Angleterre ♦ Septembre 1533
7 septembre 1533, je venais au monde à Greenwich, pour le plus grand bonheur de l’Angleterre. Ma mère Anne Boleyn prouvait ainsi qu’elle pouvait donner naissance à un enfant viable. Malheureusement pour elle, je n’étais pas le fils tant attendu, celui que mon père, le roi Henry VIII d’Angleterre désirait tant et cela, après de très nombreuses années. Je n’en avais pas conscience, mais ma naissance en tant que fille détériora la relation entre mes parents qui durée depuis de très nombreuses années, même avant leur mariage qui fut célébré quelques mois avant ma naissance. Leur union était compliquée. Tout le monde considérait ma mère comme une putain de bas étage qui avait séduit mon père et l’avait contraint au divorce. Le pire dans tout cela, c’était que même l’Eglise catholique refusait ce mariage, ce qui allait provoquer par la suite beaucoup d’ennuis avec Rome. L’ancienne reine, Catherine d’Aragon était toujours en vie, ce qui provoquait d’autres problèmes. Aux yeux de certains, j’étais la princesse légitime, pour d’autres une bâtarde, ma demi-sœur Mary Tudor, qui était elle-même devenue bâtarde, passait avant moi aux yeux des catholiques. Ma naissance fit le bonheur de ma mère, Anne Boleyn qui m’aima tendrement et cela à chaque instant, j’étais une fille d’Angleterre, celle qui un jour pourrait devenir reine, si un fils ne venait pas au monde. Mon père le roi m’aima aussi tendrement pendant les deux premières années de ma vie, j’étais son Elizabeth, sa fille celle qu’il voulait par-dessus tout protéger. Cependant, une fille ne lui suffisait pas, il voulait un héritier, puisque jamais l’Angleterre n’avait connu de femmes sur le trône et le dernier exemple désastreux était celui de Mathilde l’Emperesse, qui enclencha de nombreuses années de guerres civiles au royaume. Rousse aux yeux noirs, c’était incontestable pour tous, j’étais la fille du roi d’Angleterre et pourtant, d’ici quelques années, cette ressemblance physique, dont il était si fier fut contesté par ce même père qui m’aimait tant. Trois jours après ma naissance, on me baptisa selon le rite catholique, ce qui me donnait la protection de Dieu, en cas de mort infantile, qui était très nombreuse à l’époque. Quelques mois après ma naissance, on me retirait à ma mère, en m’offrant une propre cour, dans laquelle se trouvait ma demi-sœur Mary. Ma demeure de Hatfield était immense pour le bébé que j’étais, mais étant une princesse d’Angleterre, la démesure était requise. Ma mère Anne Boleyn me rendit beaucoup visite, tout comme mon père qui n’hésitait jamais à faire un détour pour venir me prendre dans ses bras. Pourtant, les visites étaient parfois glaciales, ma mère ne supportait pas de voir Mary à mes côtés, pensant que la fille bâtarde du roi allait me tuer durant son sommeil. De plus, Mary ne voulant pas prêter allégeance à ma mère, les disputes étaient fréquentes. Quand mon père venait, il refusait de voir sa première fille, la chose était donc réglée. Je ne savais pas vraiment comment ma sœur me considérait à l’époque, après tout, j’avais pris sa place, mais je pense qu’elle m’aima tout de même, après tout, j’étais de son sang et je n’étais qu’une enfant.
Durant mon enfance, je ne souffris pas de maladies, il semblerait que j’étais une enfant très robuste et à ma connaissance, je n’étais jamais tombé malade, contrairement à Mary qui était souvent souffrante, le manque de sa mère devait beaucoup la chagriner, moi-même, à l’époque, je ne pensais pas vivre sans ma chère mère qui me chérissait tant. Ma gouvernante me choyait beaucoup, après tout j’étais l’unique héritière du roi, un jour je devais devenir reine. En effet, ma mère n’arrivait toujours pas à donner un autre enfant au roi, ce qui mettait en péril leurs relations. Mais cela, alors que j’étais âgée de trois ans, je n’en avais pas conscience, je vivais heureuse auprès de ma cour et j’apprenais comment me comporter, pour rendre fiers mes royales parents.

Angleterre ♦ Année 1536
J’étais une princesse, j’avais un rang, une maisonnée et une suite pour me servir, j’avais tout et du jour au lendemain, on me retira ce que je possédais. Année 1536, je n’avais pas trois ans, quand les relations entre ma mère et mon père se dégradèrent. Elle n’arrivait pas à lui donner le fils tant désiré, alors qu’il m’avait déjà moi, puis d’après les rumeurs le roi Henry VIII avait déjà une autre femme en vue. Malgré les crises de jalousies de ma mère, leur couple tenait, on les vit ensemble jusqu’en avril, puis tout bascula. Du jour au lendemain, on accusa ma mère des pires maux de la terre, adultère, inceste, sorcellerie… Moi d’Hatfield House ne j’avais pas conscience de cela. Je savais que quelque chose se passait, surtout quand ma mère m’emmena à la cour pour me montrer à mon père. Il était furieux, elle désespérait. Cette image de ma mère fut la dernière que j’aurais et elle devint celle qui me marqua le plus. Le 19 mai 1536, ma mère n’existait plus, ce fut lady Bryan qui me l’annonça avec beaucoup de douceur. A Hatfield nous n’avions presque plus d’argent, ce que je possédais, avait aidé à payer la mise en mort de ma mère. Ma maisonnée se réduisit et le régisseur voulut prendre le pouvoir, surtout quand on me déclara bâtarde. Bâtarde ! Un mot qui résonnait chaque jour dans ma tête et que je n’arrivais pas à oublier. Il m’arriva même à un moment de ne plus avoir de quoi me vêtir, si bien que ma gouvernante, lança un appel alarmant à la cour quant à la piètre qualité de mon niveau de vie. Pourquoi tant de malheur m’arrivait à moi la princesse Elizabeth. Je n’étais qu’une enfant et le monde protecteur dans lequel je vivais se transformé. J’avais peur et seule la présence de lady Bryan m’apaisait, elle s’occupait de moi avec bienveillance pour faire de moi une bonne personne.
Entre temps, mon père s’était remarié avec une certaine Jane Seymour, une femme qui était autrefois dame d’honneur de ma mère. Je ne la connus peu, je peux seulement dire que c’était une femme douce, gentille et que mon père paraissait heureux avec sa nouvelle reine. J’ai passé beaucoup de temps hors de la cours, de très longs mois sans que personne ne daigne s’intéresser à moi, ni aux lettres régulières qu’envoyait lady Bryan. Seul Thomas Cromwell prenait des nouvelles quant à mon éducation et mon bien-être. Je n’étais qu’une petite fille de trois ans et je n’étais plus rien qu’une bâtarde. Cependant, lady Bryan me rassurait, je me posais beaucoup de questions à propos de mon existence et de ces nombreux changements, tout ce que ma gouvernante arrivait à me dire, c’était que j’avais toujours mon importance sur la scène politique puisque j’étais une fille de roi. Fille de roi, voilà qui m’aidait à mettre un nom sur moi-même, j’étais une Tudor, non une bâtarde comme tous le prétendaient. Par moment, à Hatfield, je recevais des visites, il y eut la famille de ma mère, ma tante Mary et ses enfants, puis quelques politiciens, comme Mr Cromwell. J’avais aussi des précepteurs qui me faisaient mon éducation. D’après eux, j’étais une bonne élève et j’arrivais à assimiler de nombreuses choses. Je savais que je devais presque tout à lady Bryan qui se battait pour moi, pour que je puisse retrouver la place qui m’était dut. Mais après la naissance du nouvel héritier Edouard, je perdis cette précieuse alliée et ma nouvelle gouvernante fut Katherine Ashley. Kat, puisque c’est ainsi que je finis par l’appeler, s’occupa beaucoup de moi et m’enseigna de nombreuses choses comme l’astronomie, la géographie, l’histoire, la français, l’espagnol, le latin et beaucoup d’autres choses. Mais voilà, le temps arriva pour moi de récupérer la place qui m’appartenait et même si je n’étais qu’une enfant, j’étais heureuse de la retrouver.

Angleterre ♦ Octobre 1537
Avec Edouard nous étions proches en âge, si bien qu’on décida de nous élever ensemble, ma vie allait pouvoir enfin reprendre le train que j’avais connu pendant mon enfance. Tout au long de mon éducation et même plus tard durant ma vie, j’étais avide de connaissance, mon ambition, c’était de faire mieux que tout le monde et surtout de rendre fier mon père, pour qu’il se rende compte qu’une femme peut être aussi bien plus utile qu’un homme, mais je ne pense pas qu’il eut ce déclic. Au fond de lui, même s’il était très attaché à Mary et moi, seul Edouard comptait. Kat continua à m’éduquer en compagnie de nombreux précepteurs. J’avais soif de connaissance et des langues, peut-être que cela ne me servira pas plus tard, mais on ne sait jamais, j’étais une Tudor, une fille de roi et même si tous m’appelaient « lady Elizabeth », je pourrais un jour prétendre à la couronne. Ma mère Anne Boleyn, je n’en parlais jamais et quand on désirait converser à propos d’elle, je lançais un autre sujet. Ce n’est pas que je ne voulais pas honorer sa mémoire, non. C’est que son visage commençait petit à petit à s’effacer au fond de ma mémoire, je ne me souvenais que de sa douceur et de son attention pour moi. De plus, je refusais que quelqu’un ne trahisse sa mémoire auprès de moi, soit en la dénigrant, soit en donnant une trop bonne image d’elle. Anne Boleyn restait au fond de mon cœur et j’étais moi-même le reflet de son existence.

Mon père se remaria, après la mort de Jeanne Seymour avec Anne de Clèves, une femme que je finis par beaucoup aimer. Elle était étrangère, mais gentille et attentionnée. Par la suite, elle se comporta avec moi comme une mère. Puis après le divorce, il y eut Katherine Howard, ce n’était pas la plus intelligente des femmes, mais elle était douce et rendait heureux mon père. Je l’appréciais beaucoup, ce qui n’était pas le cas de Mary. Sa mort me choqua et me montra la cruauté des hommes, ce fut à ce moment-là que je décidais qu’aucun homme ne me dominerait. Comme Mary, j’espérais que toutes idées de mariages soient avortées. La dernière épouse de mon père fut Catherine Parr. Elle fut comme une mère pour moi et Edouard, une femme attentionnée, qui prenait soin de nous éduquer. Grâce à elle, je découvris la réforme protestante, tel que ma mère la connaissait. Selon Catherine, ma mère aurait aimé que je sois élevée sous les préceptes du protestantisme. Dedans, je trouvais ma vraie religion. Cependant, au fond de moi, je savais que celle-ci n’était pas compatible avec l’Angleterre, qui restait avant tout un pays avec une population majoritairement catholique. En janvier 1547, mon père disparut et j’allais sur ma onzième année. Alors qu’Edouard entra sous le joug de son oncle, Catherine me prit sous son aile. En sa compagnie, je me sentais moins perdue et j’apprenais beaucoup. Par contre, je tolérais de moins en moins la présence de son nouveau mari, l’homme qu’elle aimait depuis bien longtemps Thomas Seymour. J’ai vu comment il me regardait, ou encore quand il me touchait. Ma chère Kat tenta de la calmer, mais il continua et les rumeurs allèrent bon train. Catherine qui le soupçonnait d’avoir tenté de prendre ma virginité, m’envoya dans le Herefordshire. S’était-il passé quelque chose ? Non je n’étais qu’une jeune fille de douze ans et même s’il pénétra dans mon lit, je fis toujours en sorte de m’enfuir. Même après la mort de Catherine, il continua ses avances, mais le complot le précéda et il termina sa vie au billot. Avec la chute de Thomas, on enferma ma bien aimée Kat, mais par chance, elle sortit bientôt de la Tour, pour mieux me revenir.

Je repris alors ma vie entre la cour auprès de mon frère et mon cher Hatfield, j’aimais cette demeure qui était la mienne et c’était probablement le seul endroit où je ne me sentais pas oppressée. Je dansais, je montais à cheval et tout cela sans que l’on ne me juge. Alors que l’Angleterre embrassait un peu plus le protestantisme, je convenais avec mon frère de ne pas négocier de demande en mariage pour moi. Edouard m’aimait et respecta mon choix. Cependant, je n’aurais jamais imaginé le tournant que ma vie allait prendre.

Angleterre ♦ Juin 1553
Au moment où je m’y attendais le moins, mon demi-frère Edouard tomba malade et disparut en peu de temps. Ce fut un choc pour moi, puisque j’avais grandis avec lui et je l’aimais comme une sœur pouvait aimer son frère. Avec Mary, nos relations étaient différentes, même si nous nous respections mutuellement, nous étions plus en conflit, à cause de notre passé commun. Avant sa mort Edouard m’avait écarté, avec Mary de sa succession. Au début, j’ai été déçu, mais j’ai bien vite compris, que cela faisait partie des manœuvres de John Dudley. D’ailleurs, ce dernier n’avait pas manqué de marier son fils avec ma cousine Jane Grey, qui étrangement était l’héritière d’Edouard. J’observais d’Hatfield la situation, n’agissant pas et attendant. Je savais que Mary n’allait pas laisser passer cela, après tout, d’après le testament de notre père, c’était elle l’héritière. Pendant tout le mois de juillet, elle organisa sa défense et grâce à quelques alliés j’apprenais que Jane n’était pas une reine très aimée. Ma sœur me demanda bientôt de la rejoindre, je découvris alors qu’elle avait une grande armée autour d’elle et de nombreux fidèles. J’étais étonné et à la fois admirative. Sans qu’il n’y ait de guerre, elle renversa le règne de la reine des neufs jours. Jane, les Grey, ainsi que tous les Dudley furent mis à la Tour et moi, même si j’étais à la cour, j’étais comme une prisonnière. Mary se méfiait de moi et savait que je pouvais devenir un symbole de la résistance et du protestantisme. Très rapidement, j’agissais pour acquérir ses faveurs, je me rendais à la messe en sa compagnie, priant une religion qui n’était pas la mienne et j’acceptais toutes les dames et les personnes qu’elle souhaitait mettre à mon service. J’étais surveillé et je devais contrôler le moindre de mes agissements. Je pensais souvent à Edouard, s’il avait été là, tout serait différent. Je serais à Hatfield entourée de personnes que j’appréciais et je ne serais certainement pas la prisonnière de sa majesté. Je détestais cette vie, mais je devais m’en accommoder, mon existence était ainsi, j’étais la bâtarde d’Henry le huitième, mais avant tout, j’étais une fille de roi et donc une menace pour le souverain sur le trône. Une partie d’échec allait alors s’engager, entre moi et mes geôlier, pour m’en sortir, j’irai jusqu’à mentir, tricher ou même voler, puisque je le sais, un jour, comme ma mère Anne Boleyn, je serais reine. "Video et taceo" telle serait ma devise.