Le sommeil n'avait jamais été quelques choses que j'avais tellement privilégié, je vous l'accorde. Je suis habitué à ne pas trop dormir et à faire face à de grosses journées. Sur le front de l'attaque, sur le champ de bataille, le sommeil est un luxe qu'on ne peut pas avoir, tout du moins qu'on ne peut pas se permettre d'avoir trop longtemps. Depuis, j'ai gardé cette habitude, me levant tôt le matin, à une heure très précise quelques soit l'heure de mon coucher. Je n'ai fait que quelques rares fois des exceptions à ce régime de vie, mais je peux les compter sur les doigts de la main. Et puis, il y a toujours quelques choses à faire de bon matin, quand tout le monde dors, ou que votre lieu d'habitation est en train de se réveiller, petit à petit. J'ai toujours été dans les premiers à me lever, et cela continuera jusqu'à mes vieux jours où je dirais que je ne le peux plus, mais je suis encore jeune, dans la pleine force de l'âge. Ainsi, je sors de mon lit, alors que tout est encore endormi, le jour se lève à peine en cette fin octobre. Les premiers rayons du soleil viennent frapper mon visage, je sens que cette journée va être excellente, comme un bon pressentiment, mais peut être que je me trompe même si mon instinct est en général plutôt bon. Je m'habille comme je le fais d'habitude. Je passe mon visage à l'eau froide pour me réveiller un peu avant de m'essuyer. Je regarde par la fenêtre l'espace d'un instant. Tiens, il y a quelqu'un dehors, une seule et unique belle jeune femme : Jane Dormer. Je l'aurais reconnu entre mille. Alors, je me hâte de sortir dehors, mais je ne croise pas son chemin immédiatement, non, car elle semble prise dans une course contre la montre plus ou moins invisible, comme si elle se devait de faire le tour du jardin en un temps record, alors je la suis, j'accord mes pas sur les siens, comme pour qu'elle ne me remarque pas, mais à un moment, je me laisse en faire un de plus pour qu'elle me repère. M'avait-elle seulement vue auparavant ? Je ne le pense pas alors un sourire naquit sur mon visage. Mais, non, je la laisse avancer alors qu'une chouette vient de hululer. Je pose ma main gantée sur son épaule. Jane ne cessa alors de bouger comme si on allait l'égorger ou je ne sais trop quoi lui faire. Je décide alors de prendre la parole.

" Jane, mais que faites-vous de si bon matin ? "

J'étais en général bien seul à cette heure de la journée, mais aujourd'hui ne semblait pas être un jour habituel, alors je lui posais la question. Serait-elle seulement heureuse de me voir ? Elle était si jeune, elle avait encore tout à découvrir de la vie.

Malgré le froid, Jane restait plantée là, la main de Goméz étant toujours posée sur son épaule. Puis sa voix s'éleva, douce et grave, et il lui demanda ce qu'elle faisait là de si bonne heure. Ainsi, c'était donc lui qui la surveillait à distance raisonnable. Elle souffla de soulagement. La peur qu'elle avait ressenti jusqu'à présent s'envolait doucement et elle se retourna face à lui. Un léger trouble la gagna, c'était la première fois qu'elle se retrouvait seule face à lui. Arriverait-elle à rester maitresse d'elle-même ou rougirait-elle comme une écervelée ?

Je me promenais, tout comme vous je suppose.

La demoiselle resserra son manteau autour d'elle, le froid se faisait vif. Si elle ne marchait pas, elle se transformerait très vite en statue de glace. Elle prit néanmoins le temps d'admirer son interlocuteur. Yeux d'un bleu vif, carrure agréable, mains qu'elle supposait douces. Jane se rendit compte des pensées qu'elle venait d'avoir envers un homme qu'elle fréquentait très peu et se sentit mortifiée. Que lui arrivait-il donc pour qu'elle se comporte de manière si niaise ?

Jane se détourna rapidement, un peu honteuse de sa conduite. Qu'allait-il penser d'elle si elle copiait son comportement sur celui de sa sœur, réputée pour être aguicheuse et superficielle au possible ? La jeune femme eut un intérêt soudain pour ses pieds et la neige posée au sol. Elle n'osait plus regarder le bel espagnol en face après sa conduite insensée.

Nous sommes fin octobre, les températures commencent doucement, mais sûrement à baisser. L'automne est parfois un peu rigoureux, mais pour le moment les températures sont dans la moyenne, enfin, apparemment, car en Espagne, il ferrait bien entendu meilleur qu'ici, mais le froid n'est pas quelques choses que je crains véritablement. Lors des combats que j'ai pu mené, la température n'a pas toujours été en ma faveur, alors ce matin, elle n'est ni trop fraiche, ni trop forte pour moi, elle convient parfaitement à une balade matinale dans les jardins de Whitehall. Jane est là elle aussi, ce qui m'étonne presque parce que je n'ai pas l'habitude de la voir, d'ailleurs je le vois bien, elle semble être frigorifiée alors que je venais de le dire, la température n'est pas si basse que cela à vrai dire. Alors que ma main était posée en signe de protection sur son épaule, elle sembla se retourner vers moi assez soulagée de savoir que ce n'était que moi qui la suivait dans les jardins et personne d'autres. Il y a tellement de choses qui pourraient se produire que je comprends ces doutes à vrai dire. Mais elle est soulagée de voir que ce n'est que moi, en me répondant qu'elle ne faisait que se promener comme moi à vrai dire. Elle resserra son manteau autour d'elle, car elle avait visiblement plus froid que moi. Puis elle me regarda, que dis-je, elle me scruta tout simplement comme si elle ne m'avait jamais véritablement vue. Pourtant ce n'était pas le cas que je sache. Mais il fallait avouer que c'était peut être bien la première fois que nous nous retrouvions dans une telle position, n'ayant personne autour de nous pour nous observer. Puis, se rendant compte que j'avais vu ces regards, elle pose le sien sur ces pieds. Un sourire vint sur mes lèvres, je la trouvais mignonne. Je me disais alors que je devrais apprendre un peu mieux à la connaître, car si physiquement, elle était à mon goût, l'enveloppe ne faisait pas tout, le coeur importait plus que cela. Ma main gauche vint alors trouver son menton pour que je le relève sa tête et que nos regards se croisent.

" Allons, n'ayez pas honte de me regarder. Faisons un bout de chemin ensemble, je crois que nous devrions profiter de cette rare occasion pour parler un peu, qu'en pensez-vous ? "

Bien entendu, si elle ne le désirait pas, je ne la forcerais nullement comme cela pourrait être le cas de quelques uns. Je n'étais pas de ce genre même si je pourrais me le permettre vue mon rang et mon statut social.

Se savoir si proche de Goméz la faisait trembler tout autant que le froid. Il la troublait, oui, bien plus qu'elle se l'était imaginé. La différence d'âge qui les séparait et son attirance pour lui l'effrayait. Elle n'était qu'une adolescente, voire une enfant à certains égards. Ses yeux l'hypnotisaient mais elle refusait de le regarder en face, elle ne voulait pas se mettre à rougir ou bégayer. Il émanait de lui une telle assurance, une telle confiance en soi, qu'elle se sentait toute fragile. L'adolescente se sentit obligée de relever la tête quand deux doigts gantés se posèrent sous son menton. Les regards se croisèrent et elle déglutit péniblement. Ces yeux la rendaient folle.

" Allons, n'ayez pas honte de me regarder. Faisons un bout de chemin ensemble, je crois que nous devrions profiter de cette rare occasion pour parler un peu, qu'en pensez-vous ? "

Quand elle entendit cette proposition, la demoiselle resta interdite. Son cœur s'accéléra à une vitesse folle et elle crut qu'elle allait se sentir mal. Il lui avait proposé, à elle, une balade dans les jardins. La bouche sèche, Jane décida néanmoins d'accepter et alla s'asseoir quelques instants sur un banc non loin de là. Elle se savait attirée par l'espagnol mais ne se doutait pas de la puissance de ses sentiments. Elle se reprit finalement et se leva. De nouveau, elle se vit confrontée aux yeux bleus envoûtants de son interlocuteur et sourit légèrement.

Je vous suis reconnaissante de m'accorder un peu de votre temps, Goméz.

En attendant sa réponse, l'adolescente regarda le paysage qui s'offrait à elle. Le jardin prenait vie : quelques insectes bourdonnaient encore ici et là, un oiseau chantait, perché sur un arbre, un chat gambadait, probablement à la recherche d'une petite proie. Un petit groupe d'enfants jouait à cache-cache dans tout le jardin, accompagnés de nourrices qui discutaient non loin. L'un d'entre eux se cogna aux jambes de la dame d'honneur, qui perdit l'équilibre et chuta. Heureusement pour elle, aucun dommage ne remit en cause la promenade qu'elle allait faire avec Goméz.

Le ridicule de la situation l'amusa et elle se mit à rire, toujours assise sur des graviers inconfortables. L'enfant ne devait plus savoir où se mettre, entre les remontrances de la nourrice et le rire de l'adolescente. Jane se releva une fois calmée et ébouriffa, avec un sourire, les cheveux blonds du garçonnet. Elle s'épousseta rapidement et se tourna vers son compagnon.

Pouvons-nous y aller, messire ?

Pourquoi avait-elle peur de me regarder ? Pourquoi avait-elle honte de cela ? Ce n'était pas un mal de me regarder que je sache, surtout de la part d'une si belle femme qu'elle était. Enfin, elle n'était pas véritablement en âge d'être une femme pourtant, physiquement, elle était simplement parfaite, en tout cas parfaitement à mon goût, et vu comment elle agissait à l'instant, il semblerait que je ne la rebute pas ce qui était un très bon point pour elle, pour nous à vrai dire. Je ne m'étais pas trop attardé sur mon cas, mais à présent que mon ami Philippe de Habsbourg était marié, je pouvais enfin prendre un peu de temps pour moi, pour choisir ma comtesse et tout semblait désigné Jane Dormer comme celle-ci. Mais je ne me hâtais pas trop dans mon jugement, je voulais apprendre un peu mieux à la connaître avant de me dire qu'elle était la bonne. Ainsi, je n'allais pas m'amuser à courir après plusieurs lièvres à la fois, un seul suffisait, et si elle ne faisait pas l'affaire, je tenterais ma chance avec une autre bien entendu. Pour le moment, il n'y avait personne d'autres, du moins pas vraiment, pas à ce niveau là en tout cas, c'était une certitude, alors si je devais parié un peu d'argent, je miserais sur Jane, bien entendu. Elle semblait être si belle, si craintive, presque peureuse, je pouvais le voir dans son regard, mais il y avait aussi une pointe d'admiration. En tout cas, elle semblait ne pas en revenir que je puisse lui proposer une petite promenade dans les jardins de Whitehall. Pourtant cela n'était pas si difficile, à mon sens, mais elle ne s'y attendait sûrement pas. Je l'avais surprise, plus que surprise même, mais au moins, il y avait de fortes chances qu'elle agisse de façon authentique, sans qu'elle ne joue un rôle qui lui irait si mal. Elle était naturelle, et cela comptait pour moi, elle ne semblait pas être superficielle comme certaines jeunes femmes que j'avais pu voir par ici, et cela m'allait comme un gant sur une main. Elle n'avait pas pu restée debout, elle avait du s'asseoir comme si son coeur s'était emballé, comme si elle était prête à s'évanouir dans mes bras. Je ne connaissais pas ces sentiments réels à mon égard, mais il y avait clairement quelques choses qui la dépassait peut être elle-même. Elle se releva après quelques instants, me répondant enfin. J'aurais pu m'offenser d'une telle réaction, mais au fond de moi, j'aimais cette réaction, son coeur ne serait sans doute pas trop difficile à conquérir si jamais je décidais de manger de ce pain là. Elle revint donc vers moi reconnaissante que je passe un peu de mon temps avec elle. Mais ce n'était rien, c'était tout naturellement que j'avais agis de la sorte, alors que la majorité des personnes logeant ici étaient en train de dormir. Pourtant, des enfants étaient arrivés et s'amusaient dans le jardin alors que leurs nourrices discutaient ensemble. Ils chahutèrent d'ailleurs un peu trop fonçant sur Jane qui tomba à la renverse. Je ne pu la retenir que son séant était déjà au sol. J'étais confus de cette situation, j'aurais du pouvoir la retenir, mais visiblement sa robe avait amorti un peu le choc qui n'avait pas été si violent que cela mais tout de même. Jane se mit alors à rire ce qui me soulagea alors que le petit garnement se faisait réprimander par la nourrice. C'était bien elle qui était pourtant le plus en faute, ne sachant pas surveiller cet enfant correctement mais je ne dirais rien, pour cette fois. Jane se releva alors, enlevant le gravier qu'il y avait sur sa robe me demandant si nous pouvions y aller. Je lui tendais le bras droit pour qu'elle passe son bras gauche à l'intérieur, l'invitant donc à y aller.

" J'espère que vous n'avez pas eu trop mal. Je m'en voudrais fortement si votre fessier s'en trouvait rougi. "

Sous entendu, à cause de ma maladresse à ne pas vous avoir retenu à temps. Parce que j'aurais du réussir à la retenir mais je n'avais pas vu venir le petit blondinet dans mon dos que déjà il était dans les jambes de la belle Jane. Mais cela ne serait qu'une petite anecdote sans conséquences pour la suite, du moins, je l'espérais. Je la regardais, et plus je le faisais plus je me disais qu'elle pourrait peut être devenir cette femme que je recherche depuis toujours.

Le petit garçon et sa nourrice étaient repartis et Jane se retrouvait seule face à son compagnon. Un peu démunie, ne sachant pas trop quoi faire, elle accepta le bras de Goméz après s'être relevée et époussetée. La jeune dame de compagnie ne comprenait pas trop l'intérêt que l'Espagnol, qui avait presque vingt ans de plus qu'elle, lui témoignait. Tant de femmes de la cour, certaines bien plus proches de l'âge du bel homme étaient tellement plus belles qu'elle-même. A vrai dire, elle doutait que les sentiments de l'homme ne soient pas réels et qu'il ne s'agisse que d'un jeu visant à le distraire avant qu'il ne jette son dévolu sur une autre femme. Lavinia Tyburn par exemple. La jeune femme de dix-huit ans était si belle qu'elle se demandait pourquoi l'Espagnol préférait passer du temps avec elle mais elle n'allait pas s'en plaindre, bien au contraire. Ce qui lui arrivait était trop beau pour qu'elle refuse de vivre des moments pareils. La jeune dame de compagnie espérait juste qu'il soit sincère dans ses déclarations et qu'il ne jouerait pas avec ses sentiments.

" J'espère que vous n'avez pas eu trop mal. Je m'en voudrais fortement si votre fessier s'en trouvait rougi. "

Cette remarque la fit sourire. Ainsi donc, Goméz s'inquiétait pour son fessier. Elle allait pouvoir s'amuser un peu et révéler une autre facette de sa personnalité, qu'il ne connaissait pas. Son sourire s'agrandit quand elle s'approcha de Goméz, l'air innocent. Elle se hissa sur la pointe des pieds pour être à sa hauteur.

Mon fessier s'en trouve fort bien, mais si vous voulez le vérifier, il faudra passer par la case intimité.

La jeune dame relâcha son bras et continua son chemin en direction du labyrinthe. Arrivée à proximité de l'entrée, elle se retourna suffisamment pour lancer un message non verbal à Goméz, puis disparut dans le dédale de verdure. Un rire discret s'échappa de ses lèvres tandis qu'elle se faufilait dans les allées. Elle avait découvert un passage secret et comptait bien s'en servir. S'il l'avait suivie, ce qu'elle espérait, elle serait sortie et l'attendrait à l'extérieur. Un petit jeu ne faisait pas de mal, n'est-ce pas ? Il faudrait qu'il la mérite s'il espérait qu'elle devienne sa femme.

Pourquoi elle et pas une autre ? Je ne savais pas vraiment mais le cœur à ces raisons que la raison ignore pourrait-on dire. Elle semblait être parfaite, elle l'était pour moi, je me devais de la conquérir, comme si j'étais sur le front, comme si j'étais en pleine bataille et que je ne pouvais me départir de mon intégrité. Elle était une forteresse à prendre, et j'étais l'assaillant qui essayait tant bien que mal de l'avoir. Étais-je mal partie en la laissant choir au sol à cause de ces petits garnements ? J'aurais pu le croire, un instant seulement mais elle avait rit presque aussitôt comme si cela l'avait amusé, à moins que ce ne soit un autre genre de rire qui était sortie de son gosier, comme si elle riait de la situation si désolante de se retrouver les fesses au sol devant moi. Je ne savais pas, mais je m'excusais, essayant de découvrir ce que cachait son cœur, son esprit, sa beauté intérieure. Parce qu'elle ne m'avait pas encore tout dit, elle ne m'avait presque rien dit même. J'étais clairement plus âgé qu'elle mais l'âge n'a que peut d'importance dans ce genre de relations. Ma remarque à propos de son fessier rougi la fit sourire, comme si elle aimait cette petite attention, à moins que ce ne soit d'autres images qui lui venaient en tête au vue de sa réponse assez osée. Elle s'approche donc de moi, se hissant sur la pointe des pieds pour me la prononcer. Elle me dit que son fessier allait bien et que si je désirais vérifier cette information, il me faudrait passer par la case intimité. Je ne savais pas comment prendre cela. Elle se montrait intéressée, mais n'étais-ce pas trop d'un seul coup ? Elle ne me laissa pas le temps de réfléchir que déjà, elle était plus loin. Elle me lançait un défi. Je ne pouvais pas le refuser alors je la suivais dans ces jardins, jusqu'à presque perdre sa trace. Je dis bien presque, parce qu'elle semblait être passé par un endroit impossible. Comment avait-elle réussi ce prodige ? Alors, je cherchais, quelques instants seulement avant de découvrir une sorte de passage invisible pour la retrouver. Était-elle à l'origine de celui-ci ? Avait-il était créé en même temps que ces jardins ? Je ne le savais pas, mais c'était original, j'en convenais.

" Vous m'avez fait peur, j'ai cru vous perdre un instant. Comment donc ceci est-il possible ? Je ne connaissais pas l'existence de tout cela. "

Je ne revenais pas sur ces précédentes déclarations à propos de la case intimité. Je ne voulais pas que les choses se fassent de façon trop rapide, non, je voulais que cela se fasse décemment et avec ordre. Je n'étais pas de ce genre d'homme à courir après toutes les femmes pour coucher avec elle dans n'importe quel coin de Whitehall ou de Londres. J'étais patient. J'attendrais le moment opportun pour faire d'elle ma femme, même si je devais avouer que c'était en bonne voie.

Après cette proposition pour le moins osée, Jane s'était faufilée à travers le labyrinthe. Au cours de sa promenade, ses paroles lui revinrent en mémoire et un sentiment de gêne s'était emparée d'elle. Que penserait-il d'elle après ça ? Il ne lui porterait décemment plus la même attention, la prenant probablement pour une fille un peu trop facile, et se retournerait vers des femmes qu'il trouverait sans doute un peu lus distinguée. Un peu déboussolée, la jeune femme, qui avait baissé la tête de honte et de déception, ne regardait plus vraiment où elle marchait. La jeune et jolie dame de compagnie de la reine se cogna à Goméz qui venait de passer le passage secret, l'endroit où elle aimait passer du temps quand elle ressentait de la mélancolie ou avait besoin de réfléchir.

" Vous m'avez fait peur, j'ai cru vous perdre un instant. Comment donc ceci est-il possible ? Je ne connaissais pas l'existence de tout cela. "

Le fait qu'il fasse l'impasse de ses précédents propos prouvait bien qu'elle allée trop loin et qu'il jugeait ça trop vulgaire pour un homme comme lui. La jeune femme baissa donc de nouveau la tête et joua avec son mouchoir, bien qu'elle ait ressenti une certaine joie à la suite de cette phrase. Ainsi donc il s'était inquiété pour elle. Un sourire discret apparut sur son visage et elle releva légèrement la tête, tout en prononçant des excuses d'une toute petite voix .

Je tenais à m'excuser pour mon attitude, Señor Goméz. J'ai bien conscience d'avoir été trop familière envers vous.

Elle s'approcha de l'aristocrate espagnol, lui prit gentiment la main et l'amena au centre de ce qu'elle considérait comme son havre de paix. C'était sa manière à elle de se faire pardonner. La jeune Jane espérait juste qu'il garderait pour lui ce qu'elle tenait à lui dévoiler.

Je considère cet endroit comme mon petit paradis. Personne ne connait son existence. J'aime y venir quand j'en ressens le besoin ou quand ma famille me manque.

La jeune dame de compagnie alla s'asseoir sur un banc proche en attendant que son compagnon dise ou fasse quelque chose. Le silence commençait à devenir pesant. Il ne montrait pas vraiment ses sentiments, contrairement à elle, et c'était plutôt déroutant. A quoi pensait-il ? Souhaitait-il juste mettre le plus de distance entre elle et lui ? Elle n'en savait rien et la déception s’immisçait comme un poison dans ses pensées.

La case intimité était-elle une case que je désirais voir chez la belle Jane Dormer ? Je ne savais pas trop, j'en avais envie, mais cela n'allait pas dans l'ordre des choses, n'est ce pas ? Je ne voulais pas défleurer la jeune femme de cette façon, ça ne se faisait pas le moins du monde, et même si elle semblait en avoir envie, je ne montrais pas que moi aussi cela me ferrait plaisir. Cela pourrait peut être passer pour quelques choses qui ne lui plairait pas, mais je devais montrer mon intérêt sans pour autant trop en montrer, juste ce qu'il fallait pour que nous puissions apprendre à nous connaître, un peu plus avant que je ne lui déclare ma flamme. Je ne voulais pas me dire que nous pourrions être incompatible, alors je devais la connaître, encore mieux que je ne la connaissais actuellement. Alors je la suivais dans ce jardin, elle était passé dans un coin que je ne connaissais pas, et nous avions failli nous rentrer dedans et nous faire mal, mais il y avait eu plus de peur que de mal, heureusement d'ailleurs car bien évidemment, cela aurait été elle qui en aurait pris le plus pour son grade. Mais les choses se passaient, bien pour le moment, mais s'il fallait que tout continue dans ce sens, tout ne devait pas aller pour autant trop vite. Jane semblait cependant encore honteuse d'avoir dit ces quelques mots, elle pensait s'être montrée trop familière mais au contraire, cela me montrait qu'elle était intéressé par moi, autant que j'étais intéressée par elle. Je lui souriais alors, ne voyant pas quoi lui dire pour ne pas la mettre davantage mal à l'aise. Elle me prit la main et m'emmena alors au centre de cette petite partie de coin de paradis. Elle aimait venir ici quand elle en ressentait le besoin ou que sa famille lui manquait, autrement dit, elle me faisait voir son intimité en quelques sortes, n'est ce pas ? Puis elle alla s'asseoir sur un banc et je la rejoignais bien vite. Alors qu'elle avait une main posée sur le banc, je m'asseyais donc à côté d'elle et posait ma main sur la sienne.

" C'est un endroit magnifique Jane. J'aimerais beaucoup y passer du temps avec vous pour apprendre à vous connaître encore plus car j'en ressens le désir. "

Ces paroles étaient correctes, n'est ce pas ? Elles ne se voulaient pas trop hâtives, mais elles montraient mon intérêt pour la jeune femme, non ? En tout cas, je voulais qu'elle me parle d'elle, qu'elle m'en dise plus pour que je sois sûr de moi à son sujet, histoire de faire envoler mes derniers doutes, afin qu'une belle histoire d'amour commence.