dirait pas comme ça, sous ses airs d’ours, mais Louis est quelqu’un de vraiment gentil. » Chuchota-t-elle n’ayant pas envie que quelqu’un l’entende noyer la réputation de son patron.

Constance avait eu de multiples vies, ça elle ne pouvait pas le nier, on pouvait même dire qu’elle était très instable, femme de chambre un jour pour une maison close, paysanne l’autre pour pouvoir se nourrir et se loger, elle avait fait de nombreuses choses durant sa fugue. Même si elle était jeune à l’époque, elle n’avait jamais eu peur de fuir, d’aller toujours plus loin au-delà des limites. Elle ne regrettait en rien cette vie, même si maintenant, elle aimerait se stabiliser et peut-être enfin se construire une vraie vie. L’idéal pour les femmes avaient toujours été de fonder une vie de famille, Constance n’avait jamais rêvé de ça, mais elle aimerait bien avoir un être à aimer et pourquoi pas avoir des enfants. Elle adorait s’occuper de ceux de son amie Catherine Carey, que ça lui donnait bien envie d’avoir un bout de chou à elle toute seule. Mais pour cela, elle devrait lui trouver un père, elle ne voulait certainement pas priver un enfant de ses deux parents. Si Anna ne se remettait pas d’avoir abandonné un proche en Ecosse, Constance ne pouvait que la comprendre et elle ferait tout pour aider son amie à oublier.

« Tu sais ce que disais ma mère, il faut toujours suivre son destin, le tient était de venir ici et tu as bien fait Anna. En plus, je suis sûre que le destin te remettra un jour en présence de cette personne, en plus, je suis sûre que ton Thomas finira par venir ici. Je suis désolée, mais on ne laisse pas aussi femme aussi belle s’en aller comme ça. Il te trouvera crois-moi et cela sans même que tu t’en aperçoives. » Disait la jeune femme tout en souriant.

Partir avait été une décision difficile à prendre. Ça avait même été la plus difficile de toute, elle avait laissé derrière elle sa famille, son meilleur ami et toute sa vie mais le choix était fait. Là-bas elle n'avait plus sa place, elle ne se sentait plus à l'aise avec les gens qui la regardait de haut. Ici c'était différent, c'était mieux. Elle se sentait beaucoup plus libre et aimait cette liberté. Certains sacrifices sont nécessaires pour accéder au bonheur. Anna avait été prête à faire ses sacrifices mais commençait à regretter son passé. On oublie rarement ces choses là, on vit avec la plupart du temps. Lorsqu'on n'arrive pas à vivre avec alors mieux vaut tout arrêter et repartir à arrière, mais Anna ne pourrait plus retourner là-bas. Elle ne pourrait plus supporter les regards de son père, elle savait qu'elle l'avait déçue et se serait pire que mieux. La demoiselle sourit à Constance. Elle ne connaissait pas bien le patron de l'auberge mais était certaine que ça devait être un homme bien.

« J'en suis certaine. Il n'a pas l'air tellement méchant, enfin je ne le connais pas aussi bien que toi.»

Anna savait que son amie avait eu des moments difficile dans sa vie, que ça n'avait pas été simple tous les jours et pourtant elle relevait tout le temps la tête. Elle admirait vraiment son courage et sa force de vivre et de vaincre. Elle sourit lorsque la brune lui dit qu'elle avait bien fait de venir ici, que Thomas reviendrait vers elle. Elle l'espérait dans le fond, mais le temps se faisait long et il n'était pas revenu depuis plusieurs moi. Il était déjà venu la voir a plusieurs reprises mais jamais n'était resté plus de deux jours. Une sorte de malaise c'était installé entre les deux amis d'enfance sans que la demoiselle ne comprenne ce que c'était.

« Je l'espère. Je n'ose pas insisté pour qu'il vienne. Contrairement à moi il tient à reprendre la suite de son père, ce qui implique qu'il risque d'avoir de grandes responsabilités et c'est ça que j'ai fuis en venant ici alors je suis un peu inquiète de savoir qu'il sera trop occupé pour venir. »

C'était surtout ça qu'elle craignait. Qu'il l'oubli et qu'il ne vienne plus du tout. Qu'être baron lui prenne tout son temps au point de ne plus penser à elle. Elle en serait terriblement peinée.

Dehors, la nuit commençait à venir à bout des noctambules, entre ceux qui quittaient les tavernes et les maisons closes. De l’autre côté des fenêtres Constance pouvait les voir passer dans la nuit sombre, parfois un homme guettait pour voir si le Flying Dutchman était ouvert. A chaque fois, la jeune serveuse s’amusait à cacher les petites lueurs des bougies pour montrer aux passants qu’il n’y avait personne, certains seraient bien capable de tempêter pour pouvoir boire un dernier petit verre. Si cela arrivait, Louis ne serait certainement pas heureux de l’entendre et Constance subirait ses foudres. Mais bon, la serveuse savait y faire pour traverser les tempêtes, elle n’en était pas à une près. Avoir Anna à ses côtés la mettait de bonne humeur, Constance avait toujours été une gentille personne, présente pour écouter les problèmes de ses amis. Elle était la bonne personne à qui l’on pouvait confier ses problèmes, surtout qu’elle ne les trahirait jamais. La jeune femme ne pensait pas avoir d’ennemi et si elle en avait, elle ne les connaissait pas. La seule personne qu’elle fuyait comme la peste, c’était son père, mais là, c’est pour des raisons strictement personnelles, qu’elle n’évoquait que très rarement. Constance détestait la trahison et depuis sa fuite, elle avait peur de se retrouver à nouveau en face d’Hans Bennet. Malheureusement, elle savait que ce jour viendrait, elle n’était pas stupide, même si pour le moment, elle n’avait pas croisé son père dans les rues de Londres, si un jour il revenait, il serait au courant de son retour, c’était inévitable. Cependant, tant qu’elle pouvait éviter les retrouvailles, elle le ferait.
En ce qui concernait les problèmes d’Anna, c’était autre chose, c’était un problème amoureux. En venant en Angleterre, elle avait mis de côté un jeune homme qu’elle devait sûrement aimer vu son attachement. Anna avait fuis ses responsabilités familiales, ce qui n’était pas le cas de cet homme. C’était triste pour la jolie blonde, de perdre ses attaches et de se retrouver dans une ville qu’on ne connaissait pas vraiment. Constance aimerait aider la jeune femme, mais elle ne savait pas comment, elle ne connaissait pas ce Thomas et surtout elle ne pouvait pas le prévenir pour lui dire de venir ici. La jeune femme ne savait ni lire ni écrire, ce qui était assez problématique pour rédiger des lettres. Heureusement, pour le Flying Dutchman, c’était Louis qui s’occupait des comptes et quand il avait le temps, il lui apprenait à lire et écrire, mais pour le moment, les débuts étaient très laborieux.

« Tu devrais peut-être le prévenir Anne, il doit probablement s’inquiéter pour toi et comme ça, tu pourras voir, s’il tient vraiment à toi. Si ce jeune homme vient jusqu’ici pour te voir, cela veut dire que tu lui manques, sinon, tu pourrais plus facilement passer à autre chose et commencer une nouvelle vie, loin du passé. » Conseilla la jolie serveuse.

Constance ne savait pas si ses conseils étaient très avisés, mais elle faisait de son mieux pour comprendre la situation d’Anna et surtout pour se mettre à sa place.

Les conseils de Constance sont toujours les bienvenues pour moi. Ils m'aident à y voir plus clair et ne pas sombrer dans la déprime, j'ai souvent repris confiance en moi grâce à elle. Il est vrai qu'une visite de Thomas me ferait extrêmement plaisir. J’espérais qu'il vienne me voir, je l'attendais en tout cas, je ne peux pas retourner moi-même le voir car j'ai bien trop peur de ne pas pouvoir revenir ici ensuite, un jour peut-être je prendrais mon courage à deux mains pour aller revoir ma famille et leur dire que je ne revenais pas pour rester, mais ce jour n'est pas encore là et il est loin de l'être.

« Tu as raison, mais s'il es trop occupé tu penses tout de même qu'il viendrai?»

J'avais du mal à l'oublier, on avait passé tellement de temps tous les deux, tellement de bons moments ensemble que c'était dur même après deux ans de séparation je n'arrivais pas à m'y faire et on s'écrivait très souvent, mais j'avais l'impression que ses mots étaient loin d'être les mêmes que ceux d'avant, quelque chose avait changé sans que je ne sache quoi et cela m'inquiétait plus que je ne voulais le dire.

« J'ai l'impression que l'éloignement nous sépare peu à peu. Je savais qu'en partant je risquais de perdre des amis, mais lui je ne peux supporter l'idée même de le perdre.»

C'était impensable et j’espérais sincèrement qu'il n'hésiterait pas à venir me voir, c'est sans doute égoïste, mais j'ai envie qu'il vienne, pour voir s'il tient à moi autant que je tiens à lui, si je pouvais, j'aurais fais déjà plusieurs fois le voyage, mais les choses ne sont pas toujours comme on le souhaite, ainsi va la vie. Il y a des hauts et des bas pour tout le monde sinon les choses seraient trop semblables et causerait des tas de soucis. Je ne me suis jamais demander comme la vie serait, sans tout ça.

« Et toi alors, raconte moi, tu as rencontré quelqu'un ses derniers temps?»

Autant parler un peu d'autre chose, tout ça me déprimait trop d'y penser. J'aimais me tenir au courant des aventures ou des rencontres de mes amies et puis ça pimenterais un peu la conversation. Je n'aimais pas tout le temps parler de la même chose et généralement cela se sentait, mais c'était différent avec Constance, puisque j'arrivais à lui dire plus de choses qu'aux autres et puis comme ça je ne passais pas pour celle qui ne parle que d'elle surtout que ce n'était pas mon intention du tout.

A chaque jour suffit sa peine et Constance comprenait que l’amour faisait souffrir de nombreuses personnes. La jolie serveuse n’avait jamais été amoureuse et il faut dire qu’elle ne courrait pas après le beau prince charmant sur son valeureux destrier. Au fond d’elle-même, elle ne voulait personne, elle était bien trop heureuse dans sa vie, elle avait de nombreux amis, que cela soit Anna, Philippa, Catherine, James… Toutes ces personnes constituaient sa famille, que pouvait-elle rechercher de plus ? Même si elle avait la chance d’avoir la liberté de pouvoir choisir son mari, Constance ne voulait pas le mariage, en tout cas pas maintenant, elle ne se sentait pas capable de pouvoir former une vie de famille avec quelqu’un, surtout avec les nombreux secrets de son passé. Son père et ses mensonges avaient presque détruits sa vie et par sa faute, elle devrait vivre avec des secrets. A beaucoup, elle disait que son père était mort depuis de nombreuses années, qu’elle avait dû vivre en vagabondant pour survivre et qu’elle avait eu de la chance à Londres en rencontrant de bonnes personnes. Quelques personnes savaient que son père était bourreau, mais elles se comptaient sur les doigts d’une main et soigneusement, la jeune femme évitait le sujet, elle ne voulait pas penser aux familles des victimes, comme Thomas Hertford, qui avait perdu son frère à cause de son bourreau de père. Pour éviter de trop penser à cela, Constance reporta son attention vers Anna qui semblait vraiment inquiète à propos de l’homme qu’elle avait laissé en partant.

« Crois-moi, même s’il est trop occupé, il trouvera le temps de venir. Pendant ce temps-là, ne te préoccupes pas de lui, vis ta vie Anna. » Répondit Constance tout en serrant la main d’Anna pour la réconforter.

Constance ne savait pas vraiment comment conseille Anna, la jeune femme lui faisait beaucoup de peine, loin de sa patrie, loin de ses amis, elle s’était retrouvé seule dans ce pays. La blonde méritait vraiment d’être heureuse et la serveuse ferait tout pour l’aider. Elle ne savait pas grand-chose du pays d’origine d’Anna, elle ne savait même pas écrire, sinon, elle aurait pu donner un coup de pouce au destin et faire venir ici le jeune homme.

« Peut-être que tu devrais lui faire savoir que tu as besoin de le voir. Comme ça, tu seras aussi fixé sur ce qu’il pense de toi et sur ce qu’il compte faire. » Proposa la jeune serveuse.

Anna lui posa ensuite une question inattendue, elle lui demanda, si elle avait rencontré quelqu’un dernièrement. Cette question fit rire intérieurement la jeune femme, qui se demandait bien ce que son amie pouvait bien avoir en tête. Au passage, leurs verres s’étaient vidés et Constance les remplie à nouveau, comme n’importe quelle serveuse prévenante l’aurait fait.

« J’ai retrouvé un vieil ami, James, tu as dû l’apercevoir avec moi durant la parade. Mais c’est tout, je ne sais pas j’ai peur qu’il dise à mon père que je suis ici. » Révéla Constance soucieuse à propose de cette situation.

Les mots de Constance me rassuraient. Elle savait toujours ce qu'il faut dire pour nous rassurer. Je ne me souviens pas avoir eu une aussi bonne conseillère en Écosse. Il faut dire que j'étais essentiellement amie avec Thomas et que les autres me regardaient tellement de haut, n'osaient pas m'approcher. Je ne m'étais pas fait beaucoup d'amis durant toutes ses années et c'était en partie ce qui m'avait décidé à m'en aller. Je ne voulais pas non plus de mon titre, qui m'aurait encore plus fait être rejeté par les autres à cause de mon statut. J'espérais qu'il viendrait, il m'en parlait souvent dans les lettres que l'on s'envoyait et j'avais hâte de le revoir, même si je savais ce qui allait se passer et je me doutais même du la raison pour laquelle il ne venait pas. Il m'avait embrassé sans que je ne réponde à son baiser. J'avais fuis et il était resté là-bas. Je m'en voulais beaucoup pour ça et en y pensant j'avais une perle salée qui roula le long de mes joues.

« Oh je l'espère Constance. Si tu savais comme je regrette de l'avoir quitté de la sorte.»

Je savais bien qu'il avait sa fierté et qu'il risquait d'être fâché contre moi, mais rester en Écosse aurait été trop lourd supporter. Je n'aurais pas aimé me sentir si observé de toute part. Au moins ici la nuit tous les chats sont gris et je peux être qui je veux en me fondant dans la masse et en faisant en sorte que les autres ne sachent pas qui je suis réellement.

« Ce n'est pas les lettres qui manquent, mais je crois que je l'ai vexé en m'en allant si rapidement. »

Le temps fera les choses, je ne peux pas décider de ce qui arrivera, mais Constance avait encore raison, il fallait que je vive pour moi, bien que ça me semblait compliqué. J'ai volontairement changer le sujet de conversation, pour m' intéresser un peu à mon amie et ne pas être le seul objet de conversation, je n'aime pas tellement attirer l'attention trop longtemps sur moi donc je fus assez contente qu'elle me réponde. Je ne connaissais pas ce James, mais j'espérais qu'elle me le présente un jour. Je savais pourquoi elle craignait sont père et j'étais triste pour elle que cela se passe comme ça. Nous étions toutes les deux mal à l'aise avec nos familles. C'est un peu étrange d'y penser.

« Tu sais un métier ne construit pas la personne qu'il est. Je sais que pour toi c'est dur de l'accepter, mais pet-être devrait tu lui laisser une chance de s'expliquer ? »

Je ne savais pas très bien si mon conseil serait le bienvenue, mais je l'espérais. Elle avait aussi besoin de quelqu'un pour lui montrer le chemin et son père n'était peut-être pas si terrible qu'il en avait l'air.

Quand on n’a pas de famille, on finit toujours pas se créer la sienne, Constance qui considérait aujourd’hui qu’elle n’avait plus personne s’était créé sa propre famille en compagnie de ses nombreuses connaissances. Certaines personnes elle les connaissait bien, d’autres n’avaient fait qu’un passage dans sa vie, quelques jours, quelques semaines, de toute façon, il lui en fallait peu. Constance Bennet était probablement la personne la plus sociable d’Angleterre, si elle était dans un conte de fée, elle serait la petite fille qui aiderait le grand méchant loup, par gentillesse et par bonté. Toujours elle voyait le bon en chaque personne, ne se souciant pas des rumeurs, mais il ne fallait pas la croire naïve, non, Constance savait reconnaître les causes perdues comme son père. Même si elle l’avait aimé et admiré, elle avait chassé cet homme de sa vie, ne supportant pas les nombreux crimes qu’il avait commis, pour elle, ce choix de vie était impardonnable et elle préférait n’avoir plus jamais à le revoir. En voyant le désespoir d’Anna, elle pensait aux regrets qu’elle avait parfois d’être parti de la maison, elle aussi avait fini par fuir, laissant du monde derrière elle, mais au vu des nombreuses rencontres qu’elle avait pu faire en quittant la maison, cela faisait une belle compensation. En partant, elle avait fait entrer Anna, Philippa, Catherine et surtout sa mignonne petite filleule Elizabeth, que pouvait-elle regretter ? C’était la faute de son père s’il n’avait pu lui raconter la vérité en temps voulu.

« Je me doute Anna, mais si vous êtes fait l’un pour l’autre, la vie pour réunira à nouveau. » Disait-elle, tout en posant sa main sur celle d’Anna en lui insufflant de l’espoir. « Après tu sais, l’égo de ton Thomas en a peut-être pris un coup, ce qui explique qu’il soit aussi long à te répondre, moi je suis sûre qu’il te reviendra, c’est obligé. » Ajouta-t-elle sur un ton déterminé.

Tout n’était pas terminer, quand tous les protagonistes étaient encore en jeu, le destin pouvait bien les réunir une dernière fois. Il ne fallait pas désespérer et toujours croire en sa bonne étoile. Constance y avait toujours cru et aujourd’hui, elle se trouvait là, au Flying Dutchman, avec un métier respectable et de nombreux amis. Il ne lui manquait rien à son bonheur, puisque tout était là et que du ciel, sa mère la protégeait, ça elle en était sûre. Anna lui parla alors de son père, chose qu’elle n’avait jamais fait auparavant, d’ailleurs, rares étaient les personnes qui ajoutées quelque chose quand elle avait fait le récit de sa vie. Constance était donc étonnée d’entendre Anna lui proposer d’écouter son père pour voir ce qu’il avait à dire.

« Non, c’est impossible, je ne veux plus de cet homme dans ma vie. A chaque fois que j’entends parler d’une exécution, tout revient à lui et je sais qu’il a commis ce crime, je ne peux pas l’accepter, c’est impossible. » Lui répondit Constance d’un ton catégorique.

Je n'aime pas être réduite à ça, pleurer un être cher alors qu'il est toujours là, qu'il est toujours au fond de mon cœur, mais c'est difficile de ne pas y penser. J'aimerais qu'il vienne me voir, j'aimerais lui expliquer les raisons de mon départ. Je l'ai déjà fait, mais je voudrais le faire de vive voix. J'avais besoin de lui dire que c'était la seule solution pour que je sois heureuse, même s'il ne comprendrait sans doute pas que j'ai eu besoin de le quitter pour ça. Il penserait sûrement que je n'étais pas obligée de partir pour être heureuse que je l'aurais été avec lui, mais je n'aurais pas supporter mon père et c'était la seule façon d'échapper à mon titre. C'est dur de ne pas penser à lui.

« Je vais essayer.»

Je lui ai souris en sécher mes larmes. Parler me faisait du bien. Constance m'aidait vraiment à voir les choses plus clairs. Ça risquait d'être très compliqué. Il était toujours là au fond de mes pensées. Son idée n'était pas mauvaise. Je ne lui ai pas réécrit dernièrement alors il faudrait que je lui fasse comprendre que j'avais besoin de lui maintenant.

« Tu as raison, je devrais lui écrire bientôt.»

Je le ferais, c'est rassurant d'avoir quelqu'un à qui parler de tout ça, avant j'aurais tout garder pour moi. Je me serais renfermée et je n'aurais rien dit, sauf à lui bien sûr, mais là c'est de lui qu'il s'agit et les choses sont loin d'être simple. Je lui ai alors demander à elle comment ça se passait. J'aimais bien savoir ce genre de petits secrets, ça me donne l'impression d'être importante à ses yeux. Elle avait rencontré un ancien ami à elle, un certain James. Ce que je pouvais aimer ce prénom. J'ai ouvert mes yeux grand comme des soucoupes, tellement contente qu'elle ai retrouver quelqu'un, mais elle semble plutôt septique.

« Oh je vois. Tu ne lui fais pas confiance ? »

Je ne sais pas s'il s'agit d'une question de confiance ou d'autre chose, en tout cas j'espère qu'elle trouvera quelqu'un tout comme j'espère en trouver un. Je n'ai pas envie de finir ma vie toute seule se serait trop triste. J'ai tant d'amour à donner, ça peut, peut-être faire fuir d'ailleurs, mais je crois que l'amour en ces temps compliqué est ce qui nous fait tenir. J'ai aussi besoin de ça, parce que je suis une femme et que j'ai envie qu'on m'aime, de fonder une famille aussi et le temps passe si vite, qu'il arrivera un jour ou ce ne sera plus possible et je serais plutôt triste.

Moment triste d’amitié, Constance ne savait pas comment elle pouvait faire pour sortir Anna de cet impasse, à moins de partir en Ecosse pour aller retrouver son Thomas, il n’y avait pas de solution. La jeune femme était désespérée et elle souffrait beaucoup de cette situation, cela se voyait dans son regard qui brillait de tristesse. Constance connaissait cette situation, elle avait tout abandonné, mais pas pour les mêmes raisons, comme Anna, elle avait coupé ses racines, pour prendre son envol ailleurs. Elle se souvenait encore de ses premiers jours de fuite, ce sont les plus durs, ceux durant lesquels il ne fallait pas craquer, ni faire demi-tour. La solitude, le manque de repaire, aurait pu la faire craquer, par moment, elle faisait demi-tour, reprenant son chemin en sens inverse, puis quelques minutes plus tard, elle se reprenait et repartait vers sa nouvelle vie. La rue, le froid, la faim, ce sont les pires des choses, à chaque moment, elle aurait pu mourir, sous la maladie, à cause de la faim, ou même en cas d’attaque. Vagabonder seule n’était jamais bon, surtout pour une femme, voilà pourquoi Constance, tout au long de sa fuite avait fait en sorte de ne pas toujours se retrouver seule et de se faire accueillir par des familles, contre du travail. C’était une astuce, qu’elle avait vite trouvé, surtout en été, les paysans cherchaient souvent de l’aide pour le travail des champs. L’hiver, c’était beaucoup plus compliqué, la jolie serveuse avait dû faire face au manque de travail, ce qui rendait sa situation beaucoup plus dangereuse. Comprendre Anna après avoir vécu toutes ces choses pour fuir un père, ce n’était pas compliqué pour Constance, être déraciné, c’était ce qui avait de plus dur, pendant des années, la jeune femme avait connu son petite quartier de Londres, puis du jour au lendemain, elle s’était enfuie d’une ville à l’autre, de campagne en campagne, toujours itinérante, pour ne jamais être retrouvé.

« Et s’il ne te revient pas, il faudra que tu passes à autre chose, ce n’est pas facile à faire, mais avec le temps, tu y parviendras,tu es magnifique, tu n'auras aucun mal à retrouver quelqu'un. » Consola Constance tout en posa sa main sur celle d’Anna.

Alors que les deux verres des jeunes femmes étaient vides, elle les remplit à nouveau, après tout l’alcool, donné toujours du courage aux cœurs. Anna lui demanda alors si elle ne parvenait toujours pas à faire confiance à son père. Non, c’était impossible pour Constance, elle qui était pour l’amitié et la paix, ne pouvait pas accepter le meurtre. Avec ce métier de bourreau, elle ne pouvait plus voir son père comme cet être de bonté, qu’il avait été pendant toute son enfance. Elle se souvenait encore de ce jour où il avait mis à mort la petite reine Katherine Howard, ça avait été un moment pénible, traumatisant pour elle de le voir mettre à mort une femme si jeune. Comment pouvait-il faire ça ? Constance n’arrivait pas à le comprendre, surtout qu’il avait tué le frère de son ami Thomas Hertford. Cette situation était horrible pour elle, combien de proche de ses amis son père avait-il mis à mort ? C’était trop dur, elle ne pouvait pas vivre avec ça.

« Non, c’est impossible, je ne pourrais plus jamais le revoir comme avant, pas avec tout ce sang qu’il a sur les mains. » Commença-t-elle. « Il aurait pu trouver un autre travail, il y en a tellement, on aurait pu aller en dehors de Londres, mais non il a choisi la facilité et la pire de toutes. » Elle marqua une petite pause, vidant entre temps son verre, pour mieux reprendre. « Tu ferais quoi à ma place ? » Demanda-t-elle à Anna.

Retourner en Écosse m'est complètement impossible. Je ne souhaite pas revoir ma famille. Mon père ne me permettrait plus de repartir ou pire il m'enfermerait pour trahison. C'était trop risqué de retourner là-bas pour avoir des réponses, même sous une autre identité et je ne suis pas prête à changer de visage. S'il ne viens pas, je saurais que tout ça n'était rien du tout et ça me briserais le cœur, mais je ne peux pas me résoudre à y croire. Je suis trop attachée à lui pour ne plus y penser et pour tourner la page. Je sais pourtant que comme à chaque fois, Constance à raison. J'ai besoin de croire à tour ça, dans notre petit monde le bonheur tiens à si peu de choses. Je vis mon amie remplir nos verres. Je lui ai souris et l'ai remercié. Il fallait que pense à autre chose. Il était grand temps. J'ai séché mes larmes reprenant un peu de contenances et buvant une petite gorgée de mon verre. Je n'aimais pas tellement ce genre de boisson, je préférais quand ça ne me brûlais pas à la gorge. J'ai fais une légère grimace lorsque le liquide à coulé dans ma gorge et j'ai reposé mon verre. J'ai souris lorsqu'elle m'a dit que j'étais magnifique et que je finirais par trouver quelqu'un.

«Merci, je suis sûre que toi aussi.» J'ai ensuite ajouté «Ce n'est pas tous les jours que je boirais ça.»

J'étais heureuse dans un sens de ne plus devoir être duchesse, ça m'évitait clairement de boire du vin à chaque soirée ou festivité que mon père organisait. Je ne suis pas adepte non plus des tavernes, mais je n'ai rien contre ceux qui y travail, c'est un moyen comme un autre de gagner de l'argent qui est bien fort compliqué à avoir pour les gens du peuple. Le père de Constance, lui aussi avait un emploi, mais un emploi qui ne convenait pas du tout à sa fille et qui était assez hors du commun, bien qu'il faut du monde pour tout.

« Je comprends que ça doit être dur pour toi, mais tu sais c'est un travail tout de même et puis peut-être que les gens qu'il … enfin qu'ils sont coupable.»

Je ne savais pas tellement si ça changerait quelque chose de le lui dire. J’espérais juste qu'elle puisse lui pardonner un jour. Un père est important pour nous jeunes filles. Il est censé être l'homme le plus important du monde à nos yeux, et parfois ce n'est pas vraiment le cas, mais elle avait la chance d'avoir son père près d'elle, du moins de pouvoir le voir. J'espérais sincèrement qu'elle lui accorderait une deuxième chance, même si ça semble mal parti.

« Je crois que … je lui accorderais le droit de s'expliquer. Il avait peut-être ses raisons de faire ça. »

Je lui ai souris timidement, espérant que mes conseils l'aiderait aussi bien que les siens m'aidaient.

Une allée pleine d’embuche, les fantômes du passé qui se trouvaient non loin de là. Constance le savait sa mère de là-haut devait se demander ce qui avait bien pu advenir de sa petite fille. Mais la jeune serveuse n’était plus une fillette, elle ne pouvait pardonner, elle ne pouvait guérir de tous ses maux. Elle n’avait pas d’espoir et ne voulait certainement pas reprendre contact avec son père, l’homme l’avait trop déçu, menti et c’était impardonnable pour la brunette. Les images du jour où elle avait découvert la vérité lui était toujours en tête, elle les ressassait trop souvent et parfois elles revenaient dans ses cauchemars. La jeune femme ne savait plus quoi faire, elle savait que ce passé lui empoisonnait son futur, mais elle n’arrivait à rien faire contre. Constance se devait d’avancer dans la vie, elle le savait, sinon plus tard, elle serait pleine de regret. Sa mère devait être attristée de la voir comme ça. Comme n’importe quelle jeune fille de son âge, la serveuse aurait dû être mariée, avoir sa maisonnée, un enfant, mais non, elle était restée à un stade peu avancé de sa vie, toujours en arrière, toujours victime des secrets. Elle avait déjà rencontré plusieurs jeunes hommes, sans que ça n’aille plus loin que l’amourette et tout cela pour les mêmes raisons, Constance fuyait l’amour. Peut-être devrait-elle se mettre en quête du bonheur, mais là encore, elle n’était pas sûre de le vouloir. Trop incertaine, trop apeurée par la vie, rien ne pouvait aller pour elle. Au vu des quelques grimaces qu’elle faisait, Anna ne devait pas apprécier l’alcool, si c’était la première fois qu’elle y goutait, celui-ci devait lui brûler la gorge. Constance ne put s’empêcher de rire, elle, elle était rodée depuis un petit moment déjà.

« Cela fait toujours ça les premières fois. » Riait la jeune femme.

Etant serveuse, Constance connaissait les boissons qu’elle servait à ses clients, il n’était pas rare que parfois au soir, Louis accorde un verre à ses employés et ce n’était pas la jeune femme qui allait dire non. Un petit remontant, après une dure journée de travail, cela faisait toujours du bien. Ce soir, en compagnie d’Anna, c’était différent. L’ambiance est conviviale et bien différente de celle des fins de soirées. L’heure tournait pourtant et il était de plus en plus tard, ce qui ne serait pas idéal pour Anna, pour son retour chez elle. La jolie blonde évoqua le fait que les victimes du père de Constance pouvaient être coupables. Cependant, pour avoir entendu parler de nombreuses affaires, certains des condamnés n’avaient rien fait, comme la reine Katherine Howard, ou encore le frère de Thomas Hertford.

« Certains sont innocent. » Disait la jeune femme tout en buvant une autre gorgée de son alcool. « Même, si je sais que ce n’est pas lui qui décide de la mise à mort, il les a tout de même tué. »

Constance ne savait pas comment sortir de cette impasse, ni comment tout cela se terminerait. En tout cas, en ce qui concernait Anna, cette dernière allait tenter de reprendre contact avec l’homme qu’elle aimait. C’était judicieux, surtout si cela lui redonnait le sourire. La jeune serveuse était contente d’entendre ces mots et elle sourit en retour à la blonde.

« Cela ira pour toi, pour repartir ? » Demanda la jeune femme inquiète à propos de l’heure tardive.

Je ne suis pas une femme habituée à boire de l'alcool, c'est que de temps en temps et seulement dans ce genre de moment là, quand ça ne va pas et que j'ai besoin de quelque chose pour faire le vide dans ma tête. C'est sans doute une mauvaise chose, mais je pense que n'importe qui le fait. Je ne voulais pas être impolie envers mon amie et lui refuser un verre, j'en avais de plus bien besoin ce soir, tant mon passé me hantait. Je pensais beaucoup trop à tout ce que j'avais quitté alors que je ne regrettais pas. Je n'étais pas très logique en fin de compte, mais j'ai toujours été ainsi. Elle m'avoua que ça faisait toujours ça les premières fois. Je supposais qu'elle parlait de la gorge qui brûlait lorsqu'on buvait ce breuvage étrange.

« Je crois que je peux m'habituer, même si ça a un drôle de goût. Je ne saurais pas dire ce qu'il y a dedans. »

Constance en voulait à son père et je pouvais imaginé ce que ça avait du être pour elle d'apprendre qu'il n'était pas la personne qu'elle imaginait, mais je lui aurais sans doute accorder une seconde chance si j'avais été à sa place, mais cela semblait impossible pour elle et je n'étais nullement là pour la juger. Elle avait besoin de soutient et j'étais bien là pour ça. Tout comme elle l'était pour moi. Je n'ai rien trouvé à ajouter de plus lorsqu'elle m'a dit que toutes ces personnes qu'il avait tuer n'étaient pas coupable. Il n'avait sans doute pas tellement le choix, c'était son travail, même s'il était cruel. J'ai hochée la tête à sa dernière question à savoir si ça irait pour repartir.

« Oui je crois. Je ne vais plus tarder. Il se fait tard, les rues ne sont pas si sûres ces temps ci. Heureusement je n'habite pas très loin. »

Je me suis levée et j'ai souris, j'étais vraiment heureuse d'avoir pu passer du temps avec mon amie, cela m'avait bien détendue de lui parler de tous mes petits soucis. J'étais contente de l'avoir croiser et de l'avoir rencontrer à mon arrivé. Je ne sais pas ce que j'aurais fait sans elle, la vie n'aurait sans doute pas eu la même saveur.

« La nuit tous les chats sont gris. » Gentils ou méchants, on ne pouvait plus distinguer le héros du méchant. La nuit on ne percevait pas les gens de la même manière que dans le jour, s’ils étaient enivrés par l’alcool, ils pouvaient devenir des rustres, parfois même être violents. La nuit, il valait mieux rester sur les chemins connus de tous, puisque si on s’éloignait on pouvait toujours faire une très mauvaise rencontre. Anna et Constance étaient là, bien tranquilles au Flying Dutchman, loin des tumultes habituels. La blonde ne semblait d’ailleurs pas apprécier l’alcool fort que lui avait versé la jeune serveuse. L’alcool fort, c’était une notoriété de la taverne, tout cela pour le bien être des marins qui revenaient de longues journées en mer. A l’heure actuelle, les marins devaient être dans leurs bateaux ou aux bordels en train de dépenser le peu d’argent qu’ils avaient gagné. Quel gaspillage ! Mais au moins certains faisaient fortunes. Constance avait remarqué à quel point le Red Lantern était riche, quand elle y avait séjourné quelques jours. Les meubles, les tissus, les robes, tout transpirait le luxe à l’intérieur de la maison de passe.

« Fais attention, de ne pas trop t’habituer aussi ! Tu verrais comment finisse ceux qui boivent tous les jours. Il y a une semaine, on en a retrouvé un dans la Tamise, il était tombé de la rampe de son navire, tu te rends compte. » Evoqua Constance.

Il n’y avait rien de plus idiot qu’un homme ivre et c’était assez souvent que des personnes mourraient dans des situations loufoques, parfois même en s’étouffant. Constance apprécia beaucoup le fait qu’Anna ne reparla plus de son père le bourreau, la blonde avait dû se rendre compte que le sujet était beaucoup trop douloureux pour elle. Anna était une gentille personne, quelqu’un de rare comme il y en avait peu en ces jours sombres, elle méritait le bonheur et Constance espérait de tout cœur que son Thomas viendrait à Londres pour la voir. Sinon, la jeune serveuse prendrait les choses en main et elle trouverait un compagnon à son amie. Un si joli brin de femme devait avoir beaucoup de succès, surtout qu’elle devait voir du monde en étant apothicaire. L’heure tournait cependant et par chance Anna ne vivait pas trop loin d’ici. Les rues n’étaient jamais sûres et dans ce genre de situation, il valait mieux ne pas habiter trop loin.

« Tu as besoin que je te raccompagne Anna ? » Demanda Constance soucieuse à propos de la sécurité de son amie.

J'ai souris à Constance la rassurant sur le fait que je ne finirais jamais comme toutes ses personnes que l'on voyait le soir qui ne savaient même plus qui ils étaient, non je ne buvais pas souvent de toutes manières, presque jamais pour ainsi dire, là c'était exceptionnelle et je n'aimais toujours pas ça d'ailleurs. Je me suis levée en souriant toujours à mon amie.

« Ne t'en fais pas, ça n'arrivera pas, je ne serais pas comme ça. Je ferais mieux de rentrer à présent. »

Je n'étais pas très rassurée de devoir sortir si tard, on ne sait jamais ce qui peut arriver par les temps qui courent, Londres n'est pas si calme qu'elle en a l'air. Je dirais même que ces derniers temps c'est tout le contraire, mais il fallait bien que je retourne chez moi, que j'aille me coucher et demain ira mieux. Je n'habitais pas très loin de toute manières alors le chemin serait vite fait. Je ne pense pas avoir une mauvaise étoile alors je crois que tout ira bien. Demain est un autre jour, comme on dit, et puis peut-être qu'un jour j'oublierais Mon Baron, même si ça va être compliqué. Elle me proposa de me raccompagner et je dois dire que l'idée n'était pas mauvaise, mais je ne voulais pas qui lui arrive quelque chose sur son chemin de retour, alors mieux valait que je refuse.

« Oh non, ne t'en fais pas je connais le chemin et puis ce n'est pas très loin. »

Je lui ai souris espérant que mon assurance la rassurerait. Je lui ai dit au-revoir et l'ai remerciée avant d'aller vers la sortir, de lui sourire une dernière fois et de disparaître à travers la nuit. Le chemin me sembla plus long que d'habitude, mais c'est sans encombres que j'arrivais à l'apothicairerie et que je fermais les rideaux de la boutique avant de monter à l'étage et d'aller dormir. Demain est un autre jour.