« Voilà pour vous jeune demoiselle. »

Dans une modeste boutique au cœur de Londres, le vieux joaillier tendit la chaînette d’or réparée à Anne, dont les yeux pétillaient d’excitation. Voilà déjà plusieurs jours qu’elle était destituée de son bien le plus précieux, l’ayant confié à cet homme compétant pour réparer le mal qu’avait commis les bandits sur le bijou, et il lui avait cruellement manqué. Durant ce temps-là, elle avait tout de même précieusement conservée la clef auprès d’elle et aujourd’hui, elle était toute impatiente de remettre le bijou autour de son cou.
De sa main valide, la blonde se saisit de la chaîne, malheureusement avec son bras gauche en écharpe, elle ne pourrait espérer se débrouiller seule.

« Laissez-moi vous aider mon enfant. » offrit le vieux joaillier avec un sourire paternel.
« Vous êtes bien gentil. » le remercia la blonde tandis qu’il enfilait la clef, qu’elle avait préalablement sortie, sur la chaînette qu’il s’affairait maintenant à remettre autour du cou d’Anne.

La chose faite, la jeune fille lui tendit une bourse remplie de pièces sonnantes. Elle avait dépensé une fortune pour cette réparation mais peu lui importait, ce qui comptait était qu’elle ait toujours la présent de l’italien auprès d’elle. Anne lui offrit son plus beau sourire, empli de reconnaissance.

« Merci pour tout monsieur. Vous êtes vraiment un artiste ! »

Un rire amusé et chaud s’échappa des lèvres du vieux joaillier.

« Vous devriez vous pressez jeune demoiselle. L’hiver approche et la nuit tombe vite, il ne serait pas bon que vous vous trouviez seule dans les rues sombres de Londres. »

Suivant le conseil avisé du vieil homme, la blonde prit aussitôt congé, ne manquant tout de même pas de gratifier le joaillier d’un baiser sur la joue pour le remercier de son travail, défiant toute décence. Heureusement il n’en prit pas ombrage et la jeune fille s’éclipsa sous le rire du commerçant. Lorsqu’elle sortit de la boutique, elle dut bien avouer qu’il avait eu raison. Le soleil se voilait au loin derrière les habitations londoniennes, amenant l’obscurité et la fraîcheur de cette saison sur la ville.
Au pas de course, Anne se dépêcha de retourner jusque chez Catherine où elle logeait pour se préparer. Elle était quelque peu ralentie par sa blessure à la jambe, mais son dernier passage chez un médecin lui apprit que sa plaie cicatrisait correctement, aussi n’hésita-t-elle pas à se presser. Si la nuit continuait à tomber aussi vite, elle risquait d’arriver en retard à son rendez-vous, et pour rien au monde elle n’aurait souhaité laisser sa pauvre cousine seule au beau milieu de Londres, elle qui n’avait presque jamais quitté le confort douillet du palais.
Sitôt dans sa coquette petite chambre, la jolie blonde se défit de ses vêtements au profit d’habits plus sobres afin de passer inaperçue. Certes, elle n’avait absolument pas de besoin de se dissimuler aux regards des londoniens, mais la perspective de se déguiser était bien trop exaltante pour qu’elle s’en prive. Au moins, vêtue ainsi, les gens les prendraient toutes deux pour des servantes venues se reposer dans une taverne après une éreintante journée de travail. Toutefois, elle eut tout de mal du monde à se changer avec son bras qu’elle ne devait bouger, si bien qu’elle finit par être définitivement en retard. Soucieuse pour sa cousine, elle prit soin d’emporter avec elle une deuxième cape pour dissimuler la rousse à la nuit glaciale avant de s’élancer en trombe sur le trajet qui la mènerait à leur point de rendez-vous. Elle finit par bientôt atteindre Whitehall et ralentit l’allure. Elle chercha sa cousine des yeux, quand soudain une tornade rousse lui sauta au cou. Anne se mit à rire en chœur avec la jolie princesse, le cœur gonflé de joie de la revoir enfin.

« Pardonne-moi pour mon retard Lizzy ! J’espère ne pas t’avoir trop fait attendre mais j’avais une affaire urgente à régler auparavant. » se désola la blonde avec une pointe de culpabilité. « Moi aussi je suis si heureuse de revoir. Ces semaines passées sans toi m’ont parue des siècles ! »

Anne laissa échapper un nouveau rire d’excitation, se détachant de l’étreinte de sa cousine pour l’observer plus en détail.

« Mon dieu, regarde-toi ! Tu es méconnaissable ! Pour peu je te prendrai pour une vraie servante !» s’amusa-t-elle en gloussant. « Tu n’as pas trop eu de mal à t’évader du palais au moins ? Les gardes n’y ont vu que du feu ? Comment dois-je t'appeler d'ailleurs ? »

La jeune fille était bien curieuse de savoir comment la princesse s’était débrouillée pour échapper à la surveillance du palais. Cependant elles pouvaient s’avouer chanceuses : leur plan avait magistralement bien commencé. La nuit leur appartenait et Anne comptait bien en faire profiter sa cousine. C’était la première fois qu’elle sortait dans Londres avec la princesse et sa joie n’aurait plus être plus complète. Elle enroula son bras valide autour de celui d’Elizabeth et la guida à travers les rues de Londres.

« Pour cette journée spéciale, je t’ai prévu une petite surprise Lizzy ! » annonça fièrement la blonde.

Quand soudain, elle sentit quelques gouttes s’abattre sur bout de son nez. Elle releva son visage vers le ciel et constata que la pluie commençait à tomber. Fort heureusement, elle avait pris deux capes et elle devait bien se féliciter de cette initiative. Elle tendit l’une des capes à Elizabeth, son châle n’étant qu’une bien maigre protection contre la pluie. Et tandis que la rousse se saisissait de vêtement, Anne rabattit sa capuche sur sa chevelure. Enfin, au bout d’un certain temps, elles gagnèrent enfin l’endroit où la jeune fille voulait les emmener : le Flying Dutchman, une taverne très populaire à Londres. Elles y pénétrèrent rapidement pour échapper à la pluie qui s’intensifiait au-dehors. N’accordant qu’un bref regard à la salle, Anne repéra bien vite une table qui serait parfaite pour la princesse. Un peu en retrait, elle était dans une mi-obscurité, étant toutefois proche du feu qui crépitait de la cheminée. Ainsi, la rousse pourrait bénéficier d’un minimum de discrétion et de la chaleur. Enfin assises, la jeune fille retira sa capuche et essuya les quelques gouttes de pluie qui s’étaient égarées sur son visage.

« N’est-ce pas un endroit merveilleux Lizzy ? » s’enthousiasma la blonde, guettant la réaction de la princesse. « Que buvons-nous ? »