Octobre 1554.
Palais de Woodstock.

La princesse Elizabeth était au palais de Woodstock depuis maintenant trois mois. Sa vie avait repris son cour entre des jours ennuyeux et d’autres plus mouvementés. La jolie rousse n’était pas vraiment heureuse, toujours surveillée, toujours mise sur le banc des accusés, elle savait qu’elle n’aurait jamais grâce aux yeux de sa sœur, qui la verrait toujours comme une ennemie. Cette vie était la sienne, une vie sous surveillance constante des gardes et des dames d’honneur. Après la Tour, Elizabeth était maintenant enfermée dans un beau palais, une cage dorée d’où elle ne pouvait sortir sans autorisation de la reine.
Ses journées, la jeune femme les passait à lire, à accumuler chaque jour un peu plus de connaissance, à apprendre ses langues, pour pouvoir un jour, si Dieu le veut, assumer sa tâche de future reine. Prête, elle se devait de l’être, de même qu’elle devait assurer la position de sa sœur, en se présentant, comme toujours, comme étant sa plus humble servante. Elle étudiait, lisait et écrivait aussi de nombreux courriers, tous étaient bien sûr lu par les hommes de la reine et elle faisait à chaque fois en sorte d’être la plus neutre possible. Ses courriers venaient bien souvent des membres de sa famille, comme Catherine Carey, sa douce et chère Anne, qui lui manquait tant, mais aussi les membres de la couronne. Ces derniers, elle s’en méfiait et elle veillait à être toujours la plus neutre et serviable possible. Il était de son devoir de se ne pas se les mettre à dos, puisque s’ils le voulaient, ils pourraient la faire condamner, aux yeux de la reine. La méfiance était constante et la jeune femme devait s’y faire, elle avait vingt et un ans, elle était jeune et était surtout un parti très convoité, pour tous ceux qui voudraient s’emparer de la couronne. Cependant, elle avait un avantage sur eux tous, elle était plus intelligente que quiconque et surtout, personne ne savait qui se cachait sous son masque d’habile comédienne. Elizabeth était un mystère pour beaucoup de monde. Qui pouvait se vanter de réellement la connaître ? Une poignée de personne, Kat, Catherine, Henry et Anne. Ils étaient les seuls personnes en qui elle faisait réellement confiance et ils étaient les seuls à savoir qui elle était.

La journée s’écoulait lentement pour la princesse, quand l’une de ses dames, la dérangea dans ses études pour lui annoncer, qu’un messager de la reine avait une missive à lui transmettre. Elizabeth lui autorisa à faire entrer l’homme, qui mis une dizaine de minutes avant de se présenter à elle. La jeune femme ne l’avait pas entendu arriver, prise à nouveau dans un livre de théologie et elle sursauta, quand elle le vit si près d’elle et lui dire qu’il avait un message à lui transmettre de la part de la reine.
La jolie rousse remarqua aussitôt, qu’il n’était pas le messager habituel et surtout qu’il était de la garde, en constatant cela, elle haussa un sourcil, surtout que l’homme avait visiblement oublié les bonnes convenances pour s’adresser à elle. Elle se redressa, frôlant le garde et avança dans la pièce pour lui désigner un fauteuil.

« Installez-vous. Il est étonnant de voir qu’un garde adresse les messages de la reine, mais je dois dire que je ne suis pas mécontente, l’ancien messager était bien trop désagréable. Désirez-vous du vin, après un tel voyage vous devez en avoir besoin. » Demanda-t-elle avec un sourire charmant. Tout en servant la coupe, elle détailla l’homme, qui n’était pas des plus désagréables à regarder. Il avait les yeux vifs, comme Robert, et une allure mystérieuse, qui lui rappelait encore et toujours le prisonnier de la Tour. La princesse s’installa face à lui et but une gorgée de vin avant de reposer son verre.
« Donnez-moi cette lettre, je pourrais ainsi profiter de votre présence, pour répondre à ma sœur, mais cela risque de prendre du temps, cela vous dérangerez-t-il de rester à Woodstock cette nuit ? Je demanderai à une servante de vous préparer une chambre. » Demanda Elizabeth qui connaissait bien sa manière de répondre à la reine. Comme toujours, elle prenait son temps pour écrire, pesant chaque mot, déguisant des métaphores à la gloire de sa sœur et surtout elle faisait en sorte de montrer, qu’elle était toujours l’humble servante que la reine attendait d’elle.

Octobre 1554.
Palais de Woodstock.

Elizabeth ne s’était pas posé de nombreuses questions quand elle avait vu cet homme inconnu, appartenant à la garde royale de la reine sa sœur, lui apporter un message. Elle n’y avait vu l’un qu’un mauvais concours de circonstance pour l’ancien messager, et en même temps, elle découvrit qu’il ne lui apporterait plus de messages. Il avait sûrement été pris dans une mauvaise posture pour qu’il soit ainsi renvoyé, mais elle ne posa pas plus de questions, la jeune femme était bien heureuse de s’être débarrassée de cet homme aussi peu aimable.
La jolie rousse détailla le garde ne se s’entend nullement impoli, on ne pouvait guère lui reprocher cela, puisqu’elle était l’héritière officielle de la reine sa sœur, même si celle-ci ne l’avait jamais officialisé. Même si elle savait qu’il y aurait encore de très nombreuses années, ou peut-être même que sa sœur aurait un héritier, avant qu’elle ne devienne reine, mais la jeune femme voulait se préparer à cette tâche.

« Je vous remercie pour votre peine. » Souriait la jeune femme, puis elle commença à lire sa lettre, dès les premiers mots, elle leva à nouveau le regard vers lui. « Vous pouvez disposer, je vais demander à ce que l’on s’occupe bien de vous et je vous ferai appeler, dès que j’aurai terminé ma réponse. » Elle tourna le dos et continua de lire tout en faisant les cent pas dans la pièce, concentrée, elle ne remarqua même pas que l’homme était parti. La reine lui faisait un compte rendu de ses lois catholiques, mais aussi des recommandations qu’elle tenait à lui faire, quant à la conduite qu’elle devait suivre. La lettre était très formelle, il n’y avait pas de mots aimables, juste des formules toutes prêtes. Une fois sa lecture terminée, la jeune femme s’installa sur son petit bureau et elle commença à écrire. Les mots coulaient sur le papier, elle réfléchissait à chaque formule, qu’elle allait pouvoir employer, elle utilisait des paroles des saintes écritures catholiques, qu’elle avait apprise par cœur, pour mieux contenter sa sœur de sa bonne fois. Elizabeth connaissait le pouvoir des mots et elle savait que sa plume pouvait changer du tout au tout une situation. Elle avait appris à maîtriser l’art de l’écriture depuis fort longtemps, si bien qu’elle avait rapidement était félicité par ses précepteurs et sa chère gouvernant Kat, à qui elle écrivait chaque semaine, pour lui raconter ses longues et ennuyeuses journées.
La rousse mit plusieurs heures à rédiger sa lettre et quand celle-ci fut terminée, le jour commençait à tomber. La lettre scellée, la jeune femme prit son repas seule et elle alla ensuite se poser dans un fauteuil, à côté de la cheminée. Les soirées commençaient à devenir froide et Elizabeth adorait se mettre au coin du feu, un livre à la main. Elle commença à lire, puis après quelques pages, elle appela l’une de ses servantes, pour qu’elle fasse venir à elle, le garde royal messager. Elle demanda à ce que l’on serve des fruits, mais aussi du vin. Ce soir, comme elle avait un invité, elle allait pouvoir en profiter pour converser et changer sa monotonie. Après une dizaine de minute, on annonça que le garde était là et Elizabeth accepta de le faire entrer. Elle ne se leva pas de son fauteuil et indiqua celui qui se trouvait face à elle, pour que l’homme s’y installe.

« Ma lettre est terminée. » Disait-elle en la désignant, alors qu’elle se trouvait sur le petit guéridon. « Vous prendrez bien un verre de vin et du raisin ? Il est très bon. J’espère d’ailleurs que vous êtes bien installé, sinon, je me verrai dans l’obligation de réprimander mes servantes. » Elle souriait, puis prit un raisin, qu’elle mangea, tout en songeant à sa situation, en ce palais qu’elle détestait tant.

Octobre 1554.
Palais de Woodstock.

Même si son chemin avait déjà rencontré celui de nombreux hommes, sans bien sûr qu’ils deviennent ses amants, Elizabeth Tudor n’avait pas pour autant l’habitude d’en recevoir durant sa captivité. Sa prison dorée avait bien des inconvénients, dont celui de ne point pouvoir recevoir ses amis et quand un nouveau visage venait lui rencontre visite, elle l’accueillait comme il se doit. Elle avait vu il y a peu, son cousin Howard, qui après une mauvaise chute de cheval, s’était retrouvé à Woodstock. A ce moment-là, la rousse en avait profité pour avoir une longue conversation avec lui, mais elle ne l’avait point retenu trop longtemps. Là c’était différent, l’homme de la garde, qui était devenu messager était un inconnu, qui selon ce qu’elle savait n’appartenait pas à la faction protestante, qui souhaitait secrètement la mettre sur le trône. S’ennuyant, Elizabeth n’avait donc pas de scrupule à l’inviter dans ses appartements, pour discuter de choses et d’autres.
Assise près de la cheminée, elle avait terminé de rédiger une lettre, en réponse à la reine et elle l’avait remise entre les mains du garde, qui se trouvait maintenant face à elle. Les servantes avaient disposé quelques mets et du vin et la princesse savait que dans l’antichambre des dames d’honneur s’y trouvaient, dont Alice Walker, qui serait prête à venir, à la moindre de ses demandes. En bonne hôtesse, la princesse demanda à l’homme s’il avait été bien installé dans ses appartements, pour voir si les servants de ce château obéissaient à ses ordres. Elle n’avait pas pour habitude de recevoir pour la nuit des émissaires et elle ne souhaitait pas qu’on entende dans tout Londres, que la princesse Elizabeth ne savait pas recevoir les envoyés de sa souveraine. L’homme lui répondit alors qu’il était bien installé et qu’il s’était permis de demander un repas pour se restaurer. La jeune femme sourit, tout en dégustant un raisin et l’écouta parler franchement, sur ce lieu qu’il qualifiait de prison dorée. On n’avait pas besoin d’aller plus loin, pour savoir qu’à Woodstock, la princesse Elizabeth était prisonnière, sous garde, dans la crainte de la voir un jour lever une armée de protestants, qui pourrait combattre la reine Mary. Elizabeth savait tout cela et elle avait appris à s’en accommoder, après tout elle n’avait pas le choix, tout ceci était les ordres de la reine et en tant que simple servante de celle-ci, elle se devait de lui obéir. Dans son malheur, elle avait de la chance, le palais se situait dans l’Oxfordshire, à l’écart de Londres et de ses tumultes, mais aussi éloigné de la Tour d’où elle avait fait un séjour durant plusieurs mois. Le confort de Woodstock était bien plus supérieur, par rapport à son ancienne prison. Elizabeth le savait, elle n’avait pas à s’en plaindre.

« Je suis contente de savoir que vous avez été bien servi et ne vous souciez pas des cuisiniers, ils devaient être bien heureux de pouvoir servir un invité, il y en a tellement peu ici. » Commença la jeune femme, qui continuait de picorer quelques fruits. « Après, pour être franche avec vous, ce palais est bien différent de la Tour et je ne risque pas de mourir de fièvre ici, contrairement à mon ancienne prison. Ensuite, j’ai de bonnes dames qui sont à mon écoute et que j’apprécie beaucoup. Cela aurait pu être pire. » Disait-elle en sous entendant, qu’elle aurait très bien pu perdre sa tête. « Pourquoi cette question ? » En effet, qui se souciait réellement de la princesse Elizabeth en dehors de sa proche famille, qui n’avait de cesse de s’inquiéter pour elle ? Pour la couronne, même si celle-ci lui avait pardonné, elle n’était qu’une ennemie, une femme qui pouvait retourner sa veste à tout moment, pourquoi donc, cet homme se souciait-il de sa condition ?

Octobre 1554.
Palais de Woodstock.

Même si son chemin avait déjà rencontré celui de nombreux hommes, sans bien sûr qu’ils deviennent ses amants, Elizabeth Tudor n’avait pas pour autant l’habitude d’en recevoir durant sa captivité. Sa prison dorée avait bien des inconvénients, dont celui de ne point pouvoir recevoir ses amis et quand un nouveau visage venait lui rencontre visite, elle l’accueillait comme il se doit. Elle avait vu il y a peu, son cousin Howard, qui après une mauvaise chute de cheval, s’était retrouvé à Woodstock. A ce moment-là, la rousse en avait profité pour avoir une longue conversation avec lui, mais elle ne l’avait point retenu trop longtemps. Là c’était différent, l’homme de la garde, qui était devenu messager était un inconnu, qui selon ce qu’elle savait n’appartenait pas à la faction protestante, qui souhaitait secrètement la mettre sur le trône. S’ennuyant, Elizabeth n’avait donc pas de scrupule à l’inviter dans ses appartements, pour discuter de choses et d’autres.
Assise près de la cheminée, elle avait terminé de rédiger une lettre, en réponse à la reine et elle l’avait remise entre les mains du garde, qui se trouvait maintenant face à elle. Les servantes avaient disposé quelques mets et du vin et la princesse savait que dans l’antichambre des dames d’honneur s’y trouvaient, dont Alice Walker, qui serait prête à venir, à la moindre de ses demandes. En bonne hôtesse, la princesse demanda à l’homme s’il avait été bien installé dans ses appartements, pour voir si les servants de ce château obéissaient à ses ordres. Elle n’avait pas pour habitude de recevoir pour la nuit des émissaires et elle ne souhaitait pas qu’on entende dans tout Londres, que la princesse Elizabeth ne savait pas recevoir les envoyés de sa souveraine. L’homme lui répondit alors qu’il était bien installé et qu’il s’était permis de demander un repas pour se restaurer. La jeune femme sourit, tout en dégustant un raisin et l’écouta parler franchement, sur ce lieu qu’il qualifiait de prison dorée. On n’avait pas besoin d’aller plus loin, pour savoir qu’à Woodstock, la princesse Elizabeth était prisonnière, sous garde, dans la crainte de la voir un jour lever une armée de protestants, qui pourrait combattre la reine Mary. Elizabeth savait tout cela et elle avait appris à s’en accommoder, après tout elle n’avait pas le choix, tout ceci était les ordres de la reine et en tant que simple servante de celle-ci, elle se devait de lui obéir. Dans son malheur, elle avait de la chance, le palais se situait dans l’Oxfordshire, à l’écart de Londres et de ses tumultes, mais aussi éloigné de la Tour d’où elle avait fait un séjour durant plusieurs mois. Le confort de Woodstock était bien plus supérieur, par rapport à son ancienne prison. Elizabeth le savait, elle n’avait pas à s’en plaindre.

« Je suis contente de savoir que vous avez été bien servi et ne vous souciez pas des cuisiniers, ils devaient être bien heureux de pouvoir servir un invité, il y en a tellement peu ici. » Commença la jeune femme, qui continuait de picorer quelques fruits. « Après, pour être franche avec vous, ce palais est bien différent de la Tour et je ne risque pas de mourir de fièvre ici, contrairement à mon ancienne prison. Ensuite, j’ai de bonnes dames qui sont à mon écoute et que j’apprécie beaucoup. Cela aurait pu être pire. » Disait-elle en sous entendant, qu’elle aurait très bien pu perdre sa tête. « Pourquoi cette question ? » En effet, qui se souciait réellement de la princesse Elizabeth en dehors de sa proche famille, qui n’avait de cesse de s’inquiéter pour elle ? Pour la couronne, même si celle-ci lui avait pardonné, elle n’était qu’une ennemie, une femme qui pouvait retourner sa veste à tout moment, pourquoi donc, cet homme se souciait-il de sa condition ?

Octobre 1554.
Palais de Woodstock.

Il était rare qu’Elizabeth Tudor reçoit avec autant de bonté les serviteurs que la reine lui envoyée. Habituellement, elle les laissait dans les cuisines ou les quartiers des serviteurs, pour qu’ils se restaurent et partent aussitôt, mais avec cet homme, elle avait changé ses habitudes. Le message qu’il lui avait apporté n’était pas de la plus haute importance et cela intriguait la princesse de voir qu’un garde a été apprêté à cette si humble tâche. Après avoir terminé sa lettre, la jeune femme avait fait appeler l’homme, pour pouvoir la lui remettre, mais aussi converser avec lui. Ils étaient installés devant la cheminée dans les appartements de la princesse, avec quelques mets que la jeune femme avait fait disposer. Il était rare que la rousse reçoive un étranger à sa cour, parfois elle avait un membre de la famille Tudor, qui venait voir si elle ne s’amusait pas à trahir la couronne, sinon, elle avait affaire aux conseillers de la reine ou à des personnes de l’Eglise. Des visites qui n’étaient pas toujours plaisantes, surtout dans cette cage dorée, dans laquelle la princesse vivait.
Elizabeth jaugeait son interlocuteur, cherchant à savoir s’il était sincère et surtout s’il n’était pas un espion, présent pour rechercher un quelconque complot contre la reine. La princesse était toujours méfiante envers tout le monde, bien plus encore depuis son passage à la Tour, mais elle n’avait pas le choix. Si elle voulait survivre dans ce monde sans impunité, elle devait être méfiante et toujours rester sur ses gardes. Cependant, au fur et à mesure que l’homme parlait, elle le trouvait sincère, mais cela ne l’empêcha pas de rester neutre et de ne rien dire de plus sur elle, que ce que le monde connaissait déjà. Le garde lui semblait avoir plein de sollicitude envers elle, ce qu’Elizabeth voyait déjà parmi ses nombreux partisans, ces personnes de l’ombre, qui par un simple geste ou une parole lui montraient qu’elles étaient de son côté. Il parut horrifié d’apprendre qu’elle avait été à la Tour de Londres et cela toucha la jeune femme. Ce moment avait été l’un des plus horrible de sa vie, plein de tension et de peur où elle était sans cesse interrogée. La jeune femme avait même cru voir son heure venir, mais par chance, le roi Philippe avait parlé en sa faveur, auprès de la reine. Elle ne savait pas pourquoi, mais la princesse l’en avait remercié, lors des noces royales. Suite à une question de sa part, l’homme lui expliqua qu’il était entré dans la garde, à cause d’elle et qu’en tant qu’homme de liberté, il s’était senti oppressé à la vue de ce lieu.

« En effet, on a vite fait le tour de ce château. Par chance, j’ai les jardins et je peux parfois sortir à cheval, sous bonne garde. Ce sont mes seuls plaisirs. » Souriait la jeune femme, tout en expliquant son point de vu. Elle se mit alors à rire en voyant les prouesses en jonglage de l’homme, en raison de sa maladresse à attraper des raisons. Elizabeth Tudor riait rarement et cela lui faisait du bien d’avoir sincèrement le sourire aux lèvres. « Au moins, si un jour vous vous blessez au combat, vous pouvez vous reconvertir en fou du roi. » Riait de nouveau la jeune femme.

Octobre 1554.
Palais de Woodstock.

Certaines personnes avaient le don de s’imposer dans nos vies. Des étrangers, des gens peu dignes de confiance, des serviteurs, ou encore des envoyés de la reine. Au cours de son existence, Elizabeth Tudor avait vu de nombreuses personnalités être imposées dans sa vie, il y avait ses nombreuses belles mères, ses nourrices, ses précepteurs. Puis, quand elle est devenue plus grande, quand Mary est montée sur le trône, faisant par ailleurs, d’Elizabeth son héritière, elle avait dû rencontrer tout un tas de personnes. Des conseillers, des messagers, des dames de parage. Elizabeth n’avait pas le choix, son rang lui imposait de rencontrer ces inconnus et de se montrer à chaque fois aimable avec eux. Dans le cas de ce garde de la reine, la rencontre n’était pas désagréable et Elizabeth était même intriguée par le comportement de l’homme, qui semblait protecteur à son encontre. Jamais la reine ne ferait venir à elle un homme, qui pourrait être favorable à sa sœur. Se pourrait-il que le garde soit présent pour la piéger ? Ou était-il tout simplement un homme qui cachait ses vrais sentiments politiques. La princesse se posait de nombreuses questions, comme à chaque fois qu’elle recevait un inconnu. Elle avait pris l’habitude à ne jamais se livrer et encore moins à trop parler sur son compte, de peur qu’une parole soit déformée et qu’elle lui en coute sa vie.

« Savez-vous que les fous gagnent incroyablement bien leur vie ? Vous devriez essayer, mais malheureusement ma sœur n’a pas le même humour que moi et c’est elle la reine. » Souriait la jeune femme, tout en répondant à l’homme. Elle ne voulait pas que celui-ci pense qu’elle souhaite prendre la place de sa sœur. Même si elle était l’héritière de Mary, c’était un crime que de vouloir imaginer être sur le trône.

L’homme se servit à manger et Elizabeth était enchantée de pouvoir partager son repas. Elle-même était très gourmande, mais elle mangeait toujours avec modération, comme n’importe quelle princesse de son rang. En public, une jeune femme se devait de picorer comme un moineau, pour bien montrer qu’elle était une dame de qualité et non une ogresse. Ses mouvements étaient tous calculés, si bien qu’Elizabeth Tudor était rarement naturelle et ce qu’elle regrettait, c’était qu’elle en avait perdu l’habitude.
La jeune femme fut étonnée, quand l’homme lui proposa de sortir du château pour une promenade dans les bois. L’étonnement laissa place à un visage plus neutre, un visage que la princesse affichée quand elle se mettait à réfléchir. Elle ne savait pas quoi penser de cette proposition, elle avait le sentiment que c’était un piège, comme si l’homme voulait faire en sorte qu’elle disparaisse, pour affoler le palais de Whitehall.
« Pourquoi pas, mais laissez-moi vous montrer les jardins dont je m’occupe, ainsi, vous pourrez rapporter à Londres, que la princesse Elizabeth est devenue une vraie campagnarde. » Proposa la jeune femme tout en imposant son parcours. Elle se leva et entra dans l’antichambre pour demander à Alice, qu’elle lui prépare une cape bien chaude pour affronter le temps du dehors.
« Je suis prête. » Fit-elle remarquer une fois qu’elle eut mis sa cape. Quand l’homme la rejoignit, elle quitta ses appartements, puis le château, arrivant dans les jardins, dont elle avait elle-même supervisé les aménagements.

Octobre 1554.
Palais de Woodstock.

Recevoir des inconnus n’était guère dans ses habitudes et pourtant, le profond ennui qu’elle ressentait en vivant au palais de Woodstock, la ferait recevoir tous les messages, un tant soit peu aimable, qui viendrait lui conduire un message de la part de la cour. Elle recevait rarement des proches, à part sa cousine Katherine Grey qui était venue lui rendre visite et Thomas Howard, qui était tombé de cheval, non loin de chez elle. Les personnes de la cour n’étaient jamais très aimables à son encontre. La jeune femme recevait des ordres, on venait prendre des rapports quant à son comportement et rien de plus. Enfermée, seule, les seuls moments d’agréables étaient ceux qu’elle passait en compagnie d’Alice, sa servante, en qui elle était parvenue à faire confiance, mais aussi avec ses précepteurs. C’était son seul plaisir, apprendre, encore et toujours. Elizabeth apprenait l’Espagnol, dans le but de plaire au roi, mais aussi à la reine, qui était très attachée à ses origines, de par sa mère Katherine d’Aragon. La princesse aimait apprendre de nouvelles langues, ce n’était pas une difficulté pour elle, elle avait une certaine passion pour celles-ci et aussi elle aimait pouvoir comprendre tout ce qu’on lui disait et impressionner les ambassadeurs.
Recevoir des inconnus n’était guère dans ses habitudes et pourtant Elizabeth avait accordé bien des choses à cet homme de la garde, qui était venu lui apporter une lettre de la part de la reine. Elle lui avait permis d’entrer dans ses appartements, mais surtout de se promener en sa compagnie. Cela figurerait sûrement sur les rapports, mais la princesse ignorait que cet homme n’était pas le bon messager et que celui qui était censé venir, était désormais mort. Heureusement, elle était ignorante du crime de ce garde, sinon il y avait bien longtemps qu’il serait enfermé dans une pièce du palais, en attendant son arrestation.
Vêtue d’une cape, elle marchait à une certaine distance de lui, découvrant de nuit ses propres jardins ce début d’automne. Les fleurs n’étaient plus et tout était maintenant triste dans les bosquets. Heureusement, la nuit était douce et à cette période, quand il ne pleuvait pas, il était toujours agréable de se promener.
La marche se déroulait en silence, la princesse ne savait guère quoi dire, même si elle était plus à l’aise, ce n’était pas pour autant qu’elle allait se confier à cet homme. La reine avait mis beaucoup d’espions dans son entourage et même si ce garde semblait être de confiance, la jeune femme ne voulait point lui accorder la sienne. Ce fut l’homme qui parla le premier, se remémorant ses propos sur les fous et se plaignant de la compagnie de certains grands, qui pouvait être très ennuyeuse. En l’entendant parler aussi spontanément, la princesse ne put s’empêcher de sourire sincèrement.

« Oui, il est vrai que nous pouvons paraître assez ennuyeux, mais notre vie est rythmée par des codes et moi-même je n’ai guère de loisir, en dehors de mes sorties à cheval. Bien sûr, je suis toujours surveillée durant celles-ci et je ne peux jamais me rendre où je le souhaite… » Expliqua la jeune femme avant de s’arrêter, il valait mieux qu’elle ne se plaigne pas trop de ses conditions de vie ennuyantes, surtout si elle ne voulait pas que toute la cour soir au courant d’ici quelques jours. « Enfin, vous avez assurément plus de distractions que moi, vous avez la chance d’être né libre et non pas prince ou princesse. Nos destins ne nous appartiennent pas. » Ajouta la rousse pour expliquer à l’homme qu’il avait sûrement une bien meilleure place qu’elle-même. En effet, les grands nobles et les souverains ne pouvaient pas choisir leur destin et c’était celui-ci le triste constat de leur existence.