Je lève les yeux au ciel à sa réponse. J’aurais dû m’en douter. Ce n’est qu’un rustre incapable d’être présentable pour une seule journée, que ce soit celle-ci ou une autre, il n’a aucune manière. Il est presque pitoyable. Il a de la chance que dans le fond je l’apprécie, même si je ne lui montre pas. Je voudrais qu’il se range et qu’il comprenne que ça donne pas une bonne image de lui, qu’il serait aussi heureux avec une famille, comme j’ai pu l’être. Ma femme était mon rayon de soleil, à présent c’est mon fils qui l’est.

« Ça ne m’étonne pas de toi, toujours aussi peu présentable. Si la reine te voyait, elle te renverrait sur le champ. »

Je suis toujours aussi désagréable avec lui. J’ai espéré que ça le touche, que ça réveil en lui quelque chose, mais rien. J’ai beau essayer et essayer ça ne fait rien du tout à croire que mes conseils rentrent d’une oreille et sortent de l’autre. C’est sans doute le cas et je déchante encore plus lorsqu’il me tend un mouchoir qui vient de l’une de ses courtisanes. Je ne peux m’empêcher de soupirer encore. Je lui ai répété cent fois que je n’avais pas l’intention de trouver une autre épouse, ni même de courir les jupons comme il le fait. Je suis trop vieux pour ça et je ne veux pas que mon fils me voit sortir avec d’autres femmes alors qu’il ne connaît pas sa mère. Il est jeune certes, mais à cinq ans on a déjà quelques souvenirs et je ne veux pas qu’il se souvienne de ça.

« Combien de fois devrais-je te le dire ? Ce n’est pas parce que je suis veuf que j’ai l’intention de courir après tout ce qui bouge. Je ne suis pas comme toi et tu devras un jour te ranger. Tu ne seras jamais crédible sinon. Aucune jeune femme ne voudra sortir avec un rustre comme toi. »

J’y suis allé peut-être un peu fort, mais à vrai dire il m’agace avec son côté dragueur. J’essaie de lui faire prendre conscience qu’il n’y a pas que la drague qui compte. Il devra tôt ou tard passer par le mariage pour être pris au sérieux. Certaines demoiselles aiment ça, mais je doute que les grandes dames soient attirées par un coureur de jupons.

Nous n’avons pas la même conception des choses, c’est une évidence. Un lui est libertin et profite de la vie, de sa jeunesse. Moi, ma jeunesse est passée et je n’ai plus vraiment l’occasion de pouvoir profiter. Je profite simplement de mon fils, de sa présence et du temps que l’on peut passer tous les deux. C’est un enfant adorable qui comprend vite les choses. J’espère qu’il aura toujours son côté imaginatif pour faire face au monde qui l’entoure.

Je fus surpris que Mark semble sincère et qu’il tente une approche amicale. Tellement surpris, que je me demande s’il ne prépare pas un mauvais coup, d’où mon regard interrogateur. Je n’ai pas pu m’empêcher de ricaner légèrement à ses propos. Sérieusement ? Je le regarde encore avec des yeux ronds largement perplexes. Je me disais bien qu’il n’était pas sincère. Sa dernière phrase et son petit rire me le firent comprendre. Je me suis senti vexé. J’ai fait une petite moue désapprobatrice.

«Tu es désespérant Mark. Les femmes ne veulent pas seulement faire l’amour, tu es au courant de ça au moins ? Peut-être qu’un jour tu t’en rendras compte et tu comprendras, mais visiblement ce n’est pas encore aujourd’hui. »

Je me demande encore ce que les femmes lui trouvent. Il est beau garçon, certes, mais il n’a aucune classe. Je ne comprendrais jamais les femmes et je ne le comprendrais jamais lui. Comment peut-il encore se regarder dans un miroir en sachant ce qu’il fait ? Comment la reine accepte-t-elle encore un homme comme lui dans ses rangs ? Cela aura fait scandale s’il avait été plus haut gradé, mais heureusement ce n’est pas le cas.

« Et nous n’avons aucuns points communs. »

Même s’il plaisantait, autant que les choses soient claires. Je suis à dix-mille lieux de lui. J’ai une famille et je suis père, lui n’a rien à quoi se rattacher, cela fait une grosse différence.

Mark ne comprendrait jamais. Il était si différent de moi. Comment pouvait-il espérait que je vois d’autres femmes après la mort de ma bien aimée ? Pouvait-il comprendre ce que c’était que d’être père et d’avoir d’autres responsabilités que sa petite personne ? Sans doute pas, sinon il n’agirait pas de la sorte, du moins je l’espérais sincèrement pour lui. Il me proposa de manger avec lui et j’en fus tellement surpris que je ne sus quoi répondre. Il me fallut un petit moment pour me décider. Avais-je envie de me disputer avec lui encore et encore ? Non sans doute pas, mais avais-je envie de manger seul ? Non plus, peut-être que pour le temps d’un repas je pouvais ravaler ma colère et ma rancune contre lui.

« Bien, mais s’il te plaît, évite de me parler de tes parties d’amusements. Je n’ai pas envie d’entendre ça pendant mon repas. Et entre nous, le péché est un bien grand mot. Tu n’es pas forcément à envoyer en enfer. »

Je ne voyais pas mal le fait qu’il puisse faire ce qu’il faisait avec les femmes, tant qu’il n’était pas marié, ça n’était pas vraiment un péché pour moi. Bien sur l’église condamne cet acte sous certains aspects, mais l’église condamne tellement de choses, qu’il faut parfois faire abstraction de certains maux. Je ne sais même pas pourquoi je lui parle de tout ça. Jusqu’à la dernière nouvelle il est catholique et je suis protestant, bien que j’essaie de plus en plus de la cacher avec tout ce qui se passe, mais il connait la réputation de ma famille. Mon père était membre de la garde royal, comme mon grand-père. Nous nous sommes toujours adaptés à la religion qu’imposait le roi. Si celle-ci doit changer je changerais bien-sur, mais au fond de mon cœur je serais toujours protestant et je crois que j’aurais du mal à ne pas aider et défendre ceux qui le sont.