L'hiver s'installe doucement dans la nuit
La neige est reine à son tour
Un royaume de solitude
Ma place est là pour toujours.

Je marchais la tête haute, elle était là, devant moi, même de dos je la reconnaissais – Elizabeth Clinton. Il fallait connaitre ses ennemis, enfin elle n’était pas mon ennemie directement disons qu’elle avait des relations qui n’allaient pas avec ma personne, elle était l’amie de la petite princesse portant le même prénom qu’elle et rien que pour ce fait, elle était de son côté, et je devais m’en méfier. Elizabeth Clinton n’était pas la personne que souhaitez voir à tout prix mais soit. Le mal était fait, j’avais pénétré l’Abbaye de Westminster et je n’avais plus aucun moyen de faire demi-tour, elle avait du entendre mon arrivée, et devait sentir ma présence dans ce lieu froid et religieux.

Je venais prier Dieu, de me protéger. Moi, mes dames, ma cour et mes gardes, nous allions quitter l’Angleterre pour retourner dans notre patrie – l’Ecosse. Nous allions reprendre la route, et j’avais peur. Je craignais une attaque. Je voulais prier, prier pour recevoir la grâce de Dieu, la protection de Marie. Je m’assis juste derrière Elizabeth. Priait-elle pour que la petite princesse revienne à la Cour ? Cette dernière s’étant éloignée pour ne pas se faire accuser de trahison.

Moi qui espérait être seule, moi qui espérait de ne pas retourner en Ecosse mais prendre la mer et faire la traversée jusqu’en France. Mon trône m’attendait, ma couronne m’appelait. J’allais prendre la Régence officielle de mon royaume au nom de ma fille, au nom des catholiques. Comment Elizabeth pouvait-elle être amie avec la princesse ? Etait-ce par intérêt ? Peut-être y était-elle réellement attachée en ce cas, si la princesse venait à chuter, Elizabeth chuterait à ses côtés. Telle était la dure loi du pouvoir. Je savais pertinemment que si Marie Tudor n’avait pas d’enfant, ma fille pourrait devenir reine d’Angleterre, mais pour le moment la question ne se posait pas. La reine n’avait pas d’héritier, mais un mariage était prévu – j’étais dans la confidence.

En ce moment même, je regrettais de ne pas m’être un peu plus renseignée sur la vie d’Elizabeth Clinton, j’avais eus écho de quelques brides de sa vie, on m’avait dit qu’elle était Ecossaise, cela s’était révélé être faux. Il fallait se méfier de ce qu’il pouvait se raconter à la Cour. Le face à face avec Elizabeth était inévitable, cette entrevue dans les jardins de l’Abbaye ne pourraient qu’être plus enrichissants, peut-être que par ses mots je pourrais apprendre des détails que j’ignorais encore. Pour l’heure, je fermais mes paupières. Je récitais dans ma tête des prières. Mains croisées. Pensée ailleurs.

« Bénissez mon voyage…. » murmurais-je doucement.

♛	Une rencontre prometteuse ?

Marie & Elizabeth

(gif tumblr/code northern lights.)

« Les amis de mes ennemis, sont mes ennemis… »

Pénitents. Nous avions tous quelque chose à nous reprocher, plus ou moins grave. Beaucoup d’entre nous étaient prêts à tout pour parvenir à ses fins, la détermination remplissait la cour de Londres. Certains vivaient mieux que d’autres le fait d’avoir péché. Néanmoins, je n’étais pas là aujourd’hui pour plaider ma cause. J’étais là pour prier Dieu de m’accorder sa protection. Tous les jours, je disais une prière pour que Dieu me protège, moi, ma famille, Marie. Ma prière terminée, je me relevais de mon appui pour prendre l’air. Je marchais, lorsqu’une Dame me salua. Une révérence parfaite. Je posais mon regard sur Elizabeth. Je savais qui elle était, avant de rentrer dans l’Abbaye on m’avait annoncée chaque personne qui se trouvait ici. On m’avait même demandée si je souhaitais qu’on les fasse sortir pour que je puisse être seule – chose que j’avais refusée.

« Lady Clinton, c’est un honneur de faire enfin votre connaissance. » C’était à moitié juste. J’avais demandé qu’on me fournisse les noms de tous les proches de la princesse Elisabeth, et Lady Clinton en faisait partie. Par conséquent, je m’en méfiais déjà. « Venez avec moi, nous serons plus tranquilles dehors pour parler. »

Je ne lui laissais pas le choix, mes Dames s’étaient déjà mises à marcher, Elizabeth était contrainte de me suivre. Je me demandais ce qu’elle me voulait : quelque chose à demander ? Simple politesse ? Espionne de la princesse ? Oui j’étais paranoïaque, mais la Cour d’Angleterre n’était pas mon ami même si officiellement on se plaisait à le croire. Elizabeth venait peut-être en reconnaissante, voir comment j’étais ? Après tout l’Ecossais étaient l’attraction de cette fin d’année en plus de la Rébellion qui dans l’ombre se préparait. Je marchais en direction du jardin de l’abbaye, un espace très modeste pour continuer à communier avec les saints.

« Vous, aussi vous venez chercher la protection de Dieu ? »

Je lançais la conversation avec une question très simple, à laquelle j’avais déjà la réponse de toute manière, elle était là pour prier. Je n’avais pas pris le temps de me renseigner à son sujet, je connaissais son nom c’était déjà un bon début. Je n’étais pas du genre à raconter ma vie et j’étais curieuse de voir ce qu’elle allait me répondre, le pourquoi du comment de sa présence ici et ce qu’elle me voulait. Etait-elle l’envoyée de la princesse ? Une espionne dans son ombre ? Une amie chère qui s’informe ? Ma mission d’aujourd’hui était de découvrir l’envers du décor. J’allais bientôt partir de Londres, le voyage de retour était programmé je devais préparer mon accession au trône de manière officielle avec une cérémonie, ainsi que l’investiture. Mon chemin recroisera forcément celui de l’Angleterre, de nombreux Ecossais restaient à la Cour d’Angleterre, j’attendais d’eux qu’ils ouvrent leurs yeux et les oreilles et m’informent des détails qu’ils pourraient voir. Je marchais doucement, mes Dames étaient un peu plus loin, deux gardes étaient autour de nous et assuraient ma protection. Je scrutais cette Elizabeth Clinton, tout en faisant quelques pas vers une sorte de banc en pierre grise pour pouvoir m’asseoir et profiter du soleil. J’invitais Lady Clinton à s’asseoir près de moi, nous pourrons ainsi discuter un moment ensemble et faire plus amples connaissances – cela ne pourrait m’être que bénéfique.

« Quelle délicieuse journée, ne trouvez-vous pas ? »

Lady Clinton semblait être une personne censée, quoi que j’avais déjà entendu des rumeurs à la Cour comme quoi son allégeance était changeante… Jane Grey… Mary Tudor… Je connaissais ce genre de personne qui n’avait pas de croyance fixe, des profiteurs rien de plus, rien de moins néanmoins j’aimais connaitre les Dames de la Cour, les rumeurs, les histoires c’était ainsi que j’avais toutes les clés en main pour me maintenir sur le trône. Permettre à Mary (Stuart) d’être Reine d’Ecosse et de France. Je devais avoir la confiance de tous, pour gagner leurs confidences et ainsi être au courant des secrets des autres afin d’avoir le pouvoir sur leurs personnes, il était si facile de faire du chantage… Si facile d’avoir la main mise sur quelqu’un…
Je la regardais d’un regard en coin, pour voir ses expressions, avait-elle peur ? Me craignait-elle ? Il ne me semblait pas. Elle me sourit alors que nous arrivions dans le jardin de l’Abbaye.

« Mon séjour… à part les tentatives d’attentats envers la Reine… je ne vois pas d’autres ombres à l’horizon. Vous avez un très beau pays, en effet. Je n’ai malheureusement pas eus la chance d’aller dans le Hertfordshire, votre domaine se trouve là bas ? C’est une très chaleureuse invitation que vous me faites là. Le soleil vous éblouit ma chère ? »

Je fis un signe à mon garde qu’il se mette entre le soleil et Elizabeth, les rayons ne devaient pas la gêner. Elizabeth posa son regard au sol, puis me regarda timidement.

« L’Ecosse… imaginez un territoire plat, vert. De la verdure à perte de vue. La France a, à mon gout plus de paysage varié je n’ai vécu que dans le nord de la France pour ma part. Je suis née là-bas, je suis une princesse française également. Quelle est votre terre natale ? N’êtes-vous pas anglaise ? Votre devoir est auprès de votre époux, Lady Clinton soyez heureuse de l’avoir encore à vos côtés. » lui dis-je d’un ton un peu sec.

Je préférerais ne pas à avoir à voyager et avoir toujours Jacques à mes côtés pour me soutenir et m’épauler. Mais ja la comprenais, beaucoup de jeunes femmes rêvaient de voir le monde et il leur était impossible de voyager, les navires n’étaient pas fait pour elle, et les mers peu sûres. A l’entendre parler de sa situation, cela avait tout l’air d’être une femme n’aimant pas sa condition, n’aimant pas son époux et voulant plus de liberté. Comme toutes les femmes de notre monde.

« Avez-vous des enfants, Lady Clinton ? Avez-vous cette chance ? »

Je posais mon regard lourd sur la blonde. Je voulais en connaitre plus sur elle, la jaugeait, me faire une propre idée de sa personne. Je souhaitais savoir si les rumeurs étaient fondées, si elles étaient justes ou bien si c’était seulement des commérages de salon afin de ruiner sa réputation. Quel genre de femme était-elle ? Le genre croyante ? Cela en avait tout l’air, et bien était-ce un leurre ? Une ruse pour se faire bien voir ? Elizabeth serait l’une des dernières personnes à qui j’allais partir avant mon départ. Je devais également aller présenter mes amitiés à la Reine et la remercier pour son hospitalité. Je regardais autour de moi, j’aimais cette abbaye. Peut-être parce que cela m’inspirait, c’était un lieu de paix et d’harmonie où régnait le silence, où je pouvais me retrouver, ne faire plus qu’un avec moi-même. La mère. La Reine. La femme. Pouvoir me reposer l’esprit, être paisible. Profiter de mes dernières heures en Angleterre…

J’accordais une grande importance à la noblesse anglaise, pour avoir les faveurs de la Reine je devais déjà avoir la sympathie de son peuple, comme je ne comptais pas – ou bien très peu – aller voir les petites gens, je m’intéressais plus particulièrement aux nobles qui me comprenaient mieux, comme nous faisions partie de la même société. Elizabeth Clinton me paraissait être une personne fort gentille, tourmentée par son passé mais gentille.

De grâce j’en suis ressortie indemne, je n’étais pas la cible du moins je ne le crois pas. Et bien, je retiens l’invitation si j’ai l’occasion, un jour, de faire un détour par votre Comté je m’arrêterais dans votre domaine, Lady Clinton.

Qu’Elizabeth soit une alliée, ou bien une ennemie cela ne changeait pas grand-chose en soit. Je devais me montrer proche de mes amis et encore plus de mes ennemis.

Alasdair Stewart, oui en effet ce nom ne m’est pas inconnu il est membre de la délégation écossaise à la Cour d'Angleterre. Il est l’un de mes portes paroles. Comment le connaissez-vous ?

Voilà une conversation des plus intéressantes, elle connaissait un Ecossais. Le monde était bien petit. Lorsque j’entendais Lady Elizabeth tout mon corps se crispa, elle était donc à son service ? Elizabeth Clinton baissait dans mon estime. Nous étions au service de nos époux, ils ne nous devaient rien, c’était nous qui leur devions tout. Mais cela, Lady Clinton ne semblait pas l’avoir compris, se plaignant de l’absence de son époux. Elle me demande un conseil sur son couple, je soupire longuement, pesant mes mots. Elle semble comprendre et pourtant.

Etre patiente, très chère. Vous n’avez guère le choix. Votre mari est prit par ses affaires je suppose ? Il faut vous faire une raison, les affaires du royaume sont plus importantes. C’est ainsi. L’Irlande n’est pas si différente que ça que l’Ecosse à mon humble avis, mais vous devez avoir très peu de souvenirs de ce beau pays si vous êtes entrée au service de la princesse Elizabeth, n’est-ce-pas ? Vous l’êtes encore ?

J’avais hésité avant de poser cette question, étais-je censée le savoir ? Je savais que la réponse ne me plairait guère. Mais elle devait être une amie de la princesse et donc elle ne sera pas mon amie. J’aimais l’hiver, mais je n’aimais pas avoir froid. L’hiver, c’était décembre, l’anniversaire de ma fille. J’aimais l’hiver même si c’était une triste saison qui faisait des ravages chez le peuple qui ne pouvait se chauffer et mourait de faim également. Je remerciais mes parents chaque jour pour m’avoir permis de m’élever en tant que reine, d’être née princesse de France, d’être noble. Je plaignais les pauvres à la merci de tous et même du temps.

Je compatis à votre douleur Lady Clinton, j’ai connu les mêmes épreuves autrefois, j’ai perdu mes fils et je ne souhaite cela à aucunes mères.

Je marque une pause avant de reprendre pour parler de Marie.

Sa Majesté se porte bien, elle fait son éducation en France au moment où je vous parle. Les nouvelles sont bonnes, c’est une excellente élève d’ailleurs. Elle fera une Reine parfaite. Quelque chose ne va pas, Lady Clinton ? Vous semblez avoir peur…

J’avais beaucoup de mal à cerner Lady Clinton, toujours est-il après cette entrevue j’aurais un avis positif sur elle. Elle me semblait sympathique, m’invitant sur ses terres, et étant amicale avec moi. Une future alliée au milieu de cette Angleterre hostile ? Je l’ignorais mais cela en avait tout l’air. Peut-être l’avais-je mal jugée ? Je resterais néanmoins toujours sur mes gardes, on ne s’en rend compte du véritable caractère d’une personne qu’après avoir vécu avec ou au bout de longues années où l’on se côtoie. Nous sommes, très souvent, déçus par nos proches lorsqu’on réalise quel est leur vrai visage.

« Je serais bien incapable de vous donnez de ses nouvelles, mais oui je peux vous dire qu’il est en ce moment-même à la cour d’Angleterre, vous pourriez le croiser. Calmez-vous très chère, on dirait que vous avez vu un fantôme, ne vous mettez pas dans de pareille état concernant votre mari. Nous vivons toutes plus ou moins la même chose. Vous n’avez pas l’air d’être une idiote, ne dites pas de sottises. »

Je pris la main de Lady Clinton doucement pour la rassurer, elle était une petite fleur bien fragile et pourtant une certaine force émane d’elle. Une femme bien tourmentée cette Lady Clinton. Je lui fis un sourire pour la réconforter. Etait-elle amoureuse de son mari ? Qui avait-il entre Alasdair et elle ? Et quelles étaient les relations qu’elle entretenait avec la Princesse Elizabeth ? Beaucoup de questions restées en suspend. Des questions sans réponses, des secrets peut-être ? Les problèmes de Lady Clinton envers son mari ne me regardaient en rien, avait-elle seulement besoin de se confier à quelqu’un ? Cherchait-elle une épaule sur laquelle pleurer ? Nous étions, toutes, dans le même bateau et cela je n’étais pas certaine que Lady Clinton l’avait réellement compris. Je ne pouvais pas m’apitoyée sur son sort, le sort de mon pays était en jeu et cela était bien plus important pour moi. J’avais mis ma vie entre parenthèse, je vivais ma vie par procuration ce n’était pas de mon devoir de régler les problèmes d’autrui. Elle devrait prendre son mal en patience. Vivre avec, faire comme si tout allait bien dans le meilleur des mondes. Sourire quand on a envie de pleurer. Dire que tout va bien, alors que rien ne va. Tout et son contraire. Faux semblants.

« Vous ne devez pas avoir peur de mon jugement, Lady Clinton, seul Dieu juge vos actes. Venez à présent, retournons dans l’Abbaye. Une voiture m’attend. C’était un plaisir Lady Clinton de faire quelques pas avec vous dans ce parc en tout cas. »