Jasper Riddle

" L'homme est un loup pour l'homme. " TON PERSONNAGE PRÉNOM & NOM Jasper Riddle AGE   43 ans DATE DE NAISSANCE 22 novembre 1512 ORIGINE Anglaises SITUATION FAMILIALE Célibataire et sans enfants. MÉTIER Chef de la garde rapprochée de la reine Mary, à la tête d'un réseau d'espions. GROUPE La Garde royale CRÉDITS Mari-Jane LE JOUEUR PSEUDO  Irina alias Wild Concerto AGE  18 ans OU AS-TU CONNU LE FORUM?  D'abord via un partenariat sur Au Temps de Versailles. J'ai hésité à m'inscrire après, et en le renvoyant sur PRD, je me suis décidée! TON AVATAR  Gerard Butler   VOTRE PERSONNAGE EST-IL HISTORIQUE OU FICTIF?  Écrire ici. VOULEZ-VOUS ÊTRE PARRAINÉ?  Nope.

▬ QUELLE EST VOTRE RELIGION ET QUE PENSEZ-VOUS DES CHANGEMENTS RELIGIEUX DU PAYS? Depuis que Jasper a été arraché à son monastère, il a juré de toujours rester catholique, de défendre sa foi et de la restaurer en Angleterre coûte que coûte. À l'avènement d'Edward VI, il a préféré se railler à la princesse Mary Tudor afin de pouvoir défendre le catholicisme à ses côtés. Depuis, l'avènement de Mary I n'est pas pour lui déplaire, et pourra enfin éradiquer pour de bon cette religion satanique qu'est le protestantisme.

▬ QUE PENSEZ-VOUS DE LA NOUVELLE REINE D'ANGLETERRE? Mary I est une sainte, une sorte de second Messie. Elle a représenté par Jasper tous ses espoirs, toutes ses ambitions, tous ses oui pour ses désirs  de vengeance contre ce que les protestants lui ont fait endurer. Elle a même daigné lui faire confiance, à lui, pour être la tête de ce qui détruira le protestantisme pour de bon en Angleterre. Et, pour Mary, Jasper serait prêt à être tué pour lui plaire.

▬ QUE PENSEZ-VOUS DE JANE GREY? Elle passe chez les protestants pour être une pauvre enfant martyre. C'est une chose totalement fausse. Jane Grey n'est qu'une usurpatrice, une sorcière qui n'a eu que ce qu'elle méritait. Elle n'avait  aucun droit de devenir Reine, et elle l'est devenue uniquement pour que le protestantisme puisse perdurer et s'enraciner de façon catastrophique en Angleterre! Qu'elle meure, en punition de tous ses péchés!

▬ AGISSEZ-VOUS DANS L'OMBRE POUR VOTRE CAUSE OU VOTRE FOI, SI OUI QUE SERIEZ-VOUS PRÊT A FAIRE ? Il agit pour sa foi, et elle seule. Sa foi qui l'a tant fait souffrir par le passé, qui l'a sorti de son monastère, qui l'a forcé à se montrer aux yeux des hommes. Tout au moins, il est davantage craint que raillé Mais Mary I représente tous ses espoirs, sa foi a été son pillier pendant si longtemps. Oui, il serait prêt à mourir martyr pour elle.

Chapter One: Sweet Childhood

- Je ne veux pas accoucher! Je veux mourir! JE VEUX MOURIR!

- Madame, je vous en prie, calmez-vous!

Une scène assez réprouvante se produisait dans une maison bourgeoise de Londres, en cette année 1509. Une très jolie femme, dans un lit, semblait être à l’article de la mort, d’une crise quelconque dont, en ces temps où la médecine était assez peu avancée, on ne pouvait connaître la raison. Mais le ventre rebondi, apparaissant sous les couvertures de la femme, démontrait que cette dite crise était celle par laquelle il fallait passer avant de mettre au monde l’enveloppe charnelle d’une nouvelle âme.

Ses cheveux bruns dont quelques mèches collaient au visage par la sueur l’auraient en temps normal dérangée. Dieu qu’elle détestait avoir des mèches dans le visage. Mais la douleur était telle que, tout ce qu’elle voulait, c’était que cet enfant soit enfin mis au monde. C’était bien la première fois qu’un accouchement était aussi difficile pour elle. On dit toujours que c’est le premier qui est le plus difficile. Pourtant, Henry avait passé tout seul. C’avait été la même chose pour Edward et Charles. Mais celui-là lui donnait réellement toutes les peines du monde.

La bonne, Margaret, transformée en sage-femme pour l’occasion, était une véritable petite tornade en coiffe blanche s’affairant ici et là. De toute son expérience de sage-femme, qui était d’ailleurs assez longue, jamais elle n’avait vu un cadet de famille causer autant de tracas. Surtout que la mère tournait du rouge au blanc, et du blanc au pourpre, ce qu’elle n’aimait pas. Mais alors, pas du tout.

Des cris de bébé se firent enfin entendre. Coupant le cordon ombilical, Margaret s’empressa d’ondoyer le petit garçon mais, en voulant le tendre vers celle qui était mère pour la quatrième fois, elle fut soudainement effrayée par la pâleur du visage, la bouche entrouverte et les yeux grands ouverts, sans expression. Vite, elle déposa l’enfant qui se mit à pleurer de plus belle, comme s’il sentait que déjà, il allait être ainsi isolé toute sa vie. Et, touchant la main de la mère, elle la sentit raide. Fermant les paupières pour ravaler ses larmes, elle ferma les yeux de la défunte. Et, se tournant vers l’enfant, elle caressa doucement son crâne recouvert d’un peu de duvet, avec tendresse. C’était un innocent, qui ne semblait pas se rendre compte de ce qui s’était passé, et qui ne demandait maintenant qu’une tétée. Tout en dorlotant légèrement l’enfant, Margaret se demanda comment elle allait bien faire pour annoncer tout cela au reste de la famille, qui attendait non sans frayeur et anxiété, que Henrietta Riddle n’était plus.


Margaret regarda non sans inquiétude l’enfant qui, trop silencieusement, jouait avec quelques bâtons et une ficelle. Dire qu’à son âge, tous les enfants de dix ans, au contraire, étaient turbulents, faisaient du tapage, jouaient à la guerre des Lancastriens contre les Yorkistes, la guerre des Deux-Roses étant encore dans les mémoires des plus vieux qui ne se lassaient pas d’en raconter les exploits aux plus jeunes. Mais Jasper avait vite appris, malgré son jeune âge, que cela ne lui avait pas été donné. Il devait se faire le plus discret possible, bien malvenu dans cette famille qui, avec la disparition d’Henrietta qui, on le voyait bien à présent, avait été le cœur du foyer, avait été d’une ambiance plus que glaciale : dépravée.

Les aînés avaient cependant su rester à leur place, tentant de bâtir leur place dans le monde. Les Riddle étaient malgré tout une bonne famille londonienne, et les places d’avocat ou encore de professeur, très honorables, ne manquaient pas pour de jeunes gens aussi prometteurs. Non, c’était surtout du père que venait tout le grabuge.

Frederick Riddle avait aimé Henrietta passionnément. Un peu trop, même. Il ne s’était jamais remis de sa mort, et tout le blâme de cette disparition prématurée était retombé sur l’innocent enfant qu’était Jasper. Ignorant délibérément son fils, il ne lui donnait pas la bonne éducation qu’avaient reçue ses frères, de sorte qu’à dix ans, Jasper se retrouvait analphabète. Qu’est-ce que Margaret n’aurait pas donné afin qu’elle puisse lui apprendre à lire et à écrire, elle, pauvre fille de campagne ignorante!

Elle osa caresser légèrement la tête du jeune garçon, qui, dans son visage trop sérieux, lui fit enfin un léger sourire. Mais le fracas causé par une porte violemment ouverte fit lever la tête à la bonne qui, immédiatement, se leva subitement en voyant son maître et esquissa une petite révérence.

- Comme ça, on se prend pour sa mère en cachette?

Frederick Riddle était ivre. Encore. Comme cela arrivait à peu près tous les soirs. Et, dans ses moments d’ivresse, il arrivait souvent qu’il avait des élans de cruauté inhumains, pour ensuite retomber dans une sorte d’abattement qui pouvait durer des heures.

- DÉGAGE, CATIN! Fit Riddle en repoussant violemment Margaret. Celle-ci tomba sur le sol, sous la violence du choc, et tomba évanouie, sa tête ayant heurté quelque chose. Et heureusement. Elle n’aurait pas eu à subir la scène qui allait suivre.

- J’vas t’apprendre, moi, à prendre trop de place dans cette maison! Tu n’as aucune place ici. AUCUNE, TU M’ENTENDS? AUCUNE!

Avisant un tison, avec la pince qui allait avec le foyer de la cuisine, il empoigna son fils et l’enfonça sur sa joue, faisant fi des cris de l’enfant, plutôt, s’en réjouissant avec une joie sadique. Laissant Jasper avec son visage désormais défiguré à jamais, il traîna Margaret à l’extérieur de la maison et l’y abandonna.
Lorsque Margaret retrouva enfin ses esprits, Dieu merci, aucun voleur ne l’avait détroussée, comme c’était déjà monnaie courante. Un miracle, pour dire vrai. Cognant à la porte des Riddle, espérant que la folie de Frederick était passée, elle eut pour résultat un vase de nuit rempli d’excréments sur la tête. C’était la manière de son ancien maître de lui donner congé. Mais, refusant de partir sans avoir vu son enfant adoptif une dernière fois, elle appela Jasper qui de toute façon, avait sa chambre du côté de la rue et l’entendrait sûrement.

- Jasper? Je t’en prie, réponds-moi.

L’enfant se montra enfin… Et Margaret dut faire un effort surhumain pour ne rien laisser paraître, ne voulant pas laisser un tel souvenir à Jasper : celui d’un visage horrifié, dégoûté devant un quart de visage qui n’avait plus rien d’humain. C'était la fin de Jasper, pour pouvoir  sortir de son enfer. Il avait été aant un assez joli enfant, ressemblant énormément à sa mère. Mais tout cela était fini.

- Jasper? Je t’en supplie, sois courageux…

En voilà une demande à faire. Comme si le petit n’était pas assez courageux.

- Je dois partir, tu comprends? Je veux que tu pries la Sainte Vierge. Ce sera ta maman, désormais… et… je prierai pour toi.

Sans mot dire, Jasper regarda Margaret s’éloigner dans la nuit. Il n’allait pas sans dire qu’il savait qu’il ne la reverrait jamais. Mais il n’avait pas envie de pleurer. Il n’en ressentait pas le besoin, d’ailleurs.

Ce n’était que le début de la chute de Jasper dans la sociopathie.


- Non! Mais arrête de faire ça!

Depuis son arrivée, Frances avait remarqué les choses assez étranges dans cette maison. Bien sûr, elle avait entendu parler de cet ivrogne de père qu’était Frederick Riddle, mais, comme on lui avait assuré que ses fils étaient de parfaits gentlemen et que d’ailleurs, c’était surtout eux qui menaient plutôt que leur invalide de paternel, elle avait accepté. Mais elle n’avait pas entendu parler de Jasper.

Lorsqu’elle avait d’abord vu cette petite silhouette tapie dans l’ombre, elle avait cru qu’il s’agissait d’abord d’un chien ou d’une autre bête insolite qui n’avait pas sa place. Elle avait donc tenté de le chasser en le poussant par le balai, mais, en voyant ce quart de visage déformé par une brûlure hideuse et qui n’avait pas été soignée, elle avait hurlé assez fort pour qu’un des frères aînés arrive, la calme et ordonne d’un ton sec à Jasper d’aller se tapir ailleurs. Et, dans le regard que lui avait jeté l’enfant, qui n’avait d’ailleurs rien de l’enfance, Frances avait tout de suite vu qu’elle s’était fait un ennemi.

Jasper lui faisait peur, tant il semblait dénué de sentiments. D’ailleurs, pas plus tard qu’aujourd’hui, il avait trouvé le moyen d’attraper un oiseau par un piège qu’il avait lui-même fabriqué. Puis, sans l’ombre d’un sourire ou d’un signe de dégoût, il avait entrepris de fracasser d’arracher tous les plumes du passereau, et, au moment où Frances l’arrêtait, il avait fracassé son pauvre petit crâne sur le sol.

La porte s’ouvrit derrière eux, et prestement, Jasper fit disparaître toute trace de meurtre. C’était Henry, l’aîné des frères, qui, sans même daigner regarder son frère ou la bonne, s’installa à un bureau, prit du papier, de l’encre et une plume, et commença à écrire, pendant que Frances se remettait à son travail et Jasper, comme à son habitude, rampa dans un coin pour continuer son morbide amusement.

Quelqu’un frappa à la porte. Frances s’empressa de descendre et ouvrit sur un homme qui semblait être un soldat.

- M’dame Riddle?

- Non, monsieur. Je vous prie de m’attendre, j’irai chercher M. Riddle.

Henry Riddle ne tarda pas à arriver, toisant d’un regard froid le soldat.

- Que puis-je faire pour vous, monsieur?

- C’est au sujet de votre père, m’sieur. On a repêché son corps dans la Tamise. Des témoins ont dit qu’ils l’ont vu sauter d’un pont.

- C’est bien. Je vous remercie, monsieur.

Sans mot, Henry referma la porte et retourna immédiatement à son bureau. Mais, remarquant assez vite le regard interrogateur que Frances tentait vainement de dissimuler, il annonça la nouvelle :

- Mon père est mort. Suicidé. Bien sûr, il n’y aura pas de funérailles.

Peu à peu, le visage déformé et inexpressif de Jasper sortit de l’ombre. Mais un observateur attentif aurait pu voir une légère lueur dans le regard. Lueur qu’Henry surprit. Il lança donc d’un ton rogue à celui qu’il ne traitait même pas comme un frère :

- Ne me regarde pas comme ça. C’est bien de ta faute s’il est mort.


L’enfant, recouvert d’un sac de toile afin qu’on ne voie pas ses cicatrices, regardait de temps en temps hors de la charrette qui l’emmenait la nature qui les environnait. N’étant jamais sorti de Londres, et pour ainsi dire jamais de la maison, il ne pouvait pas s’empêcher de regarder bouche bée, à travers les petits trous du sac, des choses qu’il n’avait jamais vues. Des arbres. Des fleurs. L’eau d’une rivière à l’apparence claire et fraîche, miroitant sous le soleil.

Peut-être qu’il était mort. Peut-être qu’il allait au paradis.

Lorsque la carriole s’arrêta enfin, Henry fit descendre son frère et, se dirigeant vers une porte de côté du monastère, sonna à la petite cloche. Et Jasper, jusque-là dans une sorte d’euphorie peu apparente, mais brûlante de l’intérieur, se mit soudain à regarder les sévères petites ouvertures du monastère, qui lui firent toute l’impression d’une prison.

La porte s’ouvrit enfin sur un moine à l’allure ascétique, mais, contrastant singulièrement avec son apparence, avec un air enjoué sur le visage.

- C’est donc là le petit? Allez, entre.

Assez timidement, Jasper s’exécuta. Le moine, toujours avec un sourire rassurant ne tarda pas à fermer la porte, et ôtant doucement le sac de toile, s'arrêta un instant devant les brûlures. Mais son sourire se fit encore plus paternel, et, sortant un collyre, l'appliqua délicatement sur les blessures encore mal cicatrisées. Pour la première fois de sa vie, Jasper dit intérieurement une action de grâces à son Dieu qui l'avait sauvé de l'enfer. C'était une manière de marquer une fin définitive avec ce qui avait été son ancienne vie.

Chapter 2: Monastery Life

« Frère Jasper? Je vous prie de m’excuser dans votre méditation. Frère Andrew est au plus mal. »

Immédiatement, Jasper bondit de son siège pour se diriger vers l’aile du monastère où étaient situées les cellules des moines. Il n’y avait bien qu’une telle annonce pour que le jeune moine accepte ainsi d’interrompre sa prière.

Si les moines, par charité et par amour du Christ et du prochain, avaient accepté son visage défiguré, bien que caché par un masque en cuir, frère Andrew avait toujours été pour lui comme un père. Il lui avait appris, d’ailleurs, tout ce qu’il savait.

Ils avaient bien le temps, d’ailleurs. Frère Andrew avait demandé une permission spéciale au supérieur, celle de se charger de l’éducation de Jasper, en lui louangeant son intelligence qui était là « pour la plus grande gloire de Dieu » pour reprendre ses propres paroles. C’est ainsi qu’à force de patience et de pédagogie, Jasper avait appris non seulement à lire, à écrire et à compter, mais avait aussi pu puiser dans le savoir qui semblait bien infini du frère Andrew, que ce soit en herboristerie, en histoire…

Il n’était d’ailleurs pas vraiment soumis aux règles des moines. Certes, il avait été tonsuré, mais, à cause de son jeune âge, on ne lui avait fait prononcer aucun vœu. Le supérieur lui avait d’ailleurs dit que s’il désirait quitter le monastère, mener une vie honnête malgré les cicatrices éternelles de son visage, il ferait tout ce qui serait en son pouvoir pour le lui obtenir. Mais Jasper refusa toujours de quitter son refuge de la cruauté des hommes.

Car c’était surtout une piété, une très grande piété qu’il obtint. Il avait découvert que seul Dieu le voyait réellement avec son vrai visage, l’aimait tel qu’il était, et en même temps, lui servait de bouclier contre toutes les forces du monde. Oui, il trouvait sa force dans le Dieu représenté dans les fresques qui ornaient le plafond de la chapelle du monastère, celle d’un Dieu surplombant les nuages, tendant les bras comme si dans leur espace, il détenait l’univers tout entier,  son auréole triangulaire rendant terne la lumière même du Soleil.  

Plusieurs fois, il avait même demandé au supérieur la permission d’imiter les Pères du désert : celle de se retirer comme moine ermite afin de pouvoir louanger Dieu sans être inquiété par le monde et ses pièges. Mais toujours, le supérieur, qui voyait avec sagesse la misanthropie de Jasper, refusait. Il fallait absolument qu’il reste en société, car il était parfaitement capable de devenir, dans sa solitude, semblable à une bête plutôt qu’à un saint.

Quand Jasper, lui qui était pourtant si insensible, arriva enfin au chevet du frère Andrew, il sentit une boule lui étrangler la gorge, comme si le sceptre de la Mort le tenait par le cou, l’étouffant, l’obligeant à assister au spectacle du départ de son père adoptif. Mais point de larmes. Il avait oublié depuis longtemps comment pleurer.

Quand enfin, frère Andrew ouvrit les yeux, il regarda vers sa droite, comme s’il sentait la présence de Jasper près de lui. Dans un effort suprême, il parvint à lui tendre le chapelet qui, depuis toujours, ne l’avait jamais quitté. Le resserrant fermement entre ses doigts, Jasper ferma les yeux, de telle façon qu’il ne put voir frère Andrew rendre le dernier soupir.

Mais la perte de son père adoptif n’était rien comparée aux profonds cataclysmes qui allaient bientôt secouer l’Angleterre toute entière.


- Frère Jasper! Je n’ose y croire!

Un novice de quelques années plus jeune que lui avait accouru dans la chapelle, ses sandales claquant sur les dalles de la chapelle. Bravant le regard plus que courroucé de Jasper, qui détestait qu’on l’interrompe en pleine prière, il se dit en même temps que c’était une chance qu’on l’ait délégué, lui, pour aller l’avertir. Il y avait bien peu de novices qui n’avaient pas peur de ce mystérieux moine qui n’en était pas vraiment un, malgré sa tonsure, et ce, malgré les avis répétés du maître des novices qui leur prêchait la charité envers le prochain, d’autant plus que lui connaissait le lourd passé de Jasper Riddle.

- Ta raison de m’interrompre doit être bonne, enfin, je l’espère, fit Jasper d’un air en effet assez menaçant.

- C’est le Roi… Comme si c’était pas assez de répudier notre bonne reine Catherine, et d’épouser la catin de Boleyn!

- Ne prononce jamais le nom de cette sorcière dans la maison de Dieu! Tonna Jasper. Allez, cesse de dire des bêtises et allons à l’extérieur. J’étouffe, ici.

Arrivés à l’extérieur, le calme de la cour intérieure du monastère et le soleil d’été tranchaient étrangement avec la pression qui pesait sur les épaules de Jasper et qui était palpable. Déjà, il sentait très bien d’où le jeune novice voulait en venir. Depuis qu’Henry VIII s’était proclamé Chef suprême de l’Église d’Angleterre, le clergé avait peu à peu ressenti sa poigne s’abattre sur eux. D’abord, le supérieur, qui s’était fermement redressé contre ces changements contre les lois de l’Église, et qui entendait bien ne reconnaître que le Pape comme seul et unique chef, avait été destitué de ses fonctions par ordre du Roi et avait dû quitter son couvent, suivi de nombreux autres frères. Un nouveau supérieur, plus facilement manipulable, avait été mis en place par décret. Jasper, lui, n’avait pas suivi les quelques fidèles qui avaient quitté, restant dans le monastère tout en regardant d’un œil plus qu’hostile les changements qui étaient de s’opérer dans son monde autrefois si paisible, où il était en union totale avec Dieu.

Une fois dehors, Jasper regarda stoïquement le novice, qui commença enfin à déblatérer plutôt que d’annoncer la grande nouvelle.

- Par ordre du Roi, tous les monastères seront fermés et leurs occupants, renvoyés.

This is the end. C’était la phrase qui aurait pu résumer tout ce qui se passait dans la tête de Jasper. On aurait pu tout aussi bien lui annoncer la fin du monde qu’il n’aurait pas été plus surpris. Le monastère était après tout son monde. Son refuge de l’enfer qui était le monde réel. Et maintenant, ce Lucifer nommé Henry VIII prétendait maintenant tout lui arracher, le mettant à nouveau dehors, public, offert en pâture à la risée des hommes.

Quittant subitement le jeune moine, Jasper s’enfuit vers sa cellule. Et, s’allongeant sur son lit, le visage inexpressif, il sortit de sa gorge une sorte de gémissement semblable à celle d’un animal féroce en train d’agoniser.

Chapter 3: Revenge is mine, said the Lord.

Couvert de sueur, Jasper passa une main moite dans ses cheveux qui, depuis qu’il avait quitté son monastère, avait repoussé. Le maître d’armes, aussi froid et imperturbable que lui ou presque, lui fit un léger signe. Ce geste, assez peu significatif pour ceux qui ne le connaissaient peu ou pas du tout, était un signe de bon travail pour son élève.

Depuis son entrée dans la garde royale, les autres recrues n’osaient pour ainsi dire pas trop lui parler. Les airs de tigre attendant sa proie les avait déjà repoussé et inspiré une certaine crainte, mais de voir Riddle se battre d’une énergie presque meurtrière contre le maître d’armes leur donnait encore davantage froid au dos. Si le maître d’armes disait, de temps en temps, avec ses supérieurs, que le jeune homme irait loin, tout le monde se disait bien au fond qu’ils ne voudraient en aucun cas avoir affaire à son regard de fer durant un duel.

Il n’y avait bien qu’un seul homme qui semblait aller au-delà de cette crainte constante : John Andrews. Un brave type, d’ailleurs, selon le peu que Jasper disait de lui. Celui-ci, justement, allongé sur sa couchette, ronflait du sommeil des bienheureux quand Riddle fit son entrée dans leur petite chambre et, versant de l’eau dans une vasque, s’éclaboussa le visage à grands coups, réveillant par la même occasion Andrews qui en reçut d’ailleurs une bonne partie.

- Oh là! Doucement, mon vieux! Décidément, on ne sait pas comment se défouler aujourd’hui?

- Heureux de voir que ce n’est pas le cas pour toi, répondit froidement Jasper, comme à son habitude.

- Allez! T’as rien qu’à m’accompagner chez la fille Watling, cette fois-ci! Tu verras, t’as peut-être juste un petit besoin d’être dépucelé!

- Tu sais bien que ce n’est pas pour tomber dans le péché que je suis entré dans l’armée. Je veux un jour pouvoir éradiquer cette religion satanique et…

- Mais arrête de faire le saint!...


« C’était peut-être pas une très bonne idée de l’emmener dans c’te maison close là. »

C’était là une pensée exprimée de façon très rudimentaire par John Andrews, près de cinq ans après ces événements. Pendant que Lysbeth, l’épouse qu’il avait prise depuis très peu, le regardait d’un air tendre, elle ne se doutait absolument pas de ce que son époux pensait. Les chemins d’avec son compagnon de chambre, Jasper, s’étaient séparés, bien que les deux hommes se croisaient et discutaient de temps en temps.

Si lui était resté un petit soldat sans histoire, Jasper avait fait beaucoup mieux! Il avait fait partie de la garde royale de Sa Majesté Henry VIII, par recommandation de ses supérieurs. On pouvait d’ailleurs le charger de toute besogne, aussi basse soit-elle, pour que Jasper l’exécute sans faire aucune difficulté, à tel point que cela pouvait répugner à bien des âmes sensibles.

Mais ce n’était pas tout. Malgré son masque, ou même plutôt grâce à son masque qui cachait ses hideuses brûlures, on pouvait voir que, sans la marque du destin, Jasper Riddle aurait fait un assez bel homme. C’était suffisant pour que les femmes, coquines soubrettes ou charmantes demoiselles, lui courent après. Et le comportement de Riddle, face à elles, était pour le moins assez étrange. Il s’arrangeait pour les faire mettre dans son lit, pour ensuite les envoyer paître et même les battre si elles avaient l’audace de revenir et de parler de mariage, comme elles étaient à présent déshonorées. Et le pauvre Andrews s’attribuait à lui-même cette faute. De voir Jasper au milieu des prostitués, agissant comme un mâle dominant au milieu de chattes en chaleur lui avait donné mal au cœur.

À présent, c’était le fils d’Henry, Edward VI, qui avait été couronné roi d’Angleterre. Jasper n’avait pas hésité à clamer haut et fort que jamais il ne servirait un protestant, et se railla du côté de Mary Tudor, la sœur aînée du Roi. On ne pouvait pas dire que la princesse avait peu apprécié ce geste. Au contraire, la confiance de Mary ne faisait qu’augmenter à son égard.

- M’sieur Andrews! M’sieur Andrews!

Une voix enfantine criait au dehors, malgré la tempête, et tambourinait presque aussi fort que la pluie mélangée aux grêlons. John, se levant promptement, s’empressa d’ouvrir la porte.

- Qu’est-ce qu’il y a, petit? Que fais-tu dehors, à ce temps-là?

- Pas le temps! M’sieur Andrews, y a un homme masqué, au p’tit pont près de la Tamise, qui m’a demandé de vous envoyer chercher. Il perd beaucoup de sang, y a un homme qui a voulu le poignarder et qui l’a atteint à la cuisse. Y va mourir si vous venez pas. Moi, j’demande rien, y m’a déjà donné dix pennies. Moi, ça fait ma journée.

Le garçon n’avait pas fini son discours que déjà, malgré la tempête, Andrews se précipitait au dehors, courant non seulement vers son ami, mais également vers ce qui serait sa perte.


- Je ne veux pas de votre aide! C’est de votre faute s’il est mort!

Jasper restait là, presque abasourdi devant ce petit bout de femme qui osait lui tenir tête. Depuis la mort de John Andrews, pour la première fois depuis longtemps, Jasper ressentait une sorte de malaise qui l’empêchait de dormir la nuit. Il avait donc décidé d’aller voir Lysbeth, la veuve de John, afin de lui proposer un peu d’aide, comme elle n’avait plus d’autre moyen pour vivre depuis que son époux était défunt.

Mais la jeune femme semblait être bien consciente qu’en quelque sorte, Jasper avait sa part de responsabilité dans la mort de son mari, et entendait bien le tenir responsable. Et, épaté et rempli de respect pour cette femme qui se tenait bien droite, face à lui, alors qu’il bredouillait quelques excuses, il s’inclina légèrement en marmonnant une salutation, et partit sans regarder derrière lui. Mais en se disant que malgré tout, il braverait l’interdiction de Lysbeth et veillerait malgré tout sur elle, afin qu’elle ne manque de rien.

Rentrant au camp, il eut l’assez mauvaise surprise de croiser immédiatement le regard moqueur de Mark Earnshaw au moment où il n’avait justement pas trop envie de le voir. Et l’air d’Earnshaw n’augurait absolument rien de bon.

- Alors? Ça s’est bien passé, cette petite visite chez M’dame Andrews? On dirait pas. Elle t’a envoyé paître avant que tu ne le fasses? Heureusement. Mais c’est dommage. N’est-ce pas qu’elle est belle, la Andrews?

C’en était trop pour Jasper qui s’était jeté sur Mark avec toute la sauvagerie dont il était capable. Inutile de décrire la scène violente qui s’ensuit. Mais c’est suffisant pour dire qu’à partir de ce jour, la guerre s’était déclarée entre Mark Earnshaw et Jasper Riddle.


- Il faut s’en débarrasser. Ce n’est qu’une usurpatrice et mon frère n’avait aucun droit de m’exclure de la lignée.

Jasper avait cru tomber des nues quand on lui avait annoncé que la princesse Mary en personne le demandait. Tout de suite, il s’était empressé de se rendre auprès d’elle. Vêtue d’une robe noire montrant le deuil qu’elle faisait pour son défunt frère, assise au coin d’un bon feu, le visage de la dame brillait lui aussi d’un feu non consommé. Elle s’était alors mise à parler de cette sorcière, Jane Grey, qui avait usurpé le trône. C’était elle, Mary, la véritable Reine d’Angleterre, et elle se devait de le devenir afin de pouvoir ramener la véritable religion en son pays. Tous ses mots coulaient comme de la musique dans les oreilles de Jasper, le rendant prêt à se mettre à genoux devant sa Reine, la seule et véritable, pour chanter un Te Deum en son honneur.

- Je vous ai appelé, Riddle, car je crois que je puis vous faire confiance. Je compte donc sur vous, avec d’autres hommes que je désignerai, pour me rassembler une petite armée.

Acquiesçant de la tête, Jasper se leva lorsque Mary lui fit signe que l’entretien était terminé. Oui, il était prêt à tout pour que Mary Tudor monte sur le trône, quitte à faire une effusion de sang si cela était nécessaire.


La ville de Londres, ce jour-là, était en liesse. Du moins pour les catholiques et les protestants qui faisaient mine d’être catholiques pour plaire à la nouvelle souveraine. De loin, Jasper suivait les festivités, regardant Mary 1ère parader à travers la ville, savourant le triomphe comme s’il s’était agi du sien.

Plus tard, cette même journée, il avait reçu l’immense honneur d’être convoqué en audience privée par la Reine elle-même. Tout de suite, il s’était précipité au palais, dans le bureau de la Reine, qui, ce jour-là, avait l’air d’excellente humeur, comparé à l’air plutôt morose qui l’avait toujours accompagnée auparavant.

- Je dois dire que j’ai été plutôt impressionnée par ce que vous avez accompli pour moi-même et pour l’Angleterre, Riddle.

- Je ne l’ai fait que pour la Reine légitime d’Angleterre et pour le rétablissement de la religion catholique, Votre Majesté.

- J’ai besoin d’hommes de confiance tels que vous. C’est pourquoi dès aujourd’hui, je veux que vous preniez vos fonctions comme chef de ma garde rapprochée. Et également, je veux que vous commenciez à organiser un réseau d’espions afin de s’assurer qu’aucun protestant n’attente à ma vie. Le protestantisme a beau être aboli, je sais que de nombreux relapses et hérétiques voudront le rétablir. C’est pourquoi je veux aussi que vous tentiez de retrouver un que je crois particulièrement dangereux : Henry Carey. Je ne l’ai pas vu, aujourd’hui… J’ose croire qu’il s’agit ici d’un mouvement de révolte sourde. Il a été fidèle à la Grey, durant son court règne, et évidemment, il n’est pas venu me présenter ses hommages comme il se doit! Retrouvez-le et amenez-le près de moi. Il sera contraint de me reconnaître, que ça lui plaise ou non.

- Ce sera comme vous le désirez, Madame.


Dieu qu’il en avait assez d’entendre cette diable de femme et ces enfants tout aussi insupportables crier à qui mieux mieux. Mais on ne pouvait pas vraiment dire que Jasper Riddle avait arrangé les choses. Faire ce qui était selon les Carey une véritable « violation » de propriété, envoyé de la Reine ou pas, d’arriver en trombe et de terrifier domestiques comme maîtres en accusant d’avoir caché le « traître » et de les menacer de la pointe de son épée, franchement, oui, il y avait de quoi hurler de peur!

Carey aussitôt trouvé, Jasper ordonna à ses hommes de l’attacher solidement. Jettant un regard désemparé vers sa femme et ses enfants, Henry les regarda tous tendrement, se disant que si c’était la dernière fois qu’il les voyait, il allait au moins ne pas regretter de ne pas leur avoir dit adieu.

Après une nuit éprouvante à la Tour, où cet homme masqué au regard de bête sauvage l’avait interrogé sans relâche, alors que lui ne demandait qu’à dormir, son bourreau ne semblait jamais fatigué et semblait même savourer sa souffrance. Quand, le lendemain, il fut enfin traîné de force devant la Reine, à qui il dut prêter allégeance, il croisa pendant un instant le regard de son bourreau, satisfait d’avoir répondu aux demandes de Mary et qui le regardait d’un air goguenard : « Ce n’est pas fini pour toi, mon vieux », semblait-il dire.

En effet, Jasper n’était pas convaincu qu’Henry Carey allait en rester là. Il était même sûr qu’il trempait dans les plus dangereux complots protestants, et qu’il ne s’était éloigné que pour être plus disponible pour ces affaires. Et ce Boleyn, comme Jasper l’appelait à présent, n’allait recevoir absolument aucune miséricorde de sa part.


Ces femmes. Décidément, c’est par elles que tous les maux du monde arrivent.

C’aurait pu être une journée comme les autres pour Jasper. Enfin, journée comme les autres dans le sens où il l’entendait, bien sûr. Il avait suivi un homme qu’il avait depuis longtemps soupçonné d’être non seulement secrètement protestant, mais aussi trempant dans un complot contre la Couronne. Il l’avait suivi jusqu’à ce que celui-ci sorte de la ville, croyant que cet homme, sortant dans un si grand mystère, devait certainement l’emmener vers un repère protestant. Mais lorsque celui-ci, poursuivant désormais une jeune cavalière dans le but certainement de la tuer, Jasper n’avait plus hésité. Se lançant à la poursuite du potentiel meurtrier, il parvint à lui lancer un poignard dans le but de simplement le blesser, mais en visant plutôt mal, et le tuant plutôt.

Enfin, tout danger écarté, la jeune femme se retourna enfin. Et quelle ne fut pas la surprise de voir la duchesse du Devonshire en la figure de la presque victime! Il fallait dire qu’Antanasya Cavendish, pour son excellente réputation, aurait bien été la dernière personne que Jasper Riddle aurait soupçonné pour quelque chose de louche…

- Vous savez sans doute, madame, ce que vous voulait cet homme.

- Je vous assure que je n’en sais rien, absolument rien. Je ne sais pas du tout pourquoi on m’en voudrait…

Devant l’air soupçonneux de Jasper, Antanasya sembla perdre quelque peu son aplomb. Puis, recouvrant ses esprits, elle se renfrogna et commença d’un ton autoritaire :

- Je ne veux plus entendre parler de cette fort regrettable affaire, monsieur. Vous m’avez sauvée, et je vous en remercie. Je vous prie, à présent, de ne plus vous mêler de ce qui me regarde et d’abandonner.

Un sourire carnassier apparut sur les lèvres de Riddle.

- Mais je n’ai jamais abandonné, madame. Lorsque je fais quelque chose, c’est jusqu’au bout. De toute façon, je n’ai rien à perdre, non?