J’étais une ancienne protestante, aujourd’hui catholique pour que ma tête reste sur mes épaules. Je m’étais adressée à Sarah Askew sans réellement savoir à qui je parlais, mais dans ce moment de crise autant se serrer les coudes un petit peu ! J’évitais de fréquenter des protestants, de peur d’être accusée d’en être une moi-même si jamais on commençait à fouiller dans mon passé. C’était l’un des rares arguments imparables que j’avais contre ma sœur. Le mauvais œil jeté sur elle, ne devait pas se retourner contre moi.

« Lady Stanhope, quel bonheur de vous voir en ces lieux ! Enfin vous me comprenez… J’espère que cela ne sera pas notre dernière conversation. J’ai foi en sa Majesté notre Reine. Anne, quel plaisir de te revoir tu es de plus en plus belle tous les jours. »

Je connaissais déjà Anne, je n’étais passée à côté d’aucuns des enfants Stanhope et j’admirais le cœur féroce d’Anne Stanhope qui jouait son rôle de mère avec brio. Mon attention fut attirée par une petite paysanne qui fusillait Anne du regard, je lui lança un regard noir terminant ma phrase et mon idée tout de même.

« J’ai ouïe dire que votre fils était parmi les hommes au combat, est-ce la vérité ? Anne, deux paysannes vous fusillent du regard, y’a-t-il une raison particulière à cela ? Ne vous laissez pas faire très chère, cette paysanne n’a pas à nous regarder de la sorte !»

La Reine était là de toute sa splendeur, de toute sa prestance. Lorsque je me tus, un « A mort la Reine » se fit entendre, ah si je le pouvais j’aurais pris les armes et je serais allée faire la peau de ce Wyatt moi-même. J’avais envie de scander « A mort Wyatt » mais j’évitais. La Reine était au milieu de tout le monde, elle était notre étoile du berger, notre repère, celle que nous suivons les yeux fermés avions-nous le choix ? Oui, nous pouvions choisir le clan du poète. Je voulais être dans le camp des gagnants, la Reine fit un discours remarquable, emblématique. On sentait qu’elle avait pesé tous ses mots, jaugeant leurs importances tout était calculé afin de nous séduire et me concernant cela avait totalement marché ! Peu après la reine, lorsque cette dernière eut terminée son discours, un soldat de la garde prit la parole et cria « DIEU SAUVE LA REINE ! » je le suivais sans réfléchir, sans avoir l’ombre d’un doute et à mon tour je répétais « VIVE LA REINE, DIEU SAUVE LA REINE ! » Il est fort probable qu’en cet instant précis je le pensais, la Reine était un excellent instrument pour faire choir Antanasya de son piédestal. C’était ici et maintenant. C’était au cœur de Londres, au milieu du peuple et des soldats qu’il fallait prouver sa loyauté, que la Reine devait voir votre fidélité. C’est pour cela que j’étais ici et nulle part ailleurs, que je ne me terrais pas chez moi, que j’étais là face aux combats, prête à l’affrontement oui moi avec mes jupons, ne sachant pas manier l’épée. L’important était d’y croire, de garder la foi, d’avoir confiance en sa souveraine. La lâcheté ne faisait pas partie de mon vocabulaire. La faiblesse non plus d’ailleurs, nous serons le camp gagnant cela ne faisait aucun doute là-dessus. Aucuns. La victoire était devant nous. Grâce à son discours, la reine semblait maitriser la situation.

« Quelle révolte ridicule ! Après tout ce n’est qu’un mariage. La Reine ne devait pas s’attendre à une telle réaction de la part du peuple, que va penser le futur roi ? Quelle vision aura-t-il de nous ? Une mauvaise vision, je le crains. J’espère que les soldats arriveront à arrêter Wyatt, que cette révolte prenne fin et que nos hommes nous reviennent. »

Je savais que de nombreuses femmes ici étaient concernées, un époux, un frère, un fils au combat et s’ils ne revenaient pas ? C’était impensable que John ne puisse revenir, je me transformerais en veuve noire probablement, dilapidant notre richesse en petits plaisirs superficielles de femmes… non j’avais besoin de John pour assouvir ma vengeance, cette vengeance qui me hantait corps et âme, cette vengeance commune que nous partagions tous les deux. Certains couples aspiraient à avoir des enfants, certes nous aussi… mais notre préoccupation principale était de faire mordre la poussière à la famille Cavendish comme Mary Tudor, notre souveraine allait maitriser la révolte et faire tomber à terre Sir Thomas Wyatt, lui faisant ravaler ses désirs de révoltes, il serait jugé puis tué. Une révolte était la conséquence de trahisons, à la cour un seul mot d’ordre, une seule devise, un seul dicton : Œil pour œil, dent pour dent. C’était ainsi. Et pas autrement.

Constance espérait tout comme moi que cela se termine bien, j'ai hochée la tête approuvant sa remarque. Les blessés commençaient à se faire nombreux et un homme semblait bien mal en point que j'avais couru pour l'aider et avait commencé à le soigner. L'homme avait l'air reconnaissant, je ne faisais pourtant que mon travail. J'aurais eu du mal à rester là sans rien faire, en tout cas sa blessure est bien profonde et s'il retourne combattre elle risque de s'ouvrir à nouveau. J'ai appliquer le baume sur la blessure après l'avoir nettoyer, une chance que le sang ne soit pas abondant, du moins j'avais vu pire. J'ai bandé sa blessure avec quelques bandages que j'avais eu dans ma sacoche. J'ai serré un peu en prenant soin de ne pas trop lui faire mal et de laisser le sang circuler. Mon amie me demandait ce qu'elle pouvait faire. J'ai regarder les autres personnes blesser puis je l'ai regardée avant de lui dire :

" Tu pourrais peut-être faire la même chose Si je te montre comment faire, c'est très simple tu verra, je suis certaine que tu peux le faire, tu as des doigts de fées Constance, je crois qu'on ne serait pas trop de deux pour aider les blessés."

Je lui ai souris l'encourageant à prendre exemple sur mes gestes, je savais au fond de moi que la demoiselle pourrait le faire, j'aurais en tout cas adoré l'avoir comme assistante, mais bon, je sais bien qu'elle a un tout autre travail qui lui tient tut à cœur. Juste une entaille, à les hommes voient que ce qui les arranges. Il était bien modeste tout de même. J"ai levé les yeux au ciel, ils seraient près à tout pour entrer dans la batailles, décidément je ne les comprendraient jamais.

"Une petite entaille, vous êtes sûr? En tout cas je vais devoir garder un œil sur vous, votre bandage devra être refait, je ne voudrais pas que vous attrapiez une infection. Passez donc à la boutique lorsque tout ça sera fini. "

Si un jour ça se termine. Je ne croyais pas si bien dire. On entendit un homme crier à Wyatt D'abandonner, les yeux pleins d'espoir je me suis relevée espérant que Wyatt ne soit pas assez fou pour avancer de nouveau. Un coup de canon retentit et j'ai été tellement surprise que j'ai sursauté lâchant ma sacoche. La bataille était finie, une poursuite contre Wyatt et ses hommes s'engageaient tandis que les blessées revenaient. Il faudrait s'occuper de tout ce monde, je n'étais pas prête d'aller me coucher, mais j'étais tellement heureuse que se soit fini que j'ai enlacé la première personne qui était à mes côtés, il s'agissait de l'homme que je venais de soigner. J'en fus gênée et le lâchait rapidement avant de lui dire.

" Pardonnez-moi, je ne sais pas ce qui m'a prit, je suis si contente que tout se termine."

J'ai souris espérant que ce genre d’événements ne se reproduise pas d'aussi tôt, mais se serait peine perdu d'y croire, des batailles il y en a toujours depuis des années, pourquoi tout ça serait différents, en attendant, j'ai seulement souris à Constance et à cet homme, espérant que l'on ai un peu de répit avant la prochaine bataille.

Tout mon être tremblé, mes mains me trahissaient, le combat avait commencé. Mes hommes à la bataille, Wyatt au-devant. Mon trône était entre les mains de mon armée, ma couronne au milieu du champ de bataille tel un trophée qu’il faudrait arracher. Mes mains étaient jointes mais un œil avisé aurait pu voir que je tremblais, au fur et à mesure qu’on ramenait les blessés… Ma vie était en jeu. Celle de mon peuple également. Mon pays. Mon trône. Ma couronne. Mon sang. Ma lignée. J’avais beaucoup à perdre dans cette révolte mais aussi beaucoup à gagner, j’aurais la grâce de mon peuple et malgré les rebelles beaucoup d’Anglais étaient à mes côtés, en train de me soutenir, ils avaient foi en moi, ils avaient confiance en moi. Si mon trône était entre les mains de mes hommes, j’avais la vie et le destin des Londoniens entre les mains. Je priais pour chacun des chevaliers qui revenaient blesser à l’arrière, le remerciant silencieusement pour l’aide qu’ils avaient donné à leur patrie, les nobles devaient payer le prix du sang c’était ainsi. Cette révolte, je n’avais pas eut le choix, je devais la contrer par une seule manière possible : la guerre. C’était ainsi, des fidèles allaient se sacrifier, le prix d’une vie pour en sauver des centaines…

Qu’espérait Wyatt ? Prendre le pouvoir ? La naïveté d’un poète de ce croire supérieur aux autres, menait un pays n’était pas une chose aisée et tout le monde n’était pas apte à gouverner. Après le réconfort de mon peuple, je me devais de me retirer à Westminster, je n’avais guère le choix, Dieu me protégerait. Je montais à bord de la barque royale, priant les rameurs de me faire passer aussi près que possible du Pont de Londres afin que ma vie puisse encourager les défenseurs du Pont….

Wyatt et son armée étaient arrivés sous les murs de Londres et commençaient déjà à assiéger les forts de la cité le long de la Tamise. Mais le Pont de Londres, défendu par des pièces de canon, se montra imprenable. Les hautes tours, de l’artillerie habilement placée renait en enfilade les troupes rebelles. La ville était imprenable, la Tour de Londres était une barrière infranchissable aux ambitions du poète révolté.

…On m’apporta la nouvelle que Wyatt avait été repoussé. Puis suivirent des rapports à nouveaux alarmants : Wyatt avait fait un détour, traversé la Tamise et menacé d’attaquer Whitehall où je me trouvais actuellement. Je craignais que les appartements royaux soient envahis par la foule de rebelle et ma personne faite prisonnière. Je conservais malgré tout mon sang-froid, alors que mes Dames se lamentaient, pleuraient, répétant sans cesse qu’un grand malheur était à nos portes, que nous allions tous périr cette nuit. Wyatt n’avait qu’un seul but : me faire prisonnière. Mais ce dernier ignorait où je me trouvais. Lord Clinton était à mes côtés et me rassurait en me disant que la frayeur des gens du palais était sans cause, que les troupes étaient fidèles et en nombre suffisant. En effet, Wyatt se trouvait en difficulté, l’évêque Gardiner qui avait toutefois perdu tout espoir, me priait de me réfugier à Windsor, idée à laquelle je m’opposais, scandant « Si je fuis, je perds ma couronne. » Les informations qui m’arrivaient, étaient assez incertaines l’espace d’un instant Wyatt reculait puis un moment après, on me racontait que la bataille était perdue et que toutes les troupes s’étaient rendues à Wyatt. A ce moment là, je me sentais défaillir.

Lionne, courage, guerrière aux jupons et agacée de ne pas être suffisamment bien informée je rétorquais :

« Telle est l’opinion de ceux qui n’ont pas le courage de s’approcher assez près pour voir de leurs yeux ce qu’il en est. Je vais moi-même me rendre sur les lieux où l’on combat, surveiller l’issue de cette lutte pour le bon droit et s’il le faut, mourir avec les braves gens qui combattent pour moi. Que tous ceux qui n’osent pas combattre se mettent en prières et je vous garantis que d’ici peu vous apprendrez de meilleures nouvelles. Dieu, en qui je place toute ma confiance, ne me fera pas défaut. »

J’encourageais mes gens, allant aux devants du combat sans me soucier d’une quelconque embuscade. La stratégie de Lord Clinton marcha à merveilles, et les troupes de Wyatt se scindèrent en deux. Il était malgré tant d’en finir, Wyatt fit l’erreur d’avancer sans soucier de son nombre qui diminuait, il comptait s’allier à mon peuple afin de me renverser mais à ce jeu, il se trouvait que j’étais meilleure que Wyatt. Les canons grondèrent sous mes ordres pour effrayer les rebelles et les inciter à quitter les lieux, la défense du Palais se faisait remarquablement mais nous ne tiendront pas éternellement c’est pourquoi il fallait agir. Les rebelles reculèrent contraints et forcés s’ils voulaient rester en vie.

Ce fut à Ludgate que William Howard, vaillamment arrêta Wyatt. Wyatt s’entendait à trouver des alliés mais j’avais posté là-bas, William qui était l’un de mes plus fidèles partisans. Le destin de Wyatt s’arrêta là. La révolte était terminée. Nous avions gagné. Maintenant venait l’heure de découvrir la liste des rebelles et de profiter de ce calme après la tempête.