Un avenir à préparer

Un avenir à préparer

L'été commençait en Angleterre. Malgré tout le temps passé depuis les premières exécutions de protestants et surtout l'incident à la Messe, les Espagnoles étaient toujours considérés comme des étrangers à pousser en dehors des frontières. L'ambiance au Palais était de plus en plus pesante pour la jeune Espagnole. Fort heureusement, elle avait encore quelques alliées et amies ici en Angleterre. Il y avait bien évidemment son compatriote le Comte de Figueroa ou encore la Duchesse allemande Isabelle d'Isembourg. Mais ce qui était encore plus étonnant était son lien avec Catherine Holmes, une anglaise avec qui elle avait réussi à s'entendre. Mais le plus important et la présence qui lui rendait le plus le sourire était la princesse Jeanne de Habsbourg. La sœur de Philippe était une ancienne amie de l'héritière andalouse et Elena aimait lui parler. Avec la fille de son roi, Elena se savait comprise dans ce pays où elle se sentait de plus en plus pas à sa place. De plus la jeune femme ne savait pas quelle attitude adopter face au récent retour à la Cour de la princesse Elizabeth. D'après les autres Dames d'Honneur de la reine, sa demi-sœur était une fervente protestante tout comme sa mère. Si elle venait à monter sur le trône, Elena devrait sûrement décider si elle allait rester en Angleterre ou non. Mais la décision ne dépendait pas seulement d'elle. Sa Majesté Charles Quint ou bien l'Infant d'Espagne lui dirait sûrement quelle position adopter. En attendant, elle rejoignait Jeanne sur le terrain de tennis du Palais. Lorsque les deux femmes s'étaient retrouvées, son altesse avait ouvert la conversation. « Votre Altesse, je vais bien merci et vous ? Malgré tout, le regard de ces.. anglais me pèsent. Mais vous vouliez me parler de quelques choses ? » répondit-elle en soupirant.

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Elena s'était inclinée dans une simple révérence. Elle avait beau être proche de la famille royale, cela ne changeait rien. Jeanne était sa princesse et avait même quelques droits non pas des moindres sur la couronne du Portugal. La jeune espagnole s'en doutait un peu mais les paroles de la princesse le lui confirmèrent. Jeanne n'était pas ravie d'être là et ne se sentait plus vraiment en sécurité non plus. Qui aurait pu la blâmer, certainement pas la Duchesse andalouse. Elle aussi pleurait ce soleil qui ne brillait pas comme chez elle. Mais aujourd'hui, Elena était juste en compagnie de sa princesse. Il n'y avait que Jeanne et elle-même. Elena sourit en entendant les notes chantantes de sa langue maternelle. Dieu qu'elle l'aimait. Cela lui manquait aussi de ne point pouvoir converser en Espagnol. Sa langue était si magnifique, bien plus que celle de la reine Mary. « Je dois admettre que pouvoir parler avec une compatriote me ravie. Surtout lorsqu'il s'agit de vous votre Altesse. Ces temps troublent n'annoncent hélas rien de bon pour nous autres espagnols sur ces terres étrangères. Je sais que Mary nous soutien, mais s'il devait lui arriver malheur... » Elena ne poursuivit pas et se signa rapidement comme pour conjurer le sort. « Je ne lui souhaite pas cela va sans dire. » poursuivit-elle rapidement. « Mais vous savez votre Altesse, mon père aimerait que je rentre. Je le sens bien dans ses lettres, tout comme le fait de me trouver un époux d''ailleurs. Il en a même touché quelques mots à votre frère. »

Elena regarda autour d'elle et continua un ton plus bas. « Croyez-vous au destin Jeanne ? » lui demanda-t-elle en souriant.

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Elena marchait doucement aux côtés de la princesse espagnole. Jeanne avait grandi depuis que la future duchesse s'était retirée de la Cour madrilène. Elle avait toujours été plus proche de sa sœur Marie, surtout du fait de leur si peu écart d'âge. Mais ici, en Angleterre, à ses côtés, elle avait la douce impression de revivre ces jours heureux dans les jardins espagnols. Elena lui sourit. Elle comprenait si bien ce que sa cadette lui disait. Oui il manquait à l'Angleterre un hériter du sang de l'Infant pour que tout soit parfait. Elena soupira brièvement. « Hélas ! Mary passa les âges. Les jours se suivent et se ressemblent trop. Et malheureusement, avec le temps... » La jeune femme ne poursuivit pas. Elle espérait que sa compatriote et princesse aie compris sans qu'elle aie besoin d'ajouter quoi que ce soit.

Elena s'arrêta un moment. Jeanne venait de lui proposer de s'occuper de son futur mariage. Oh bien sûr ce n'était pas dit comme cela. Elle lui faisait remarquer aussi qu'elle allait devoir choisir parmi les grands nobles espagnols. Qui pourrait bien être à la hauteur de son rang. Il y en avait pleins. Mais surtout, l'homme devait aussi plaire à son père et en cela la tâche était bien plus rude qu'elle n'y paraissait. Le Duc était réputé pour être quelqu'un de difficile en affaire. Or le mariage de sa fille unique était bien une affaire. Un marché qui arrangerait les deux familles. Elena n'était pas simplement fille de Duc avec la dote qui allait avec. Elle apportait son nom, son rang, son sang et ses terres.

« Mon père vieilli, mais il sera difficile de lui trouver un beau-fils digne de lui.
Quant au destin... et si Notre Seigneur en était l'instigateur ? » demanda-t-elle sentant ses jours rosir.

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Jeanne avait remarqué l'angoisse de son amie. Elle avait même essayé de la rassurer comme elle pouvait. Seulement Elena n'était pas rassurée. Elle n'aimait pas l'Angleterre et tous ces nordiques, ces protestants qui ne rêvaient que d'une chose, les voir partir tous autant qu'ils étaient. La princesse avait néanmoins raison, il devait urgent d'avoir un appui ici et le seul soutien de la reine devenait maigre. Le jour où Mary ne serait plus, qu'adviendrait-il d'eux ? Elena, mais aussi tous les autres devaient se trouver d'autres alliés. Et la future Duchesse commençait à en avoir quelques une à la Cour. Il y avait la jeune Jane et aussi Frances, deux Dames d'honneur qui finalement la soutenaient. Mais si Elena avait confiance en Jane, elle se méfiait un peu de Lady Frances.

Mais là n'était plus le sujet de leur conversation. Elena avait du mal à dire les choses, mais elle avait une idée derrière la tête. Mais comment avouer tout cela à la princesse d'Espagne. Jeanne alla dans son sens concernant son père et la Brune sourie à sa princesse. « Oui espérons qu'il ne nous quitte pas trop tôt. Mais seul notre Seigneur sait le moment où il le rappellera à ses côtés. » souffla-t-elle. Elena regarda tout autour d'elle et puis reprit un ton plus bas. « Jeanne, le chemin de notre Seigneur est parfois étrange. Surtout quand il met sur notre route une personne pour la seconde fois. Que dois-je en penser alors ? Surtout lorsque cet homme fut proche de moi, un temps. » demanda-t-elle. Ses joues étaient devenues roses. Un petit sourire se dessina sur ses lèvres avant qu'elle ne baisse les yeux un peu honteuse de ce qu'elle venait de dire à sa princesse.

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Elena était honteuse et fiévreuse. Ses prunelles rivées sur le sol, elle ne releva le regard que lorsque l'Infante l'interrogea , cherchant à en savoir plus sur cet homme. Mais la jeune femme ne savait point comment amener l'histoire. Elle avait longuement réfléchit, seule, dans ses appartements. Elle avait demandé conseil à la Vierge Marie. Mais elle ne savait plus où elle en était. Elle avait besoin de conseil de personne plus humaine. C'était pour cela qu'elle avait amené le sujet dans sa conversation avec Jeanne. Elle était proche d'elle et savait qu'elle pouvait lui dispenser de très précieux avis sur la question. Elle leva un instant les yeux au ciel, y cherchant la force de répondre à Jeanne. Elle lui devait bien cela. Elle l'avait mis dans la confidence maintenant et elle devait aller jusqu'au bout. « Je ne l'avait plus revu depuis l'année du mariage de votre sœur, Marie, votre altesse. Je ne pensais pas le revoir, ici, en Angleterre. Mais il est là, je l'est entraperçut à plusieurs reprises, auprès de votre frère. « Son nom... Gabriel de Mendoza... » souffla-t-elle. Elle trembla presque en prononçant son nom. Elle avait fini par l'oublier. Son ancien fiancé. Il avait quitté sa vie lorsqu'elle avait quitté la Cour.

Ne pas s'en occuper, Jeanne avait raison, Elena le savait. Elle devait le chasser de son esprit comme elle l'avait fait il y a de cela quatorze ans. Mais comment y arriver alors qu'elle avait l'impression de le croiser sans cesse. Elle croyait le voir partout dès que le prince se trouvait dans son champ de vision. C'était insupportable, insoutenable et si doux. Son mariage, elle y pensait de plus en plus c'était évident. Elle devait se décider, elle devrait se décider bientôt. « Et si c'était lui ? »

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