Katherine 'Kat' Ashley

" La fidélité ne s'affirme vraiment que là où elle défie l'absence. " TON PERSONNAGE PRÉNOM & NOM Katherine Ashley, née Katherine Champernowne, mais la princesse Elizabeth la surnomme Kat depuis qu'elle est entrée à son service. A la longue, même d'autres personnes ont fini par adopter ce diminutif. AGE 51 ans. DATE DE NAISSANCE 3 Janvier 1502. ORIGINE Katherine est tout ce qu'il y a de plus anglaise, même si sa famille a un jour possédé des terres en France, à Cambernon. SITUATION FAMILIALE Elle est mariée depuis bientôt dix ans à Sir John Ashley,cousin d'Anne Boleyn et gentilhomme de la chambre d'Elizabeth. Comme Katherine avait déjà plus de quarante lors de ces noces, personne ne s'étonne que le couple n'aie pas d'enfant, mais l'entente entre eux est plus que satisfaisante. MÉTIER Gouvernante d'Elizabeth Tudor. GROUPE Noblesse anglaise. CRÉDITS Echo des Plaines / Tumblr LE JOUEUR PSEUDO Smooth. AGE 21 ans. OU AS-TU CONNU LE FORUM? Sur PRD, bien que je n'y sois pas inscrite. TON AVATAR Emilia Fox. VOTRE PERSONNAGE EST-IL HISTORIQUE OU FICTIF? 100% historique. VOULEZ-VOUS ÊTRE PARRAINÉ? Je pense que ça ira, merci

▬ QUELLE EST VOTRE RELIGION ET QUE PENSEZ-VOUS DES CHANGEMENTS RELIGIEUX DU PAYS? Kat est protestante, de même que son mari John ; entre eux la religion n'a jamais été un sujet de discorde ni même de débat. Profondément pieuse sans verser dans la bigoterie ou en faire étalage, elle considère surtout que la religion est une affaire personnelle, et si elle n'approuve pas tous les dogmes du catholicisme et a même tendance à s'en méfier, il ne sera pas dit qu'elle aura fait preuve d'étroitesse d'esprit. En revanche, elle redoute les décisions de la reine Mary I et leurs conséquences dramatiques pour les protestants. Ne peut-on pas les laisser prier en paix ? Le catholicisme est la nouvelle religion officielle, mais si les protestants restent discrets et ne font pas de remous politiques, pourquoi ne pas les laisser en paix ? Inquiète, Kat impuissante ne peut qu'observer la situation, en espérant qu'elle finisse par s'améliorer.

▬ QUE PENSEZ-VOUS DE LA NOUVELLE REINE D'ANGLETERRE? Si Kat garde ses opinions bien pour elle, elle considère la reine Mary I comme une immense menace pour l'Angleterre. Cette femme n'est clairement pas faite pour gouverner, et après avoir vu passer autant de reines pendant la règne d'Henry VIII, la gouvernante sait jauger une femme et sa capacité à diriger un pays. Mais Mary est la soeur aînée d'Elizabeth, et pour ne pas peiner la jeune fille, Kat s'abstient autant que possible d'évoquer le sujet. Mary n'était pas destinée à être reine, n'aurait pas dû l'être. La volonté de feu le roi Edward avait été autre. Kat est persuadée qu'un jour, la reine Mary paiera pour ce péché ; et quand ce moment arrivera, que Dieu ait son âme.

▬ QUE PENSEZ-VOUS DE JANE GREY? Pauvre enfant ! L'histoire de la petite Jane a brisé le coeur de Kat plus d'une fois. Une aussi jeune fille, propulsée sur la scène politique par son frère, pour presque aussitôt se retrouver enfermée par sa soeur qui veut récupérer le trône ! Ces manigances ont laissée Kat stupéfaite, qui s'est alors mise à craindre pour la vie de sa chère Elizabeth. Et elle n'avait pas tort, hélas ; entre la surveillance permanente et les visites à la Tour de Londres des uns et des autres (y compris d'elle-même, l'irréprochable Kat Ashley !), l'étau se resserre parfois dangereusement autour de la princesse, et toutes les nuits Kat prie pour qu'elle échappe au sort réservé à la peuvre Jane Grey...

▬ AGISSEZ-VOUS DANS L'OMBRE POUR VOTRE CAUSE OU VOTRE FOI, SI OUI QUE SERIEZ-VOUS PRÊT A FAIRE ? Kat est une femme forte, intègre et généreuse, mais ce n'est pas une intrigante, loin de là. Les affres de la politique ont toujours éveillé en elle méfiance et perplexité, et son honnêteté naturelle l'a toujours tenue éloignée de ce genre de pratique. Pourtant, peut-on légitimement rester sans rien faire quand tant de choses terribles se passent ? Kat ne sait pas, Kat ne sait plus, mais elle sait que sa priorité est de protéger Elizabeth, et elle ne fera rien qui pourrait mettre danger la vie de sa précieuse pupille.

A Woman's Tale

« Oh s’il vous plaît Lady Ashley, vous nous aviez promis ! »
« C’est vrai, vous nous aviez promis que dès que les festivités seraient terminées vous nous raconteriez ! »
« Dieu du ciel, qu’ai-je fait pour mériter pareil traitement ? » soupira Katherine Ashley sans pouvoir réprimer un sourire face à la curiosité dévorante des jeunes femmes assises face à elle, dans l’un des salons de Hatfield. C’est qu’il fallait bien s’occuper pendant l’absence de la princesse, qui était allée prier et avait demandé à ce qu’on ne la dérange pas. Et les jeunes dames de compagnie de la princesse en avaient lâchement profité pour revenir à la charge, demandant encore et encore à leur aînée Katherine Ashley, la très respectable gouvernante de leur princesse, de leur raconter son parcours.
« Vous êtes si énigmatique Kat, nous voulons juste vous connaître mieux ! » s’exclama Margaret, l’une des plus récentes arrivées.
« Enigmatique ? Moi ? Allons, il n’y a rien d’énigmatique dans ma vie… Enfin, si vous y tenez, je vais vous raconter, mais vous risquez d’être déçues. Votre pauvre vieille Kat n’est somme toute que quelqu’un de très banal… »

La petite Katherine avait deux ans lorsque Lord et Lady Champernowne sont morts, dans des circonstances somme toute banales mais non moins tragiques. Etablis à Dartington depuis leur mariage, John et son épouse Margaret avaient été ce que l’on pourrait appeler un couple uni, mais fauché dès le début de leur hypothétique bonheur : peu fortunés à cause d’un ancêtre ruiné par de mauvais investissements, ils avaient été incapables d’entretenir correctement le château familial sans pour autant renoncer à y vivre ; une décision qui leur aura été fatale, puisque tous deux furent victimes de l’effondrement d’une tour et périrent sur le coup. Leur unique fille, Katherine Champernowne, était dans sa chambre avec son oncle et sa tante de passage lorsque le drame eut lieu. Ce furent d’ailleurs eux qui entendirent le vacarme et accoururent pour découvrir la terrible scène.
Sir Philipp Champernowne et son épouse, lady Mary, décidèrent de prendre leur nièce sous leur aile : doués d’une bien meilleure position financière et sociale que le défunt frère de Sir Philipp, et poussés par un sens de la famille et de la charité aigue, ils ne pouvaient se résoudre à laisser cette enfant à l’orphelinat. La petite Katherine fut donc accueillie dans sa famille, et si on ne lui cacha jamais le destin tragique de ses parents, elle fut élevée chez son oncle et sa tante de la même manière que leur fille, sa cousine Joan. En grandissant, les deux petites en vinrent à s’aimer comme deux sœurs : la pétillante Joan et la discrète mais adorable Katherine étaient devenues inséparables. Consciente dès son plus jeune âge de sa position au sein de cette famille, Katherine s’était dès lors attachée à ne jamais les décevoir, composant un visage et des manières toujours aimables, devenant un modèle de bonnes manières et de contenance. A l’âge de onze ans, elle et Joan furent placées chez les sœurs pour poursuivre leur éducation. Studieuse et sérieuse, Katherine faisait le bonheur de ses enseignantes, et lorsque les deux jeunes filles revinrent au domicile familial après cinq ans, il ne manquait plus grand-chose pour faire d’elles de véritables dames de la cour.

« Et vous êtes donc allée à la cour ? »
« Absolument. Notre roi Henry VIII était déjà sur le trône depuis neuf ans, mais il a régné si longtemps qu’on pourrait dire que je suis arrivée au tout début… et après tout, il n’avait que dix-huit ans, rendez-vous compte ! J’ai été placée sous l’égide d’une des dames de compagnies de la reine Catherine d’Aragon ; et bien que je ne visse jamais la reine en personne, j’ai beaucoup appris de cette position. Tout en me formant aux us et coutumes de la cour, observant et apprenant de tout ce que je voyais, je continuais également à m’instruire à l’aide d’un précepteur que mon oncle avait eu la générosité de m’assigner à ma demande. J’ai toujours été curieuse de tout et avide d’apprendre, et je crois que j’avais deviné instinctivement qu’un apprentissage approfondi des langues, de l’histoire, et des sciences était l’une des clés pour réussir à la cour de notre roi. »
« C’est comme ça que vous avez appris toutes ces choses que vous enseignez maintenant à la princesse ? »
« De belles manières et un beau maintien sont de grands atouts, jeunes filles, mais le savoir et l’intelligence sont les clés du bonheur ! »
« Mais dans ce cas, pourquoi ne vous êtes-vous pas mariée plus tôt ? »
« Ah, le mariage… » soupira Kat, un voile passant dans ses yeux sombres.

Il était vrai qu’elle avait mis une éternité à se marier. Comme si le monde avait fonctionné à retardement pour elle, la laissant dans une bulle de verre ouatée jusqu’à ce qu’elle devienne la gouvernante de la princesse Elizabeth. Jusqu’à ses trente-cinq ans, Katherine avait vécu dans une sorte de flou artistique, comme une myope tentant désespérément d’y voir clair en plissant les yeux. Dans sa jeunesse elle n’avait pas été laide, même si certains disaient qu’elle avait de trop grands yeux et une mâchoire trop carrée pour une femme, étrangement couplée avec une silhouette trop mince, elle avait indéniablement eu du charme, avec ses boucles blondes, son regard inquisiteur et brillant d’intelligence, et son port de tête digne d’une reine.

Elle avait eu peu de prétendants, n’ayant pas de grande fortune ni de famille particulièrement bien placée, et n’étant pas d’une beauté éclatante : sa cousine Joan eut plus de chance en épousant Anthony Denny, l’un des hommes de confiance du roi Henry. Si cette alliance renforça quelque peu la position des Champernowne à la cour, elle ne fut pas décisive pour Katherine, qui restait désespérément célibataire. Dotée d’un certain sang-froid et toujours digne, jamais Katherine ne montra son désarroi face à ce célibat forcé, ni son inquiétude à l’idée de devenir un poids pour son oncle et sa tante qui s’étaient occupés d’elle toutes ces années ; rester à leur charge lui était une pensée insupportable, et pourtant, il avait bien fallu qu’elle subisse en silence. Joan aida sa cousine en lui trouvant une place comme maîtresse de musique auprès d’une des dames de compagnie de la reine, et les talents de la jeune femme finirent par être remarqués de la souveraine elle-même, Catherine d’Aragon. Petit à petit, presque sans que personne ne le remarque, avec sa discrétion coutumière, Katherine intégra la maison de la reine, jouant ou chantant régulièrement pour elle, lui faisait parfois la lecture avec les autres dames de son entourage. Ce n’était toujours pas un mariage, mais c’était mieux que rien, n’est-ce pas ?
Cette nouvelle position avait pourtant éveillé quelque intérêt : elle avait vingt-quatre ans lorsqu’elle rencontra Sir William, baron de la Warr. Un peu plus âgé qu’elle, souvent absent de la cour car il préférait le calme de ses terres, excellent soldat, doté d’un esprit vif et cultivé, il avait remarqué le charme inhabituel de Katherine grâce à Anthony Denny qui la lui avait présentée, songeant que ce serait là un bon parti pour sa cousine par alliance et son ami et fidèle serviteur du roi. Pendant toute une année, William lui avait fait la cour, éveillant chez Katherine des sentiments encore inconnus. Il lui semblait que même la reine considérait cette cour d’un œil favorable et que le couple royal aurait donné son accord aux jeunes tourtereaux ; hélas il semblait écrit que Katherine ne devait pas se marier encore, car William succomba des suites d’une maladie que les médecins furent bien incapables de diagnostiquer.

« Oh Seigneur, Kat, mais c’est terrible ! » s’exclama Kitty, l’une des jeunes filles qui l’écoutait.
« C’était la volonté de Dieu, ma petite Kitty. » soupira Kat. « En l’apprenant, la reine Catherine et ses dames de compagnie ont été très bonnes avec moi. Je suis restée à son service et elle a même décidé de m’accorder une petite pension, même si William et moi n’étions que fiancés… Au moins, j’étais un peu moins un poids pour mon oncle et ma tante. Et le temps a repris son cours… »
« Vous ne vous êtes donc jamais mariée avant lord Ashley ? Pas même eu d’amants ? »
« Quelle question indiscrète, jeune fille. » sourit Kat en lui dédiant un clin d’œil. Après tout, elle avait bien le droit de garder son petit jardin secret, non ? Et puis, des amants, elle n’en avait eu qu’un, et n’en avait pas eu d’enfant… Inutile de remuer ces vieilles histoires ! « Dix ans se sont écoulés sans même que je ne le remarque. J’étais toujours dans la suite de la reine, je m’occupais de ses enfants, j’ai même participé à l’éducation de notre reine Mary, à ma modeste échelle d’alors… Et le roi a divorcé, je m’en souviens comme si c’était hier. J’avais trente-et-un ans, et subitement Catherine d’Aragon n’était plus reine d’Angleterre… Poussée par mon oncle et Anthony, je me suis convertie à la nouvelle religion et ai renouvelé mon serment envers notre roi, qui je crois s’est souvenu de mes bons services envers son épouse et m’a assignée au service d’Anne Boleyn. Malgré le contexte scandaleux de ce remariage, je m’abstins de juger, et surtout, la reine Anne était une femme remarquable. Intelligente, cultivée, spirituelle… Je m’entendis mieux encore avec elle qu’avec Catherine d’Aragon. A peine quelques mois après ce mariage naissait la petite princesse… »

Elizabeth. se rappela Katherine en souriant. Si elle n’avait pas tout de suite été nommée gouvernante, son amitié avec Lady Bryan lui avait permis de fréquenter très tôt le nourrisson et de participer à ses soins ; remarquant cette attitude, Jane Seymour, la nouvelle reine, l’avait nommée parmi les dames de compagnie de la petite Elizabeth. C’est en 1537, à l’âge de trente-cinq ans, alors qu’Elizabeth n’avait que quatre ans et qu’Anne Boleyn avait été condamnée à l’échafaud quelques mois plus tôt, qu’elle devint officiellement sa gouvernante. Aujourd’hui encore, Kat se souvenait avec émotion du jour où l’enfant s’était précipitée vers elle en babillant « Kaaat ! » après qu’on lui eut expliquée qui était sa nouvelle gouvernante, une figure déjà familière, et surtout aimante. Car Kat l’aimait, cette petite, la seule enfant qu’elle fréquentait réellement, puisqu’elle-même en avait été privée, la seule avec qui ses instincts maternels pouvaient se manifester alors qu’elle n’était, soyons réalistes, qu’une vieille fille. Mais si Kat adorait cette petite, elle n’en était pas moins une gouvernante, sévère sans être âcre, exigeante sans être un tyran. Puisqu’elle devait instruire une enfant royale, elle en ferait la femme la plus intelligente et érudite d’Angleterre, digne de sa mère Anne et de son esprit. Et Kat ne faillit pas ! Elle lui enseigna quatre langues, le français, le flamand, l’italien et l’espagnol (elle laissa le latin à un clerc), les sciences comme l’astronomie, les mathématiques, la géographie, et tout ce qu’une dame se doit de savoir maîtriser, comme la broderie, la couture, la danse, le maintien… Plus que des leçons à retenir, Kat s’était mise en tête de la former au monde, afin qu’elle y brille comme elle le méritait. Et Elizabeth réussit, au-delà de toutes ses espérances. Alors qu’elle avait perdu sa mère dans des circonstances si tragiques (Kat n’était pas sûre d’avoir pardonné à Henry VIII l’exécution barbare d’Anne Boleyn…), elle s’était accrochée et devenait de jour en jour une jeune femme plus remarquable encore.

« Il a dû être difficile de conserver votre position entre Anne Boleyn et Jane Seymour, Kat. Comment avez-vous fait ? »
« En maintenant ma ligne de conduite et en restant fidèle à la couronne en toute discrétion. Je n’étais pas un élément assez important pour être surveillé, et ma conduite était irréprochable ; je me suis contentée de passer du service d’une reine à une autre sans protester… Et à partir du moment où j’ai été dame de compagnie d’Elizabeth, mon sort était sécurisé. Finalement Jane Seymour mourut très rapidement, et je restais auprès de l’enfant… »

Durant les années qui suivirent les morts d’Anne et Jane, le roi s’était détourné de ses filles, et Elizabeth n’avait plus eu que Kat comme repère. La gouvernante s’était dédiée à sa tâche avec plus d’ardeur encore, refusant de laisser cette pauvre petite abandonnée à son sort : Elizabeth, plus que jamais, était la fille qu’elle n’avait jamais eue, et sans manifester sa rancœur envers le roi pour le traitement qu’il faisait subir à ses filles, Kat resta fidèlement auprès de la toute jeune fille comme si de rien n’était, lui rappelant sans cesse qui elle était et qu’un jour, la roue tournerait de nouveau. Elizabeth était trop intelligente, trop brillante, trop exceptionnelle pour que Dieu ne lui réserve pas un destin exceptionnel, Kat en était persuadée. Et la loyauté sans faille de Kat ne l’avait pas trompée. La dernière reine, Catherine Parr, avait aidé les deux filles à se réconcilier avec leur père, et jamais Kat ne fut plus soulagée que le jour où elle apprit que les droits d’Elizabeth et sa position à la cour étaient restaurés, même si elle était toujours illégitime. C’est à peu près à cette époque que les choses changèrent également pour Katherine…

« C’est là que vous avez rencontré lord Ashley ? »
« Absolument, le jour même où le roi Henry reçut Elizabeth pour la première fois depuis bien longtemps… Je l’avais accompagnée à la cour, et Joan, présente elle aussi, m’avait présentée à sir John. Un homme étonnant, qui n’avait jamais été marié non plus… Mais par goût, pour sa part ! Et croyez-le ou non, mais c’est un cousin de ma regrettée Anne Boleyn… »
« C’était un signe Kat, il était fait pour vous ! »

Kat éclata de rire ; effectivement, John et elle s’était aussitôt bien entendus… Même si le côté inquisiteur et sarcastique de John l’avait au premier abord beaucoup agacée, et elle ne s’était pas privée pour le lui faire savoir. La réaction de Kat avait-elle éveillé l’intérêt de cet éternel célibataire que sa famille pressait encore et toujours de se marier ? Elle n’était pas sûre de l’avoir jamais su, mais en tout cas, deux ans après leur rencontre, il l’avait demandée en mariage. C’avait été la surprise de sa vie : elle qui avait abandonné tout espoir de se marier, puisqu’elle était trop vieille pour avoir des enfants, et donc offrir des héritiers à son mari, se voyait demander en mariage maintenant ? Elle avait cru à une plaisanterie : mais comme toujours, John était extrêmement sérieux. Il avait toujours eu le mariage en horreur et s’était promis de ne jamais se marier ; de toute façon c’était son frère aîné qui avait hérité de tout, à quoi bon avoir des descendants ? Et finalement, il avait cédé pour avoir la paix : une fois marié à Katherine, plus personne ne pourrait rien lui dire… Enfin, c’était ce qu’il avait expliqué à Kat à l’époque. A quel point tout ceci était vrai, impossible de le savoir. John pouvait être une véritable énigme, quand il le voulait. Toujours était-il qu’elle était enfin mariée, et si elle ne pouvait pas avoir d’enfants, elle avait désormais des terres, une nouvelle position, et un compagnon avec qui elle s’entendait bien avec qui finir ses jours.

« Et c’est après que toutes ces histoires avec les Seymour ont commencé ? »
« Oui, après la mort de notre roi, Henry. Le jeune roi Edward n’était encore qu’un enfant, pour ainsi dire, et ses oncles se disputaient sa tutelle sans même se soucier de ce que Catherine Parr pouvaient penser… de véritables vautours. Finalement, Thomas Seymour épousa Catherine Parr, et tous deux emménagèrent à Chelsea. Ils avaient décidé de prendre Elizabeth avec eux, et en ma qualité de gouvernante, évidemment, je fus du voyage pendant que John restait à Londres. »

Quelle honte que ce Thomas Seymour ! Nouvellement marié à Catherine Parr, faire la cour à une enfant de quatorze ans, la fille de son roi tout juste dans la tombe ! Si au début, elle avait cru à un jeu innocent, Kat avait rapidement senti son sang se glacer en apprenant que Seymour rendait visite à Elizabeth dans sa chambre et était plus entreprenant que ce qu’un homme pouvait se permettre avec la jeune princesse. Furieuse, elle avait été le dénoncer auprès de Catherine Parr, et s’en était même prise à Thomas Seymour lui-même en voyant que ses réclamations restaient ignorées. Finalement, alors que Catherine Parr prenait enfin la mesure du problème et pour protéger sa princesse, elle l’avait emmenée loin de Chelsea et toutes deux avaient été trouver refuge chez Joan et Anthony. Désireuse de parler à John de la situation, Kat s’était rendue à Londres sans réaliser que la rumeur s’était déjà propagée et que les activités louches de Seymour commençaient à être connues. Avant que John ne puisse réagir, Kat était arrêtée en envoyée à la Tour de Londres, le 21 Janvier 1549. Dieu merci, une fois encore, la réputation irréprochable de Kat joua en sa faveur, et ses déclarations permirent s’innocenter Elizabeth assez rapidement. Kat, en revanche, resta plusieurs mois à la Tour. Ces quelques mois loin d’Elizabeth, Kat ne les tint que grâce au soutien sans faille de John (elle en avait elle-même été surprise d’ailleurs) qui faisait tout au dehors pour accélérer l’enquête sur Seymour et la libération de son épouse, et lui apportait régulièrement des nouvelles de la princesse et de la cour. Si Kat e se remit jamais tout à fait de ce séjour injuste, son couple étonnant avec John n’en sortit que renforcé. Finalement, en août, la gouvernante fut libérée et put retourner à Hatfield.

« C’est là que je vis avec la princesse, à présent. Grâce à mon ami Roger Ascham, le professeur d’Elizabeth en latin et en grec, je pus faire entrer John au service d’Elizabeth ; je sais qu’il n’avait jamais été très intéressé par les enfants, mais dès qu’il la rencontra je sus qu’il était d’accord avec moi pour dire que c’était une jeune femme exceptionnelle. »
« Ascham… Vous parlez du Latin Secretary de Sa Majesté ? »
« Celui-là même, qui nous est revenu il y a peu de son ambassade à Louvain. Un homme passionnant qui a toujours été un de mes plus fidèles amis. Je sais qu’aujourd’hui encore, il est fidèle à notre petite princesse, malgré ses nouvelles fonctions. »
« Et à la mort d’Edward VI, lady Kat ? »
« A la mort du roi… que vouliez-vous que nous fassions, jeunes filles ? Nous sommes restés avec Elizabeth. La reine Mary, je crois, ne nous considère pas comme des ennemis et ne nous a jamais inquiétés, John ou moi. Mais nous devons rester prudents. Quand nous voyons ce qu’il se passe… »

Un craquement près de la porte attira l’attention de Kat qui aperçut la princesse Elizabeth dans l’encadrement. Aussitôt les traits de la gouvernante s’adoucirent, et un sourire illumina son visage alors qu’elle se levait.

« Allons mesdemoiselles, l’histoire est terminée. Il est temps de retourner à vos devoirs. Quant à nous, lady Elizabeth, je crois que nous avons une séance de lecture, me trompe-je ? »

Dans un bruit de froufrous, les jeunes femmes se levèrent et retournèrent vaquer à leurs occupations ; Kat, elle, sortit avec Elizabeth qui lui prit affectueusement le bras en lui dédia un de ces sourires réservés dont elle avait le secret. Dehors, alors qu'elles longeaient l'allée du parc, elle croisèrent John assis sur un banc qui discutait avec animation avec un autre de gentilhommes de la maison de la princesse ; brièvement, lord Ashley leva sur elles ses yeux bleus glacés et les salua, avant de reprendre aussitôt sa conversation. Amusée, Kat secoua la tête, et réprima un soupir. Tout avait l'air d'aller pour le moment... Mais combien de temps la paix resterait-elle sur eux ?