Blanche Lettice Dwight

"Quel est donc ce mirage ? Cette image sans visage ? Pourquoi, miroir, réfléchis-tu sans me voir ?" TON PERSONNAGE PRÉNOM & NOM Blanche et Lettice sont ses prénoms, Dwight son nom de famille, qu'elle tient de sa mère. AGE 17 ans. DATE DE NAISSANCE Le 2 février 1537. ORIGINE Anglaise. SITUATION FAMILIALE Orpheline de mère depuis une année, elle est la fille bâtarde d'un noble. Célibataire, sa nouvelle famille est désormais le Red Lantern. MÉTIER Prostituée. GROUPE Le peuple Anglais. CRÉDITS Tumblr & Shiya. LE JOUEUR PSEUDO Vanadis/Thémis/Thelma. Oui, tout ça à la fois ! AGE 16 ans. OU AS-TU CONNU LE FORUM? C'est votre warriorette préférée qui m'a donné l'adresse TON AVATAR Hanna Mangan Lawrence, la magnifique *.* VOTRE PERSONNAGE EST-IL HISTORIQUE OU FICTIF? Fictif. VOULEZ-VOUS ÊTRE PARRAINÉ? Niet, les amis, je connais la maison depuis le temps ! XD

▬ QUELLE EST VOTRE RELIGION ET QUE PENSEZ-VOUS DES CHANGEMENTS RELIGIEUX DU PAYS? Je n'ai qu'une religion : la vie. Autrement, je n'ai pas de religion : une bâtarde, la fille d'une prostituée devenue prostituée à son tour, qu'ais-je besoin d'un Dieu ? Si tant est qu'il existe, voilà bien longtemps que son illustre visage ne regarde plus vers nous. Oh, j'aimerais croire, être animée de cette ferveur que je vois dans bien des yeux, dans bien des coeurs, mais je ne le puis. L'espoir d'un au-delà ne m'apporte rien de plus qu'un prompt agacement. Ma vie, elle est sur Terre avant d'être dans les Cieux, je crois en cela avant de croire en autre chose. Déjà que je doute de Dieu, qu'allez-vous me parler des catholiques et des protestants ? Qu'ils se tapent dessus si ça leur chante, je ne suis aucunement concernée par leurs histoires. J'ai si peu souvent parlé à Dieu dans ma vie qu'il ne doit même pas savoir qui je suis.

▬ QUE PENSEZ-VOUS DE LA NOUVELLE REINE D'ANGLETERRE? Elle est Reine, non ? Alors, je lui dois allégeance. Quant elle ne le sera plus, je ne lui devrais plus rien. Je m'intéresse à elle autant que je m'intéresse à Dieu, si cela peut vous donner une idée. Les monarques sont tous les mêmes, ils se succèdent, racontent à qui veut l'entendre qu'ils vont changer le monde, et en fin de compte, ils ne font rien de plus que leurs prédécesseurs. Je sais que ma maquerelle, Mary-Ann Paton, est profondément attachée à Mary Tudor ; pour cette simple raison je lui accorde plus d'importance que je ne le devrais. Après tout, j'espionne pour son compte ! Et pour le mien, mais cela, ni elle ni personne n'a pas à le savoir. C'est une affaire entre mon père et moi.

▬ QUE PENSEZ-VOUS DE JANE GREY? Qui ça, la gamine décapitée après avoir régné neuf jours ? Et que diable voulez-vous que ça me fasse ? S'est elle souciée de mon sort, et de celui des millions de gamins qui crèvent de faim dans Londres ? Non. Pourquoi alors me soucierais-je du sien ? Bon, je l'avoue, elle me fait de la peine... Mon âge, et un sort bien funeste. Certains disent qu'elle n'est pas l'entière responsable, que son père et son beau-père sont à l'origine de ce qui lui est arrivé. Pour tout dire, je me fiche bien de ces questions : à quoi bon se lamenter, ils sont tous morts, nul ne pourra rien pour eux à présent. Les protestants ont bien orchestré leur ruine, ils auront donné raison à Mary Tudor par leurs actes, tant pis pour eux. Moi, tant que mon salaire tombe dans ma bourse, et mon repas dans mon assiette, je me fiche bien de savoir qui occupe le trône.

▬ AGISSEZ-VOUS DANS L'OMBRE POUR VOTRE CAUSE OU VOTRE FOI, SI OUI QUE SERIEZ-VOUS PRÊT A FAIRE ? Mes convictions religieuses sont tellement souples qu'elles se défendent toutes seules, et je ne me battrais certainement pas au nom d'un monarque, n'ayant aucune raisons de le faire. Cependant, j'ai bien une cause : la vengeance. Même les prostituée paient leurs dettes, et je compte bien payer la mienne auprès du monstre qui a détruit ma vie : mon père, le baron Lleyburn de Loughborough. Ma croisade contre lui a commencé il y a douze mois, et tant qu'il n'aura pas mordu la poussière autant de fois que je l'estimerais nécessaire, elle ne s'arrêtera pas. Pour parvenir à cette fin là, je crois sincèrement être prête à tous les sacrifices. A moins que...

Run for a fall

La vie n'est pas une chanson, n'est-ce pas ?

Il m'aura fallu du temps pour le comprendre. Pour que cela s'inscrive en lettres de sang dans ma chair, en lettres de feu dans mon esprit. Petite, j'y croyais dur comme fer. Je voyais ma vie comme un tapis de roses, mon avenir enveloppé dans ces belles soieries que portaient ces nobles dames qui passaient devant moi, pauvre gamine famélique faisant la manche, qui parfois traçaient leur route sans me regarder, parfois se fendaient d'un sourire, parfois d'une piécette. Malgré la faim et le froid, malgré la misère, malgré mes cheveux sales et emmêlés, mes joues creuses et mes genoux cagneux, malgré ma minceur extrême, mon front couvert de terre et de boue, mes habits en lambeaux et mes ongles cassés, je croyais aux contes de fées que ma mère me chantait le soir, pour m'endormir. Ils étaient une source d'espoir pour nous deux.

J'ai toujours aimé ces histoires. Les princes charmants combattant de féroces dragons pour sauver leur dame, les fins heureuses. Les héros au grand cœur qui tombaient follement amoureux de pauvres damoiselles, les épousaient, en faisaient leur princesse. Tout commençait par un « il était une fois » et la fin, ils vivaient tous heureux et avaient beaucoup d'enfants. C'était le rêve de beaucoup de petites filles… C'était le mien. Moi aussi, je voulais vivre mon conte de fées, ma chanson d'amour. Lorsque je mendiais dans la rue, que je chipais des pommes ou du pain sur le marché, lorsque je ramassais les mouchoirs de soie que certains bien-nés avaient égarés pour aller les vendre, je me disais que tôt ou tard, un héros viendrait pour moi. Je deviendrais sa princesse, il m'ouvrirait les portes de son palais enchanté où nous vivrions tous heureux, le prince, moi et ma mère, entourés de beaux enfants.

Mais la vie n'est pas une chanson. J'ai bien fini par l'apprendre, à mes dépens.

J'ai toujours vécu dans la pauvreté, dans la misère la plus noire. C'est pour moi un élément culminant de ma vie, un habit constant, un manteau que j'aurais enfilé et qui me collerait à la peau jusqu'à se substituer à elle. Ma maison se résumait à deux pièces insalubre au dessus d'une échoppe, dans l'un des quartiers de Londres les plus miteux. Ma famille se résumait à la seule personne de ma mère, Lettice Dwight. Mon monde s'articulait autour de cet axe, et il n'y avait que dans mes rêves que je pouvais m'en écarter. Je croyais dur comme fer aux contes, j'étais trop naïve pour comprendre qu'on n'échappe jamais à sa condition. Elle nous rattrape pour peu qu'on tente de la fuir, elle nous étouffe, elle nous détruit. Pas plus qu'on échappe à son destin, on n'échappe pas à sa naissance, encore moins lorsque celle-ci est miséreuse et sombre. Encore moins lorsqu'elle est illégitime, couverte d’opprobre et de honte.

Le matin, lorsque je me réveillais, j'allais retrouver ma mère, qui se levait toujours avant moi. Elle était si belle, ma chère maman, avec ses cheveux d'or ! De vrais cheveux de princesse. Son beau visage brillait à la lumière du matin, et alors qu'elle venait vers moi de son pas léger, m'embrassait sur le front, un large sourire aux lèvres et de l'amour plein les yeux, je me disais qu'elle était la plus belle femme du monde. Moi, je ne lui ressemblais pas, ce qui me désolait : cheveux bruns et bouclés là où elle les avait blonds et lisses, prunelles sombres là où elle les avait bleues, elle ne cessait cependant pas de me dire que j'étais sa princesse chérie, son trésor, la plus belle des petites filles de la Terre. Alors j'oubliais tout chagrin, et j'étais pleinement, parfaitement heureuse. Les draps du lit maternel étaient défaits, et une étrange odeur régnait dans la pièce, mais j'y étais habituée.

L'après-midi, j'étais dehors, surtout les jours de marché. Je mendiais, je volais, jusqu'à ce que le soleil commence à disparaître derrière les toits. Alors je rentrais à la maison, en passant par un escalier dérobé qui menait droit à ma chambre. Ma mère m'avait toujours dit de ne rentrer que par là le soir, et de ne pas venir la rejoindre dans l'autre pièce, car elle travaillait. Alors j'obéissais, je restais dans ma chambre à jouer avec les objets volés, avec des poupées fabriquées par mes soins, à chanter des histoires de princes charmants et d'exquises dames en robe de soie, à danser. J'entendais des cris, de l'autre côté du mur. Un homme, et ma mère. Au début, je croyais qu'il lui faisait mal, et je m'inquiétais. Mais elle m'avait assurée avec un sourire qu'il n'en était rien, alors je ne me posais plus de questions. Et ce fut comme pour les odeurs du matin : je m'y habituais.

Il y avait un détail, une personne, à laquelle je ne pus m'habituer. Mon père. Je m'étais souvent demandée à quoi il ressemblait, sans oser poser la question. C'était peut-être le seul sujet que je n'abordais pas avec ma mère. Je voyais des hommes dans notre maison, parfois les mêmes, souvent de nouveaux visages, et je me demandais si mon père leur ressemblait. Lorsque je le vis pour la première fois, je sus immédiatement que c'était lui… Et lui, que c'était moi.

« - Je vous en prie, Thomas… Mylord... » Les sanglots maternels n'entraient pas dans les bruits que j'entendais d'habitude. « Voyez-là, simplement… C'est votre fille, s'il vous plaît…
- Comment puis-je en être sûr ? Qu'est ce qui me dit que vous n'essayez pas de me fourguer la bâtarde que vous avez eue de Dieu sait quel imbécile du coin ?
- Regardez-là, voyez là, elle vous ressemble…
- Cessez de pleurer, Lettice ! Vous me faites perdre mon temps, avec vos histoires. Que croyez-vous ? Que votre gamine sera une Lady ? Que je vais l'emmener avec moi, l'élever avec mes enfants légitimes ? Je suis baron, que diable !
- Blanche ! Blanche, viens, entre ! Entre !
- Vous l'avez appelée Blanche ? » Il eut un rire sardonique, alors que je poussais timidement la porte. « Une bâtarde, la fille d'une putain, et elle s’appelle Blanche. Qu'espérez-vous, la rendre pure ?
- La rendre pure à vos yeux, Mylord. Elle est tendre, innocente, c'est notre fille... »

J'entrais alors dans la pièce, je vis les joues brillantes de larmes de ma mère, et la haute silhouette de l'homme, vers laquelle je me tournais. Nous yeux se croisèrent : des yeux sombres, comme les miens. Des cheveux bruns et bouclés, et un air sombre que j'affichais aussi, lorsque j'étais contrariée. Mon père, en chair et en os, face à moi.

« - Ma fille... » fit-il, sans me lâcher du regard. J'eus la brusque envie de lui sauter au cou, de lui raconter toute ma vie, de le supplier de nous emmener loin d'ici, Maman et moi. Car il le ferait, n'est-ce pas ? Il y avait de la douceur dans ses prunelles, je le voyais. Il nous sortirait d'ici, il serait le héros des chansons.

Mais la douceur disparut, car la vie n'est pas une chanson.

« Une bâtarde, une moins que rien. Qu'elle reste ici, et qu'elle y crève avec vous, Lettice ! Hors de question que je perde mon temps à m'occuper d'une putain et de sa bâtarde ! »

La porte claqua, et ce fut tout.

Ma mère s'écroula sur le sol, ses pleurs cognaient contre les murs comme le sang cognait contre mes tempes. Je l'entendais, et j'entendais mon cœur battre vite. Très vite. Trop vite. Mais mon esprit demeurait clair, mes pensées limpides. Je devais aider ma mère, coûte que coûte. Alors je passais mes bras autour de son cou, et j'eus pour elle les gestes qu'elle avait pour moi : je l'embrassais, l'appelais la plus belle maman du monde, je lui disais que tout irait bien, que nous n'avions pas besoin du baron, puisque nous étions là l'une pour l'autre. A mesure que ma mère s'apaisait, je sentais naître en moi un sentiment encore inconnu, mais grandissant. Comme les dragons des contes de fées ; il était rouge et brûlant. Il venait de mon cœur, prenait possession de ma gorge, de mon esprit. Le bout de mes doigts se mit à trembler, et ce n'est que bien des années ensuite que je compris la nature de ce que je ressentais, et ressentirais toujours envers le baron. C'était pire que la colère, pire que la rage, car aussi puissants que peuvent être ces deux sentiments, ils ne durent pas. Ce que je ressentais, c'était de la haine, une haine pure, viscérale, mortelle, destructrice, intarissable. Pour chaque larme qui glissait sur le beau visage de ma mère, je voyais un poignard s'enfoncer dans le cœur de celui qui l'avait détruite.

Ne dit-on pas que la vie n'est pas une chanson ?

Ma mère était une femme de caractère. Une prostituée peut-être, mais une mère avant tout. Elle ne cessa de contacter mon père, par tous les moyens possibles et imaginables, espérant l'avoir à l'usure. Il resta de marbre dans ses résolutions, elle dans les siennes… Et moi, dans ma haine. Chaque défaite maternelle ne faisait que nourrir ce dragon qui grandissait en moi, et qui tôt où tard serait dirigé vers mon père. J'aimais, et j'aime encore aujourd'hui, parler de lui comme de mon père : ironiquement, je suis sa fille plus que ne le sont ses enfants légitimes. La soif de vengeance, la capacité de destruction, la noirceur, c'est de lui que je les tient. Je suis sa fille, et je suis capable d'autant de dégâts que lui, il en ferait les frais tôt ou tard. Mes rêves de princes et princesses se turent peu à peu, laissant progressivement place au goût amer de la rancune et de la fin de l'enfance. Je les crus même évanouis pour toujours.

J'avais onze ans lorsque je vis mon père pour la première fois. J'entrais dans ma seizième année lorsque les derniers vestiges de mes rêves se brisèrent comme du verre, pour laisser place à la cruelle réalité : la vie n'est pas une chanson.

Seize ans, et aux dires de Lettice, j'étais déjà une femme. Une jolie jeune femme, disait-elle en me souriant. A mes yeux, nulle ne serait jamais plus belle qu'elle, malgré tout ce qu'elle endurait. Voilà cinq ans qu'elle essuyait les pires injures du monde, qu'elle s'usait à tenter de convaincre mon père de me reconnaître comme sa fille. Le passage du temps, la vie de misère commençaient à avoir raison de sa beauté, mais point de son caractère : ferme et résolue, elle ne baissait jamais les bras. J'admirais cet aspect de sa personnalité… Cet aspect qui la conduisit droit dans les bras de la Mort. Je me souviendrais éternellement de ce soir-là, même si je dois vivre pendant mille ans et oublier tout le reste. Je n'étais pas rentrée plus tard que prévu de la ville, mais lorsque j'eus franchi le seuil de ma porte après avoir grimpé l'escalier dérobé, je sus que quelque chose n'allait pas. De l'autre pièce me venaient des râles, des prières étouffées. Sans plus attendre, j'ouvrais la porte à la volée.

Elle était là, ma chère Maman, étendue dans la pièce, ses yeux bleus fixant le plafond ! Un liquide dégoulinait le long de son menton, son corps se convulsait. Du poison, compris-je immédiatement. Ma mère, toute prostituée qu'elle soit, était en parfaite santé. Je me mis à ses côtés, tentais de la rassurer, de lui parler, mais que pouvais-je faire, sinon rester impuissante ?

« - Mère, Maman, pitié, restez avec moi… Maman…
- Blan… Che… Ma… Fille…
- Ne vous fatiguez pas, respirer, ça va allez, respirez… Vous avez mal quelque part ? N'y a-t-il rien qui puisse vous apaiser ?
- Ma… Chérie… Mon… Trésor…
- Oh, Maman, Maman ! » Et je me mis à pleurer comme la gamine que je n'avais pas encore cessé d'être.

Tout mon être débordait d'amour, de tristesse, de solitude. Lettice m'avait souvent dit que j'étais pleine, entière, que j'étais incapable de modération ; je ne pouvais aimer à moitié, je ne pouvais haïr partiellement. J'étais un tout, et alors que je voyais ma mère mourir lentement sous mes yeux, je n'étais plus que désespoir.

« - Qui, Maman, qui vous a fait ça ?
- Les hommes… Tellement faibles… Au fond… Manipulables… Ils me tuent… Ils m'ont tuée…
- C'est lui, n'est ce pas ? C'est le baron, c'est mon père ?
- Méfie toi d'eux… Blanche… Satisfais-les… Mais ne leur… Donne… Jamais… Ton cœur... »

Dernier râle, dernier soupir, et la lumière d'océan dans les yeux de cette femme qui avait résumé toute ma vie pendant seize ans, s'éteignit. Dernier sanglot de ma part, première prière à un Dieu en qui je n'avais jamais vraiment cru.

« Je n'ai plus de cœur, Maman, les bêtes l'ont mangé. »

Et c'est ainsi que je sus que la vie n'était pas une chanson. J'enterrais ma mère seule, en creusant la terre avec une vieille pelle toute rouillée, dérobée quelque part sur le marché, au milieu de la forêt, puisqu'elle n'avait pas droit à une terre bénie. Elle n'eut d'autre linceul que les draps de son lit, et pas de cercueil. Je la recouvrais de terre, et plantais là des fleurs ramassées en chemin. Mes mains ne tremblaient pas, mon cœur avait un rythme normal. Je savais que mon père avait tué ma mère, pour la faire taire, et je savais qu'il allait payer cher pour cela. Je savais aussi ce que j'avais à faire : je détruirais sa vie, comme il avait détruit la mienne. Je ferais de son monde des cendres semblables à celles qu'était devenu mon cœur. Je laisserais sortir le dragon. Tel père, telle fille. Œil pour œil, dent pour dent. Mais comment vivre ? C'était ma mère qui faisait bouillir la marmite depuis toujours, et hormis le vol, je ne savais rien faire de mes dix doigts. Je ne pouvais me contenter des quelques pièces d'or chipées au milieu de la foule, il me faudrait un métier. Un travail qui me permette de manger à ma faim. Debout dans la forêt, je baissais les yeux et observait mon corps. Mince, fluet, toujours enfantin malgré mes seize ans. Ingénu, disaient certains. Avais-je du charme ? Ma mère m'avait toujours répondu par l'affirmative. Etais-je capable de faire ce que j'avais en tête ? Au fond, je savais que oui. Je n'avais connu que ce monde-là, depuis toujours. J'avais à apprendre, c'était certain ; les hommes qui viendraient me voir n'auraient rien à voir avec les fils de bûcheron qui me regardaient passer, l'air goguenard, lorsque je traversais la rue.

Un métier, peut importait lequel, et une protection, voilà ce qu'il me fallait. Je ne pouvais travailler à mon compte, comme ma mère, et me mis donc en quête d'une maison close. L'idée seule de la solitude faisait naître en moi une telle crainte qu'elle arrivait presque à ébranler mes résolutions. Et il ne me fallut que peu de temps pour entendre parler du Red Lantern, célèbre dans le tout-Londres. Qui ne tente rien n'a rien, je m'y suis présentée. Jeune, et en santé en dépit de ma mal-nutrition, la reine des lieux, Mary-Ann Paton, commença par m'affecter au service d'une de ses filles, une superbe rousse prénommée Avaline. J'eus un instant peur d'une rivalité, il n'en fut rien. A elles deux, elles m'apprirent ce qu'une femme du métier se devait de savoir, et lorsque j'eus atteint mes dix-sept ans, on me jugea prête. C'est ainsi que je pris le même chemin que ma mère, et que je devins une prostituée à mon tour, moi qui avait, des années durant, rêvé du prince charmant, d'un palais enchanté, de superbes enfants. Moi qui n'avait rien désiré de mieux que de vivre heureuse jusqu'à la fin de mes jours, comme les héroïnes des chansons. Mais la vie n'est pas une chanson, nul n'en était plus certain que moi, à présent.

Je trouvais au Red Lantern la famille qui m'avait tant manqué ; en Mary-Ann la mère que j'avais perdue, en Avaline la grande soeur que je n'avais jamais eu. Lorsque l'une puis l'autre me parlèrent d'espionnage, de rassemblements d'informations pour appuyer la chasse aux protestants orchestrée par Mary Tudor, je n'eus aucune hésitation à accepter. Non que j'aie la moindre antipathie pour les adeptes de la Réforme, après tout, si cela leur plaît de contredire ouvertement Rome et de périr pour cela, grand bien leur fasse. J'ai vu là un moyen efficace d'en savoir plus sur les grands de ce monde, et sur un en particulier : Thomas Lleyburn, baron de Loughborough. Mon cher, très cher père, à qui j'escomptais bien faire mordre la poussière autant de fois que possible, jusqu'à ce qu'il paie au centuple tout le mal qu'il nous avait fait, à ma mère et moi. En un an, j'ai changé plus que je ne l'avais fait en seize, c'est lorsque je suis seule face à mon miroir que je le comprends. Qu'est-ce que je veux, et qu'est-ce que je vaut ? Est-ce là le destin qui m'a toujours été réservé ? Qui est véritablement Blanche Dwight, une gamine désillusionnée ? Une prostituée vengeresse, une âme détruite ? Une orpheline sans lumière ? Avais-je la moindre chance de connaître un peu de ce bonheur qui n'avait cessé d'alimenter les espoirs de mon enfance ?

Non, évidemment. Qui voudrait d'une catin comme épouse ? Les contes mettaient en scène des servantes, des paysannes, mais pas des prostituées. J'avais choisi la seule voie que je connaissais, mais aussi la seule voie qui détruisait toutes mes chances d'avenir. La vie n'est pas une chanson. Vraiment ?

« - Je t'aime, tu sais, » murmurais-je, dans un sourire.
« - Je t'aime beaucoup aussi. »

Comprenant qu'il s'agissait là de la seule réponse à laquelle je pouvais m'attendre ce soir, je me laissais couler sur le côté, la tête posée contre son bras. Plongés dans la semi-pénombre de la chambre, plongés dans le silence, je n'entendais rien d'autre que le battement de mon cœur, bientôt rejoint par son souffle régulier et tranquille, qui m'apprit qu'il s'était endormi. J'eus un soupir d'aise : j'étais bien, à cet instant, heureuse, légère, je me sentais à ma place lorsque Arthur Paton, soldat de la Garde Royale, était à mes côtés comme en cet instant. J'avais l'impression que rien ni personne ne pouvait altérer mon bonheur. Mais au creux de mon être, un malaise demeurait, ténu mais bien présent. Dans ses derniers instants, ma mère m'avait mise en garde contre les hommes, mais j'avais quand même fini par tomber amoureuse de ce chevalier qui ne réclamait que moi comme amante. Arthur m'apparaissait comme le prince des contes, l'homme loyal, fidèle, dévoué et honnête, l'homme dont j'avais toujours rêvé, qui aurait pu me sortir de cette misère dans laquelle j'étais née. Mon héros absolu.

Un homme qui aurait peut-être pu épouser une simple fille des rues, comme je l'avais été. Un homme qui pouvait épouser la prostituée que j'étais devenue ? J'en doutais, et là était le malaise. Lorsqu'il était dans la pièce, je croyais de nouveau aux contes, à peine était-il sorti que le goût de la vengeance envahissait ma bouche, et je concentrais toute ma colère sur mon père, le responsable de tous mes malheurs. De mon amour pour Arthur ou de ma haine envers mon géniteur, qui aurait le fin mot de l'histoire ?

A nouveau, un soupir franchit le seuil de mes lèvres, nettement plus las que le précédent. A travers les rideaux, je distinguais la faible lueur de la lune ; et me levais pour les tirer définitivement, et laisser la lumière d'argent inonder la pièce. De l'autre côté des fenêtres face à moi, Londres tombait petit à petit dans le sommeil. Demain serait un jour nouveau, guère différent d'aujourd'hui pourtant. La Reine Mary donnerait audience à Whitehall, je recevrais mes clients au Red Lantern. Je partagerais mes repas et mes bavardages avec Avaline, j'offrirais de joyeux sourires à Mary-Ann. Peut-être trouverais-je l'occasion de glaner quelques informations sur le baron ? Et le soir, avec un peu de chance, je verrais Arthur. Cette pensée fit naître un sourire sur mon visage, qui ne tarda pas à disparaître. Arthur, mon père, Avaline, et moi au milieu, ne sachant pas où j'allais, quel avenir serait le mien, si toutefois avenir il y avait.

Je retournais m'allonger avec Arthur, évitant soigneusement mon reflet dans cette froide surface de verre accrochée au mur. Dans mon miroir d'illusions, quelle fille je vais voir?

Félicitation!

²Ta fiche est absolument sublime Ce personnage change vraiment du tout au tout par rapport à Mary, mais elle te va à ravir Comme Ava a donné son feu vert, je te valide tout de suite   

Et voilà, tu es validée et pour toi une longue aventure commence, pour commencer à jouer avec nous, il va falloir travailler un peu et faire votre fiche de lien (ICI), comme ça tu auras le grand bonheur de te faire harceler par les membres du forum.

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Et voilà, maintenant tu sais tout sur tout et ton aventure à Londres peut parfaitement commencer