30 Octobre 1554.
Edimbourg.

Janet Beaton avait toujours été une femme en marge de toutes les autres. Sauvage, elle avait préféré suivre l’éducation de ses frères, plutôt que de rester avec sa mère et ses sœurs pour apprendre la couture. Son père, qui adorait cette petite sauvageonne rousse, si semblable à sa défunte sœur la laissa faire ce qu’elle voulait, comme se vêtir comme un homme et se battre. Ses parents avaient fini très tôt par arrêter de compter le nombre de fois où elle était revenue couverte d’égratignures et de bleus. Janet a été pendant très longtemps incontrôlable, jusqu’à ce que son père devienne le gardien du palais royal de Falkland et que la famille gagne en prestige. A partir de ce moment-là, les parents Beaton devinrent plus sévères avec leur fille, l’obligeant à apprendre à devenir une femme et surtout à apprendre à apporter des robes. C’était non sans rechigner que Janet accepta, gardant toujours cet esprit sauvage et gagnant un compromis, elle apprenait à être femme, si elle pouvait continuer à s’entraîner aux armes comme un homme. S’entraîner, se battre, faire tout comme les hommes, tel était l’unique plaisir que la rousse avait et qu’elle n’abandonnerait pour rien au monde.
Pour ce jour, Janet était vêtue à la manière garçonne, mais tout en portant ses couleurs de veuve. Elle portait un corsage noir très ouvragé, en bas, la jupe était fendue, plusieurs fois, la laissant libre de ses mouvements, elle portait un pantalon, qui était commun chez les personnes du peuple, mais qu’elle avait adapté à sa fortune et à elle-même. Son allure choquée toutes les dames qui se trouvaient en ce lieu, mais il y avait bien longtemps que Janet se moquait des regards de ses comparses. Elle n’y prêtait même plus attention et préférait plutôt attirer les regards de leurs maris. Comme tous les ans, la rousse assistait à l’une des foires les plus prisées d’Ecosse et comme à chaque fois elle participait à l’un des tournois de tir à l’arc. Janet savait qu’elle était douée et il était parfois bien difficile de la mettre au tapis.
C’était sur l’un des espaces d’entraînement que la veuve Scott rencontra le comte Charmant. Elle s’entraînait, touchant à chaque fois sa cible en son centre. Elle était confiante pour le tournoi, même si elle savait que les organisateurs allaient organiser de nombreux défis pour compliquer la tâche. Alors qu’elle était en pleine entraînement, elle sentit des mains se poser sur son corps et un homme lui murmurer à l’oreille. Durant quelques secondes, Janet se retint de lui mettre un coup de coude bien placé, elle préféra plutôt lui répliquer face à sa proposition d’aide.

« Je vous donne deux secondes pour ôter vos mains de moi et de déguerpir. » Elle envoya sa flèche en plein dans la cible. « Sinon ce n’est pas la cible que je viserai, mais votre tête. » Ajouta la rousse, tout en sentant l’homme la quitter. Elle lui adressa un dernier regard noir et retourna à son œuvre. Il ne lui fallut pas deux minutes pour constater que l’homme était déjà en train de charmer une jeune femme blonde que Janet connait sous le nom de Louise de Brézé. Une jeune française qui était présente à la cour de Marie de Guise. La veuve Scott rangea ses flèches et mit son arc sur l’épaule et alla au-devant du comte et cette fois-ci elle lui envoya un coup de genoux bien placé.
« J’espère que cela vous empêchera d’avoir une descendance. Espèce de rat et qui plus est Anglais ! Retournes sur tes terres et saches qu’on ne va pas vers Janet Beaton, pour ensuite aller voir une autre lady. » Elle lui envoya un autre coup, mais cette fois-ci dans le ventre, sous les regards médusés de tous et surtout de Louise de Brézé.
« Excusez-moi madame, j’espère que je n’ai rien dérangé de trop important ? » Demanda-t-elle sous un ton froid.

30 Octobre 1554.
Edimbourg.

Janet Beaton n’était pas une femme qui se laissait faire et quand elle voyait un homme, tel que le comte Charmant, la charmer pour mieux se tourner vers une autre femme, elle n’hésitait pas à foncer dans le temps. Etant une femme qui avait vécu les pieds dans la boue à se bagarrer avec tous les garnements du coin, elle avait appris à encaisser et surtout à se battre. La rousse n’avait pas peur des hommes, elle savait qu’elle pouvait les battre à n’importe quel moment et en voyant ce comte, elle savait qu’elle n’aurait aucun mal à lui botter les fesses.
Janet était une femme qui se vexer rapidement et surtout elle détestait les Anglais, à ses yeux, le comte avait tous les défauts du monde et quand il s’était approché d’elle, elle n’avait ressenti que du dégout. Le violenter sur place, devant d’autres hommes de la société écossaise ne l’avait pas gêné. Janet était même heureuse de pouvoir humilier cet homme et de l’envoyer au tapis en même pas une minute. Une fois le comte humiliait, Janet ne s’en préoccupa plus, bien souvent, les hommes dans son genre, quand ils passaient ainsi entre ses mains fuyaient tels des lâches. D’ailleurs, la rousse n’avait eu aucun amusement à se venger de cet homme, il n’était vraiment pas un excellent combattant et cela, comme tous les Anglais.
Une fois vengée, Janet décida d’aller vers la blonde sur laquelle l’Anglais avait jeté son dévolu et elle n’avait pas décidé à la rabrouer pour lui demande si elle l’avait dérangé, alors qu’elle se trouvait en si mauvaise compagnie.

« Oui et je déteste les Anglais. » Ronchonna la rousse, avant de reprendre. « Je déteste encore plus qu’on tente de me charmer pour ensuite aller voir une autre, en tout cas je suis ravie, j’ai laissé un bon souvenir de l’Ecosse à cet idiot. » Se mit-elle à rire, avant de regarder le stand de pâtisserie et d’en prendre une.
La blonde quant à elle se présenta. Elle était Louise de Brézé et aussitôt Janet comprit que cette dame venait de la noblesse française, un pays allié à l’Ecosse.
« Janet Beaton. » Se présenta-t-elle. « Il me semble, que nous nous sommes déjà croisé à la cour. »

30 Octobre 1554.
Edimbourg.

De nombreux écossais savaient qu’il ne fallait pas ennuyer Janet Beaton, ni marcher sur ses platebandes. Grand malheur qu’a connu cet Anglais, quand il osa offenser lady Beaton et son orgueil. Elle n’était pas du genre à se faire charmer et encore moins à se faire rejeter pour une autre. Janet Beaton était une femme sauvage, une lady qui n’hésitait pas à frapper les hommes, quand elle en ressentait le besoin. Mettre à mal ce comte anglais avait été un véritable plaisir pour elle, surtout qu’elle les détestait, eux ces envahisseurs, qui ne cessaient de vouloir prendre l’Ecosse. Elle la connaissait la situation, après tout le clan Scott protégeait l’une des frontières du pays et il n’était pas rare de croiser quelques Anglais, voulant forcer la frontière, pour venir piller les fermes aux alentours. Les Anglais, les ennemis, Janet vivait en perpétuel conflit, mais surtout, elle n’oubliait pas qu’elle avait une vengeance à réaliser contre les Kerr qui avaient tué son mari.
Après avoir mis à mal cet Anglais, Janet commença une conversation, avec la jeune française, Louise de Brézé, qui se trouvait depuis quelques temps à la cour. Elle n’avait jamais eu l’occasion de lui parler, seulement de la croiser, comme lors du tragique évènement de Samain, qui avait été plus une fête pour elle, où elle s’était amusée à se battre, au péril de sa vie.
« Oui, il me semble, que nous nous sommes vus à Samain. » Répondit Janet. Ensuite, elle fut touchée d’entendre la femme lui présenter ses condoléances à propos de son défunt mari. Même si elle avait fini par s’habituer de son veuvage, son mari lui manquait de même que maintenant, c’était elle-même qui devait sauver le clan, en compagnie de Grisel, pour le bien de leurs fils.
« Je vous remercie pour votre sollicitude. En ce qui vous concerne, j’ai entendu dire que votre mari était prisonnier, avez-vous de ses nouvelles ? » Elle n’était pas particulièrement intéressée, mais Janet cherchait un moyen de faire la conversation, tout en cherchant à avoir le plus d’informations possible sur cette étrangère.
Elles buvaient un verre, quand soudain, deux hommes arrivèrent et jaugèrent Janet, qui en retour les regarda de haut. Ce fameux comte était venu se plaindre à ses amis et maintenant ceux-ci voulaient venger son honneur. Quelle lâcheté ! Elle n’aurait jamais cru qu’un tel homme ne saurait se défendre, au point de faire appel à deux de ses comparses. L’un d’eux lui attrapa violemment son bras. Janet essaya de se dégager avec tout autant de violence, mais elle n’y parvient pas.
« Quelle lâcheté, s’en prendre ainsi à une dame. Votre ami ne sait-il pas se défendre tout seul ? » Ricana la jeune femme pour se moquer des hommes.