Loin de tout, mais surtout loin de toi.

Ses longs mois de solitude n'avaient rien changé, John avait été concerné, mais toujours très peu présent dans notre demeure londonienne. Une question me traversait souvent l'esprit : comment serait-ce la vie s'il n'était pas là ? Son absence me pesait de plus en plus, l'absence d'enfants également et puis il y a eu ça. Il a perdu ses moyens, je ne l'ai plus reconnu. Annabeth était là, toutes deux impuissantes face à lui. Nous n'avons dit aucun mot, mon regard en a dit long : à la fois brisé et rempli de déception, en colère, furieuse même. Je me souviendrais toujours du regard noir que John m'a lancé et les yeux d'Annabeth qui savaient déjà ce qui allait se passer.

Une énième dispute, des larmes piquant mon visage, encore et toujours la même ritournelle au sujet de cet enfant qui ne vint pas. Étais-je maudite ? John avait appris à la Cour qu'Antanasya était à nouveau enceinte... Au début j’avais pris la nouvelle avec beaucoup de joie pour ma sœur, je lui avais fait porter un mot avec toutes mes félicitations pour son nouveau petit héritier. Mon enthousiasme c’était bien vite évanoui quand mon époux franchit le pas de la porte plus énervé que jamais. Quelques jours auparavant, je lui annonçais être encore faible pour porter un enfant et que l’enfant que je pensais porter n’était plus. La grossesse de trop d’une sœur plus féconde que moi, l’enfant de trop qu’il ne pouvait supporter. Pendant un court instant, je pensais que c’était envers elle qu’il allait s’en prendre, montant son bel étalon et filant vers le domaine des Cavendish, il n’en fut rien.

Ce fut l’une des pires soirées de toute ma vie, sa main qui se lève vers mon visage, ses coups, moi tombant au sol ne faisant pas le poids face à la force d’un homme. Annabeth ne pouvant ni agir ni rien dire. J’étais désemparée. Meurtrie. Jusqu’à présent, nous nous en étions toujours très bien sorties, aujourd’hui ce n’était plus le cas, je comprenais que cela en était trop pour lui. Ne pas être père, ne pas connaître son héritier, avoir un avenir incertain, car j’étais incapable d’enfanté.

Alors, j’avais décidé de m’éloigner un peu. Quelques jours étaient passés, j’emmenais Annabeth loin de Londres, loin de tout, mais surtout loin de lui. Nous marchions au bord de la Tamise, je voulais oublier simplement oublier ces derniers jours, cette nuit. On flânait ici et là, nous n’avions pas de but précis, nous ne nous étions pas remémoré cette horrible soirée, je voulais juste m’aérer l’esprit loin de Londres et de son tumulte. Annabeth n’en paraissait rien, au fond d’elle elle devait bouillonner, elle était restée maîtresse de sa personne au vu de son passé, il ne pouvait en être autrement. Bras dessus, bras dessous, nous marchions en silence. Je n’avais pas desserré la mâchoire pendant plusieurs jours, disant le minimum, les mots m’échappaient, ma vie s’effaçait - la situation était de pire en pire, un peu comme l’Angleterre finalement.

crackle bones