La peur nouait douloureusement les entrailles d’Anne alors qu’elle était fermement accrochée au bras de son amie. Elle n’avait qu’une crainte : que les révolutionnaires passent la porte et qu’ils détruisent tout sur leur passage, tuant et massacrant les gens. Elle ne pouvait s’imaginer mourir loin de Lorenzo. Elle ne pouvait non plus imaginer le chagrin qu’il aurait de savoir que ces derniers instants s’étaient passés dans la douleur et la peur. Et pour exemple, elle prenait ce jour où ils avaient été piégés dans la tempête lors d’une balade en forêt. De ces bandits qui l’avaient blessée et de la haine qui avait envahi son fiancé alors. Il était devenu méconnaissable, animé seulement par ce désir de tuer ces hommes qui faisaient du mal à cette personne si cher à son cœur : elle.
Puis elle ne pouvait tout simplement pas se résoudre à mourir. Lorenzo était sa raison de vivre. Et Catherine ? Comment ferait-elle si elle n’avait plus l’assistance de la blonde ? Elle ne voulait pas que les gens autour d’elle soient malheureux. Heureusement, elle pouvait s’estimer chanceuse d’avoir la présence d’Anna à ses côtés. Cette dernière possédait plus de raison et de sang-froid que la jeune anglaise. La situation était tout aussi précaire pour elle, mais elle savait se raisonner et inciter Anne au calme.
Cette dernière se raccrochait à sa voix rassurante qui faisait taire quelque peu sa panique. Elle lui faisait confiance, elle qui autrefois, les avait sauvé d’un mauvais pas. La blonde se souvenait de ce jour où elles avaient bien failli être repérées par des révolutionnaires. Si Anne avait perdu la totalité de ses moyens, ce n’avait pas été le cas d’Anna qui avait su réfléchir et les tirer de ce mauvais pas.
Anne soupçonnait d’ailleurs que ces hommes soient les mêmes que ceux qui tentaient d’enfoncer la porte. L’apothicaire n’osait s’avancer sur ce sujet. Elle préconisait plutôt de partir d’ici avant que ça ne dégénère.

« Vous avez sans doute raison. Nous ferions mieux de partir d’ici au plus vite. » agréa Anne d’une voix tremblante.

Autour d’elles, l’agitation montait. Les gardes criaient, sommant la population au calme tandis qu’ils se mettaient en position afin de faire front à l’assaut. Les gens paniquaient et il y avait beaucoup de mouvement, il serait sans doute difficile de se frayer un chemin hors du théâtre, aussi Anne se raccrocha à la main d’Anna. Quand tout à coup, la voix de la reine se fit de nouveau entendre. Elle enjoignait son peuple au calme et à l’ordre. Elle les incitait à la prière afin que Dieu les protège de ce fléau ou demandait aux hommes de se battre pour elle et le peuple. Ses paroles ébranlèrent Anne dont la voix imposante de la souveraine vibrait dans chaque fibre de son être. Une fois encore, ses pensées la ramenèrent à Lorenzo. Elle aurait tant souhaité qu’il soit à ses côtés.
Néanmoins, elle n’était pas la seule personne à protéger ici. Tout le monde s’était rassemblé pour regarder la pièce de théâtre et cela faisait beaucoup de personnes en position précaire. Les pensées d’Anne se tournèrent soudain vers Mary Grey. Quelle journée vraiment funeste pour elle. Elle ne pouvait supporter de laisser son amie dans le besoin et elle souhaitait plus que tout la protéger.

« Je dois retrouver une amie et partir avec elle. Voulez-vous m’aider ? » demanda l’anglaise en se tournant vers Anna.

Englobant ensuite la salle du regard et se hissant sur la pointe des pieds, elle scuta la foule à la recherche d’une petite tête brune. Elle la trouva bientôt, celle-ci n’ayant pas changé de place depuis le début de la pièce. Elle attrapa fermement la main de son amie apothicaire et fendit la foule afin de parvenir jusqu’à l’objet de sa recherche. Il y eut de nombreuses bousculades et Anne manqua plusieurs fois de tomber, mais enfin, elle trouva l’enfant. Immédiatement, elle prit sa main pour ne pas la perde.

« Mary ! Grâce au ciel vous n’avez rien ! » fit Anne dans un soupir de soulagement. « Vous ne devez pas rester ici. Venez avec nous, nous vous protégerons avec Katherine. »