Perdue. Désemparée. Abrutie.
Katherine arpentait les couloirs de Whitehall, la lèvre tremblante et la gorge sèche, en direction de la chambre de Jane Seymour, amie à qui elle pouvait se confier pleinement. La discussion qu’elle venait tout juste de tenir avec sa mère Frances Brandon avait laissé la jeune femme un goût amer. Son cœur se serrait à la pensée du futur que lui réservait sa génitrice, un futur qui ne possédait rien de commun avec celui qu’elle s’était plu à imaginer toutes ces années. La mort de Mary Tudor signifiait pour Frances Brandon une nouvelle opportunité de se saisir du pouvoir à travers la personne de Katherine, un avenir que la jeune femme se refusait à accepter, le tragique destin de son aînée l’ayant marqué à jamais. Oui, Katherine Grey était une descendante directe d’Henri VII et de fait une potentielle héritière, néanmoins cela ne voulait pas dire pour autant qu’elle dût ceindre la couronne d’Angleterre. Ainsi, la jolie fleur avait bien cru l’espace d’un instant que l’accession au trône n’était plus d’actualité pour les filles Grey. Une pensée bien sotte aux vues de l’ambition maladive dans laquelle se complaisait sa génitrice, sa perfidie la poussant à évoquer de tels desseins alors que Mary Tudor n’était pas encore passée de vie à trépas.

Et plus elle avançait, plus Katherine avait du mal à contenir ses larmes. Elle ne cessait de ressasser les dernières paroles de sa mère et cela lui était insupportable. Elle aurait bien aimé se confier à Mary, mais elle voulait avant tout protéger sa cadette et lui raconter la scène qui venait de se dérouler entre elle et leur mère n’était pas une bonne idée. Il y avait également Anne Stafford, or sa dame de compagnie n’était point avec elle et Katherine n’avait aucune idée d’où elle pouvait bien se trouver. Son seul soutien demeurait Jane. Douce Jane qui lui rappelait tellement sa sœur morte à l’échafaud. Jane qui la comprenait et trouvait toujours des solutions. Son amie était une perle, fragile certes, mais indispensable à la jeune femme. Elle se retrouva alors devant la porte de sa chambre qu’elle gratta afin d’annoncer sa venue. Tandis qu’elle pénétrait dans la pièce, Katherine appela son amie « Jane, tu es là ? C’est moi Katherine, j’ai à te parler ». A peine eut-elle prononcé ces mots, que des larmes vinrent habiller ses joues pâles. Or, ce ne fut point une voix féminine qui lui répondit, mais bel et bien un homme. Surprise, la jeune femme essuya précipitamment son visage humide et tenta tant bien que mal d’effacer l’air dévasté qui y avait pris place. Edward Seymour était là, debout, ses yeux bleus posés sur sa personne alors qu’elle n’avait plus rien de la parfaite lady qu’elle était habituellement. « Oh heu excusez-moi, je pensais que votre sœur était ici. Je ne pensais pas que vous vous trouviez dans sa chambre. Je, heu, je suis confuse. Veuillez pardonnez mon état. » A la vue de l’homme dont elle était amoureuse depuis plusieurs mois déjà, Katherine ne put s’empêcher de rougir. « Je … Je reviendrais plus tard. »murmura-t-elle avant de tourner le dos à celui qu’elle voulait pour mari.

AVENGEDINCHAINS