C'est la première fois que je vois un animal aussi gros. J'en avais déjà vu en France, mais pas aussi énorme et il ne semble pas vouloir nous lâcher. J'ai pris la main de la jeune fille sans vraiment réfléchir et on s'est mis à courir. On le distance légèrement mais il va finir par nous rattraper, j'ai beau avoir une bonne forme physique je n'avais jamais couru comme ça. Elle me remerciait déjà, c'est peut-être un peu prématuré, il est encore derrière nous.

« Ne me remerciez pas trop vite, nous ne sommes pas encore sauvé.»

Nous venons à présent de quitter la prairie pour nous diriger vers la forêt que je venais de quitter, je sais qu'il y a un lac un peu plus loin, peut-être que l'animal aura peur de l'eau et qu'on pourra lui échapper là-bas, mais je ne sais même pas si elle sait nager, ni même si l'eau ne sera pas totalement gelé. Il faut quand même essayer, c'est peut-être notre seul chance.

« Dites-moi, vous savez nager?»

C'est une drôle de première rencontre, généralement, je m'intéresse plus à la personne avant de poser des questions de ce genre-là. Je m'intéresse même beaucoup trop aux femmes. C'est peut-être parce que j'ai ce sentiment de frustration de ne pas pouvoir afficher mon amour pour Joane au grand jour. Elle est mariée et moi je ne suis rien du tout, je ne suis même plus noble, du moins, je le suis encore si je voulais je pourrais retrouver tout ce que j'avais avant, prendre le risque de faire affront à son époux, mais je préfère autant rester comme je suis. Je ne suis pas stupide à ce point là. Je sais que si mon père apprend que je suis en vie il me fera payer très cher d'avoir fait défaut à ma famille et d'avoir refusé mon mariage. Il serait déçu et je n'ai pas envie qu'il le soit, je préfère autant qu'il continue de me croire mort. Ce n'est peut-être pas une bonne idée, c'est même peut-être la chose la plus cruelle que j'ai pu lui faire, mais il ne m'a pas vraiment laissé le choix.

Elle sait nager, en voilà une bonne chose. Je me demande où elle a apprit, après tout c'est très rare à notre époque de savoir ce genre de chose. Son idée de grimper à un arbre n'est pas une si mauvais idée, mais par chance nous n'avons eu à faire ni l'un ni l'autre. Des paysans ont sans doute entendu les cris de la jeune fille, le sanglier à tout simplement disparut sans doute effrayé par le bruit que les nouveaux arrivants ont fait. Je me suis arrêté et j'ai soufflé puis j'ai lâché la main de la jeune fille. J'allais lui dire quelque chose lorsque quatre homme sont arrivé et m'ont attrapé m'accusant d'avoir voulu m'en prendre à elle. Lady Cavendish … il ne manquait plus que ça que l'on m'accuse encore à tort, comme pour le vol ou l'on m'avait accusé, j'étais juste là au mauvais endroit au mauvais moment.

« Lâchez-moi! Ce n'est pas du tout ce que vous croyez.»

Ça ne servait à rien d'user de la force avec eux, je ne faisais pas le point, même si je sais cogner. J'espère juste que Lady Cavendish ne les laisse pas croire n'importe quoi. Je ne m'attendais pas du tout à ce qu'elle soit noble, encore moins à ce qu'elle soit une Cavendish. Si j'avais gardé mon statut peut être qu'ils ne m'auraient pas accusés à tort. A croire que j'ai une tête de délinquant. C'est frustrant à force d'être pris pour une personne que l'on n'est pas.

«Mademoiselle, je vous en prie, dites leur. Je ne savais même pas quel était votre nom.»

Je ne sais pas si elle m'aidera, je l'espère et je pense que oui, elle est bien plus jeune que moi et que ce que je croyais aussi, mais elle n'a pas l'air d'être mauvaise, tous les nobles ne sont pas mauvais, je le sais bien, même si la plupart ne voient que l'argent, certains sont plus accessible et beaucoup plus ouvert, comme les jeunes gens généralement.

Je n'en reviens pas qu'ils fassent de moi un coupable. Mon seul tort est de ne pas avoir su son nom. Je l'aurais quand même aidé, mais j'avoue que ça se serait sans doute mieux passé pour moi. Ces rustres ne m'auraient pas accusés s'ils savaient qui j'étais vraiment. J'ai presque envie de leur hurler que je suis comte et donc noble comme Henriette. Mais ils m'accuseraient encore de mensonge. C'est pourtant vrai, tout autant qu'Henri n'est pas mon vrai prénom, mais je me suis fait à cette condition de paysan. C'est le seul moyen que j'avais trouvé pour échapper à ma famille et à ce mariage imposé que je refusais. J'ai quelques regrets parfois et puis je me rappelle que je n'aurais jamais rencontré Joane sans ça. Alors je me tais pour cette fois et la demoiselle vient à mon secours. Je fini par me dégager d'un geste un peu brusque.

" Merci ... Duchesse."

Je m'incline et la regarde, j'aurais peut-être du me douter qu'elle était noble. Elle était bien trop gentil, enfin les gens du peuple le sont aussi. Ma mère d'accueil l'est en tout cas, comme ses fils et son mari et si je ne retourne pas à la ferme ils vont finir par s'inquiéter. J'aurais dû être rentré. Je suis assez fâché de tout ce qui vient de se produire. Fâché qu'elle ne m'ai pas dit qui elle était. Comment aurait-elle pu savoir ce qui arriverait? Elle n'y ai pour rien, mais l'attitude des ces hommes me fâchent encore plus.

" Je ferais mieux de vous laisser. Vous avez sans doute des tas de choses à faire."

Je suis tout à coup un peu plus froid que prévu, sans doute parce que je suis en colère et que je n'ai jamais réussi à la cacher. Je voudrais tout à coup disparaître. Je n'aime pas que l'on m'accuse à tort. C'est souvent ce qui arrive pourtant et ça commence à m'agacer.

J’avais fini par me dégager et même s’ils me lançaient des regards en biais je m’en fichais. Pourquoi est-ce qu’on me prenait toujours pour le méchant de l’histoire ? Ais-je si l’air d’une mauvaise personne que ça ? Je me demande parfois comment ils réagiraient tous s’ils savaient qui j’étais vraiment. Je me demande si ça serait le même refrain et je suis persuadé que non. Quand on est noble on a rarement autant de problèmes. La jeune duchesse leur fait des remontrances, mais à mes yeux ça ne changera pas grand-chose. Je devrais pourtant lui en être reconnaissant. Elle aurait pu tout aussi bien me laisser me débrouiller tout seul.

Je lève les yeux au ciel lorsqu’elle me demande si elle m’a vexé. Sérieusement ? Non ce n’est pas elle le problème. Le problème ce sont eux et leurs regards dérangeant. Le problème c’est que je ne suis même pas capable de me sortir de ce pétrin tout seul et qu’il a fallu qu’une … jeune demoiselle m’aide. Je déteste ce sentiment d’impuissance. Je hausse un sourcil quand elle me dit de garder mes courbettes pour moi, je ne m’y attendais pas à celle-là. Je m’étais remis à marcher, préférant l’ignorer, c’est plus facile d’accepter d’avoir été aidé par une fille. Je suis un peu macho pour le coup. Elle me rattrape et me force à m’arrêter. Je ne peux m’empêcher d’avoir un léger ricanement lorsqu’elle me demande ce que je veux pour me faire récompenser.

« Ce que je veux ? Qu’on arrête de me prendre pour un malfrat sans arrêt. Quoi que je fasse, ou que je passe, c’est toujours le même cirque. J’en ai assez qu’on me prenne pour le méchant sans arrêt. Je n’ai jamais rien fait de mal qui puisse justifier cette attitude à mon égard. Ce n’est pas parce que je n’ai rien que je suis forcément méchant. »

Cette dernière phrase n’est pas vraiment vrai, j’ai choisi de ne rien avoir et le jour ou la jeune duchesse saura cela, elle risque de m’en vouloir, mais peu importe, pour le moment je suis ici et je suis plutôt remonté contre ces paysans. Eux aussi sont comme moi et pourtant, ils ont tout de suite cru que je l’avais attaqué. C’est ridicule.

«Quant à ce qui me ferait plaisir, vous n’êtes pas en mesure de le comprendre. »

Elle a grandi toute sa vie du bon côté. Elle n’a sans doute jamais eu de mal à se faire une place et un nom, malgré le fait que j’ai grandi également comme elle, ça n’a pas été forcément le cas pour moi. Je ne sais même plus très bien ce qui pourrait réellement me rendre heureux, enfin si … évidement ça serait d’épouser Joane et d’éliminer son mari … mais ça c’est évidemment impossible sans passer pour un meurtrier et sans avoir encore plus de problèmes que maintenant. La vie est parfois bien injuste.