Le cortège avait repris sa route, les gens avaient déjà oublié ce qui s’était passé et l’important était maintenant d’entendre ce que cette reine avait à nous dire. Bess était sur ses pieds depuis un moment déjà et marchait avec la foule. Un homme était mort, peut-être plus, et tout se poursuivait comme si de rien n’était? La jeune femme sentait quelque chose lui bouillir l’intérieur des entrailles. Ce matin, elle ne voulait pas venir ici, pendant un moment, elle avait aimé accueillir sa reine, et maintenant elle lui en voulait. Pouvait-elle réellement en vouloir à la reine d’être…une reine? Bien sûr que non, mais la jeune femme avait l’impression que tout ce qui importait était le prestige. Elle aurait pardonné à sa reine de prendre une pause, vérifier que tout le monde allait bien, de ramasser avec dignité le corps du garde qui était mort…n’importe quoi…mais tout s’était passé beaucoup trop vite. Peut-être que tout cela avait eu lieu alors que Bess ne s’en rendait pas compte, peut-être, mais elle fâchée tout de même. Il était normal de tout faire pour protéger la reine et que cette dernière se montre forte face à son peuple, mais…mais…

Bess étant colérique de nature, un rien la mettait souvent hors d’elle. Ce qui m’était la jeune fille en colère était probablement le fait qu’elle ne comprenait rien aux jeux des trônes et à toute l’importance du cortège et du discourt de la reine plutôt que la tournure des évènements. Suivant les gens, la jeune femme regardait autour d’elle. Où était Mary-Ann et les autres filles? Bess se senti encore plus en colère. Mary-Ann l’avait laissé seule et était partie, la reine était beaucoup importante que Bess aux yeux de la maquerelle, c’était évident. Si ça se trouvait, elle n’avait peut-être même pas remarqué l’absence de Bess. La jeune prostituées devint les yeux pleins d’eau. Elle savait qu’elle aurait dû rester couché ce matin-là et continuer de rêver.
Alors qu’elle avançait en maudissant le ciel d’être si beau en cette journée alors que tout semblait mal aller, la jeune femme vit Mary-Ann qui tentait tant bien que mal de se faire un chemin parmi la foule, à sens inverse. Bess s’était trompé, Mary-Ann la cherchait.

- Mary-Ann!! Je suis ici!!

Vive la Reine !

Aller à l'encontre de la foule n'était pas facile et Mary-Ann devait difficilement jouer des coudes pour se faire un passage. Mais il était hors de questions de laisser Bess seule au milieu de tout ces gens. Qui sait ce qui pouvait lui arriver ? Elle était sous sa responsabilité, et s'il lui arrivait quoi que ce soit, elle en sera coupable et s'en voudrait.

Mary-Ann se souvint qu'un jour, elle avait perdu son fils aîné lors du marché à Londres. Elle marchait, son fils aîné à sa gauche, et portait son petit dernier, d'à peine un an, dans ses bras. Son mari était entouré d'Edmond et d'Arthur, respectivement âgé de cinq et trois ans. Ils étaient sortis en famille, tous ensemble, et Charles avait croisé l'une de ses connaissances avec qui il s'était mis à discuter. C'est uniquement quand ils avaient eu finis de discuter avec cet homme qu'ils s'étaient aperçu de l'absence de Charles Jr. Ils l'avaient cherché pendant de nombreuses minutes, qui semblèrent être des heures, en vain. Charles lui avait demandé à de nombreuses reprises de rentrer avec les enfants, et qu'il se chargerait lui même de retrouver leur fils, qui devait s'être perdu pas trop loin de là. Elle ne voulait rester à attendre qu'il revienne, il fallait qu'elle agisse pour le retrouver, même avec un bébé dans les bras, et deux enfants en bas âge à ses côtés. D'ailleurs quand elle avait finalement été obligée de rentrer avec les enfants, car il fallait qu'il y aie quelqu'un à la maison au cas où Charles Jr retrouvait son chemin seul, elle s'était senti inutile, et détestait cela. Elle le cachait aujourd'hui, comme on tente de masquer toutes faiblesses, mais ses enfants avaient été tout pour elle, et elle éprouvait beaucoup de peine à savoir que ses deux fils grandissaient loin d'elle, ne voulant plus la revoir. De la même manière qu'elle avait été inquiète lorsqu'elle avait remarqué l'absence de Charles ce jour là, elle craignait qu'il arrive quelque chose à Bess, sa fille de cœur, ou même qu'un jour, de son plein gré, elle parte loin et ne veuille plus la revoir. Même si au fond, elle savait bien qu'il y avait très peu de chances qui lui soit arrivé quoi que ce soit et qu'elle s'était très certainement juste égarée, comme son fils il y plus de dix ans, elle ne pouvait s'empêcher de s'inquièter un peu car elle tenait à elle.

Il était difficile de distinguer les visages de tout les gens qui l'entourait, tant ils étaient nombreux, et Mary-Ann pensa que si Bess s'était habillée de manière plus originale, plus voyante, cela aurait été plus simple. Elle-même en revanche, était facilement remarquable dans la foule. Avec sa robe si colorée, on ne pouvait la rater. C'est probablement ce qui permit à Bess de remarquer sa maquerelle.

- Mary-Ann !! Je suis ici !!, cria-t-elle.

Mary-Ann l'entendit et chercha d'où venait sa voix. Quand elle l'aperçu, elle fut soulagée, et se dit qu'elle s'était imaginée de graves scénarios sans raisons, comme beaucoup de mères avaient tendance à le faire. Elle se fit un chemin pour aller jusqu'à Bess et une fois près d'elle la prit dans ses bras un court instant.

- Bess ! Tu m'as fait peur tu sais ?, dit elle ensuite en se séparant de son étreinte. Avec ces gens qui veulent la mort de la reine, et ces hommes qui sont déjà saoul alors que la fête n'a même pas encore commencé, qui sait ce qui aurait pu t'arriver ? Je t'avais pourtant demandé de ne pas t'éloigner, où étais tu ?!

Mary-Ann était contente de retrouver Bess, mais voulait néanmoins que celle-ci comprenne qu'elle l'avait rendue inquiète et qu'à l'avenir, elle fasse attention à ne pas s'éloigner de sa maquerelle durant un tel évenement, ou du moins, pas sans prévenir. Maintenant que Bess était là, il ne restait plus qu'à rejoindre les autres filles, si les gens leur permettaient de passer, et peut-être aller écouter ce qu'elles n'avaient pas raté du discours royal.

"Mary tu veux venir avec moi jusqu’à l’estrade ? Je suis sûre que notre souveraine serait contente de voir que ta famille souhaite la paix."

Toute à sa crainte de paraître ridicule face à la Reine d'Ecosse et d'avoir perdu sa soeur, Mary Grey n'avait pas vu sa cousine Elisabeth approcher. Une fraction de seconde lui suffit pour constater que la Reine Mary s'était redressée sur l'estrade, droite et fière en dépit de sa robe tachée de sang, digne d'une Reine d'Angleterre. La fillette se souvenait bien du couronnement de sa soeur, survenu quelques semaines plus tôt. Jamais Jane n'avait eu autant de charisme ou de droiture, contrairement à Mary Tudor. En dépit de l'amour qu'elle avait pour sa soeur, la vue de la nouvelle Reine convainquit la jeune Grey que jamais Jane n'aurait pu remporter la victoire face à une personne comme l'aînée des Tudor. Pourtant, rien ne pouvait l'empêcher de penser que Mary occupait à présent la place de Jane.

"Et bien... Oui, je vous suis, Elisabeth. Les Grey ne souhaitent rien d'autre que la paix, notre présence ici est là pour le montrer !"

Elle avait souri à sa cousine, mais demeurait inquiète : aucune trace de Katherine. Là bas, une autre pupille de la Reine, qui s'appelait aussi Katherine d'ailleurs, était tombée de cheval. Etait-il arrivé la même chose à Katherine Grey ? Nerveusement, Mary jetait de petits coups d'oeil autour d'elle quand Elisabeth s'approcha d'elle pour lui murmurrer à l'oreille.

"Cela pourrait aussi aider à faire libérer ton père et ta sœur."

La fillette se redressa aussitôt. Elisabeth avait raison, comment avait-elle pu ne pas le comprendre ? Son père, sa soeur... La présence de la dernière des Grey aux côtés de la Reine Mary ne pouvait que jouer en leur faveur ! L'endroit était clafi de gardes, la preuve était qu'elle en avait heurté un de plein fouet quelques minutes plus tôt. Katherine ne risquait sans doute rien. En dépit de l'opprobre jeté sur leur famille, les Grey demeuraient nobles, puissants et, grâce à Frances Brandon, de sang royal. Personne ne s'en prendrait à Katherine. De plus, Mary savait que Richard Hurtwood était de la partie : lui présent, elles n'avaient rien à craindre. Son sourire s'élargit.

"Je vous suis !"

Puis, alors que la princesse bâtarde d'Angleterre s'adressait à la Régente d'Ecosse, Mary Grey plongea dans une profonde révérence face à Marie de Guise - qui était en réalité assez pitoyable, mais au moins elle avait essayé. Mary prit donc la direction de l'estrade en compagnie de sa cousine. Déjà, sa mère s'y trouvait, en second plan derrière la Reine et aux côtés de... Katherine ! Mary étouffa un cri de joie alors que sa soeur, croisant son regard, lui envoya un sourire. Même Frances lui sourit alors qu'elle grimpait à son tour les marches de l'estrade, le coeur battant la chamade a mesure que passaient les marches.

Pour son père. Pour sa soeur. Pour sa famille. Droite comme un I, la petite Lady rejoignit sa mère et sa soeur face à la foule londonienne.